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4.34/5 (sur 19 notes)

Nationalité : Allemagne
Né(e) à : Mansfeld , le 2 mai 1886
Mort(e) à : Berlin Ouest , le 7 juillet 1956
Biographie :

Gottfried Benn est le plus grand poète de l'expressionnisme allemand.

En 1903, il fait des études de philosophie et de théologie à l'université de Marburg, puis plus tard des études de médecine à l'Académie de l'Empereur-Guillaume à Berlin.

C'est en 1912 qu'il publie son premier recueil intitulé "Morgue et autres poèmes".

De mars à juin 1914, il est médecin à bord d'un navire qui effectue la liaison entre l'Europe et l'Amérique. Il fait un bref séjour à New York.

De 1915 à 1916, il séjourne à Bruxelles en qualité de médecin militaire. Dès la fin de la guerre, il installe à Berlin son cabinet de dermatologue.

Favorable tout d'abord à l'installation du régime hitlérien, Gottfield Benn publie "L'état nouveau et les intellectuels" en 1933 puis l'année suivante "Art et puissance". Cependant dès 1935, il décide de réintégrer l'armée "manière aristocratique d'émigrer".

En mars 1938, il est exclu de la Chambre de la Littérature du Reich et il lui est signifié de ne plus rien publier. Néanmoins, en 1943, le poète fait imprimer à ses frais un recueil de "Vingt-deux Poèmes".

En 1948, parution des "Poèmes statiques" à Zurich. Gottfried Benn devient célèbre et, en 1951, reçoit le prix Büchner.

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Source : Gallimard
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Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
“Je suis encore très loin de moi —
c’est moi que je veux devenir.
(…)
Ma jeunesse est comme une croûte :
une blessure vit au-dessous.
du sang y suinte chaque jour.”
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"un bleu qui se tait, sait se taire :
il abreuve la lumière (...)
Méditerranée,
pressentiment
de l'histoire du monde,
halte à la folie
de la poursuite de la marche terrestre,
Méditerranée succube créatrice de dieux :
toi qui protège, platane,
elle ne perdit jamais ses feuilles."
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9.3.41 Berlin

Cher Monsieur Oelze,

Le dimanche se termine, la grisaille d’un jour de fin d’hiver, une pluie presque
incessante. Je suis allé au jardin zoologique avec ma femme : les ours, les phoques, les jaguars et mon animal préféré : le puma, allongé immobile sur une branche, monomane, les yeux verts. Je dois avouer avoir été profondément impressionné
par l’animal, par son enfermement, sa monstrueuse sujétion à un incessant manège,
impressionné par ses contraintes répétitives lorsqu’il trotte, gratte le sol, s’aiguise
le bec, hurle, par la tension réflexe et neuronale devenue pour ainsi dire sensible,
tension qui ne peut se décharger que dans les muscles ; c’est là de toute évidence
la toute première ébauche de la conscience, sans trace encore de l’issue que nous
trouvâmes ensuite et qui consiste à se dissocier de l’objet. Une fois encore je compris quelle épouvantable détente cosmique, imperceptible à nos yeux de modernes, cette conscience fut pour l’univers après tant et tant de lunes durant lesquelles
nous restâmes prisonniers de nos stimuli et de notre moelle épinière. Cette époque
à laquelle s’est opéré ce redressement, ce passage soudain des muscles à la pensée,
fut sans aucun doute une époque sinistre et cruelle entre toutes, et puis cette agitation inquiète et cette charge vinrent se répandre dans une image et dans l’image
contraire. Il n’est pas étonnant que la terre après cette éruption soit devenue plus
calme, qu’il y ait eu de plus larges couches géologiques sans volcan, que davantage de continents aient été habitables, que le climat se soit adouci après que la
planète eut trouvé cette nouvelle issue qu’est le monde de l’expression. Alors naquirent papillons et arcs-en-ciel et toutes les choses douces et fragiles. Alors se développa l’espèce qui, si l’on se conforme aux lois de la création, vit certes décroître
sa valeur physiologique mais en revanche augmenter sa valeur expressive, valeur
que sans doute il lui fallut d’abord conquérir. Et comme il est certain que depuis
cette époque il y a pour nous un intérieur et un extérieur, lesquels en revanche
n’existent sans doute pas pour le créateur qui représente, qui est la présence de
la chose tout autant que les concepts qui la réfléchissent, on est bien obligé de
concevoir le créateur comme un Dieu qui lentement s’affine. Lui non plus n’était
pas achevé, lui non plus aux premiers temps ne connaissait pas les papillons, et
c’est l’homme qui l’a délivré et non le contraire comme on persiste à le dire et
à le tenir pour vrai. Oui, c’est l’homme qui délivra la divinité, mais ce processus
ne prendra jamais fin et quelque chose d’autre la délivrera de nous, car il est sûr
que nous aussi sommes pour elle une épouvantable souffrance et que nous opprimons profondément la terre.
(...)
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18.1.45 Landsberg-sur-la-Warthe

Cher Monsieur Oelze,

Merci, un grand merci pour vos remarques à propos des poèmes que vous avez
dû supporter en dépit de vos propres contrariétés intérieures et extérieures. Soyez
assuré que je songe souvent à tout ce temps que vous me consacrez et que je n’ignore
pas quel stimulant, quel moteur vous êtes pour moi. Tout ce que vous me dites
est exact. Les nouveaux poèmes concrets pourraient aussi trouver leur place dans
un recueil d’essais, et je me suis longtemps demandé si leur place n’était pas là
en effet. Si j ’ai au départ renoncé à cette possibilité, c’est parce que, intégrées dans
un tel recueil, ces figures poétiques signifient autre chose et prennent une direction différente de ce qui était dans mes intentions premières. Entre deux formes
de lyrisme, l’une confirmée, l’autre neuve, elles doivent dire : ceci est aussi du
lyrisme. Tel est même principalement le lyrisme d’aujourd’hui, le lyrisme authentique, c’est-à-dire la réalité mise en ordre et exprimée d’une façon telle qu’elle
devient plus fantastique encore que la prétendue fantaisie. Par exemple « 1886».
Tandis que « Chopin» est bien davantage de la vieille poésie encore, vous le ressentez vous-même avec raison, pour son style d’abord (...), davantage un poème
dans le sens lyrique du terme. Vous trouvez des choses semblables chez les romanciers américains (par exemple Dos Passos) : soudain au beau milieu du texte une
biographie, biographie se suffisant à elle-même, une expression et une courbe, rien
d’autre, une évolution en vrille (à l’instar de toute vrille ’). On pourrait presque
dire poème statistique. Je tiens beaucoup à « Clemenceau » à cause du dernier vers
que je trouve grandiose : «Sur ma tombe 2...»
Mon poème préféré est « Ach das ferne Land » (« Hélas, le pays lointain »). Quelque chose d’intime, d’éphémère. Dans « September » (« Septembre ») se trouvent
des éléments orphiques dans la mesure du moins où ils sont supportables
aujourd’hui et où ils passent dans le langage. Vous remarquez d’ailleurs bien, même
sans que je vous le donne à entendre, que je me suis attaché à faire entrer des
motifs nouveaux, de nouvelles réalités dans le fade lyrisme allemand, refusant toute
émotion, tout sentiment envers des objets et cherchant à remplir ceux-ci de leur
propre image. Voilà qui répond aussi à la question que vous me posiez à propos
de ce qui a inspiré « Nasse Zäune » (« Palissades humides ») et « September » (« Septembre »). Ce n’est ni un Altdorfer ni un Breughel. Je n’en ai pas ici. La palissade
se trouve devant ma fenêtre rue Lehmann et je la contemple tous les jours; et
«September», c’était dans les petits jardins et dans les champs à cinq minutes
de chez nous, «juste derrière» comme nous disions. C’est là qu’étaient les balsamines et les citrouilles ainsi que les compagnons maçons qui travaillaient aux fondations d’une maison.
Et puis j ’aime aussi « Leukée, die weisse Insel des Achill » (« Leukée, l’île blanche d’Achille »), « Überblickt man die Jahre » (« Si l’on embrasse les ans du
regard ») est une caricature de la G.B. en 1928, une caricature mélancolique. Je me suis demandé ce que l’on pouvait faire encore aujourd’hui du huitain auquel j ’attachais tant de prix autrefois et qui a trouvé tant d’imitateurs. Eh bien, pas
grand-chose. Une hébétude et une tristesse qui aujourd’hui ne pèsent pas lourd.
Peut-être puis-je évoquer une chose encore : tous mes efforts, mes aspirations n’ont
de cesse que soit travaillée telle figure poétique jusqu’à ce qu’éclate au grand jour
la loi fondamentale que voici : l’être, l’existence que nous sommes, n ’est honnêtement parlant relié à plus rien, à absolument plus rien, rien de passé, rien de futur,
nous sommes seuls, silencieux, mais aussi tremblant au plus profond de nousmêmes. C’est cela qu’il faut faire passer dans chaque vers, dans chaque ligne, dans
chaque phrase. Eux aussi doivent se suffire à eux-mêmes et porter tout. Il n’est
rien qui les soutienne encore, nulle relation, nulle foi, nulle espérance, nulle illusion. Quelque chose est là qui cherche et trouve à s’exprimer, et puis s’achève.
Alors apparaissent d’autres lois, d’autres phases de l’existence (...) qui me sont
étrangères, qui sont très éloignées de moi. Ainsi chaque phrase doit reposer et trembler et se taire et rester close. Que d’éléments du passé et du futur Nietzsche n’at-il pas appliqués à lui-même. Tout, en fait ! Chez nous, rien. Voilà ce qui est nouveau ! Voilà ce qui est définitivement nouveau chez nous. Être tels que nous sommes et ne pouvoir faire autrement que travailler, que créer une expression, une
expression étrange, enfantée dans les souffrances; mais ainsi en est-il.
Reconnaissons-le.
(...)
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Gottfried Benn
Le poète n'en sait jamais trop, il ne travaillera jamais trop, il faut qu'il soit présent à tout, qu'il sache, pour s'orienter, où en est le monde aujourd'hui, quelle heure il est sur la terre par ce midi. Il faut lutter tout contre le taureau, disent les grands matadors, alors il y a des chances de victoire.
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Personne ne sera le bord de mon chemin.
Laisse seulement tes fleurs se faner.
Mon chemin coule et va tout seul.

Deux mains sont une trop petite coupe.
Un coeur est une trop petite colline
pour y reposer.

Oh, toi, je vis toujours sur la plage
et sous l’avalanche des fleurs de la mer;
l’Égypte s’étale devant mon coeur,
l’Asie point peu à peu.

L’un de mes bras est toujours dans le brasier.
Cendre est mon sang. Passant devant
poitrine et ossements
je sanglote toujours mon désir d’îles tyrrhéniennes

Une vallée apparaît et des peupliers blancs
un Ilyssos aux rives de prairies,
l’Éden, Adam et une terre
de nihilisme et de musique.
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INTERMÈDE LYRIQUE



MONOLOGUE

extrait 2

Alexandre ? L’Olympe ? Des riens !
Eux, ils louchent vers l’Hellespont. Ils écument
                                                                                    [l’Asie !
Enflure, fanfares, avant-gardes, favoris et sections
                                                                                    [cachées,
Pour que personne ne bronche !... Les favoris ?
                                                            [de bonnes places
Pour les théâtres de la guerre et du droit… Si
                                                          [nul ne bronche !
Favoris, jouisseurs, brassards, larges cordons…
Larges cordons : le monde en porte un sur le
                                                                              [ventre,
On en affuble jusqu’au rêve !
Le pied-bot voit déjà les stades démolis,
La bête puante entre dans les prairies de lupin
Dont le parfum la trompe sur son odeur :
Elle sent la fiente !... les gros bouffis
Poursuivent la gazelle,
La rapide, la gracieuse…

p.119-120
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Vois les étoiles, les serres

Vois les étoiles, les serres
de la lumière et le ciel et la mer,
quels chants crépusculaires de bergers
poussent-ils jusqu’ici,
toi aussi, les voix appelées et ton cercle médité,
descends les marches silencieuses
et suis le messager de la nuit.

Pars
quand tu auras vidé les mythes et les mots,
tu ne verras plus
une nouvelle cohorte de dieux,
ni leurs trônes sur l’Euphrate
ni leur écriture, ni le mur –
verse, Myrmidon,
le vin obscur dans la terre.

Puis
quel que soit alors le nom des heures
tourment et larmes de l’être,
tout fleurit dans l’écoulement de ce vin nocturne ;
Eone coule en silence,
il reste encore à peine un coin de rive –
rends maintenant au messager
la couronne, le rêve et les dieux.
---

Tu dois tout te donner

Donne à ton bonheur, donne à ta mort,
échangés rêves et soupçons,
cette heure, ses désirs
pleins de bruissements d’ombrelles,
faucille et signes de l’été
sortis des campagnes,
cruches et coupe d’eau
abaissées avec douceur et lassitude.

Il faut que tu te donnes tout,
les dieux ne te font pas de cadeaux,
donne-toi le léger flottement
parmi les roses et la lumière,
ce qui un jour bleuit comme ciel,
abandonne-toi à son charme
écoute en silence les derniers sons.

Même si tu étais l’isolé,
même si tu as accompli l’obscur,
ah, déjà passe la pure, la calme,
l’éteinte route,
ah, déjà l’heure, cette
légère dans la lumière du fuseau,
celle que de sa quenouille
la Parque tresse en chantant.

Fus-tu le grand abandonneur
des larmes s’accrochaient à toi
et les larmes sont de l’eau dure
qui s’écoula sur les pierres,
maintenant tout est accompli
plus de larmes plus de colères
tout ébloui par les vagues
toi dans les roses et la lumière.

Heure douce. Ô vieillir !
Déjà offert le blason :
taureau parmi les porteurs de flambeaux
mais les torches baissées ;
maintenant des plages, des Lidos,
d’une mer orange, profondément
et en essaim les sphingidés
amènent par ici les ombres.

Tu te donnas tout à toi seul,
donne-toi le dernier bonheur,
reprends les bois d’oliviers,
reprends les colonnes,
déjà les membres se détachent,
et dans ta dernière vision
des messagers descendent
roses et lumières.
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17.1.36 Hanovre

jour anniversaire de l’Empereur

Cher Monsieur Oelze, merci pour votre lettre, pour la Nouvelle3 et pour le
Times. Tout cela est fascinant. Les liaisons postales sont remarquables. La Nouvelle a été postée entre 13 et 14 heures à Brême et était entre mes mains le jour
même à 17 heures 30. Cette bonne vieille poste, bien avant le Troisième Reich.
Le recueil de poèmes ne me touche pas. Il faut que je me force pour m’y intéresser. Il est vrai que j ’avais beaucoup à faire au bureau cette semaine, beaucoup
de vieilles histoires, tout un bric-à-brac accumulé, tout un arriéré qu’il a fallu
reprendre. Et puis on remarque à l’ombre portée que Hanovre aura cette année
un nouveau corps d’armée, deviendra siège de commandement en chef et qu’i
nous va falloir effectuer les travaux préliminaires. Ah ! l’ambition des hommes !
Le commandant ne rêve que du moment où il sera lieutenant-colonel et le général
de la première étoile qui ornera ses épaulettes. Et les femmes harcèlent et talonnent toujours davantage leurs maris. Samedi soir donc, il y avait bal au casino
de l’école de cavalerie. Service ! En grand uniforme. A droite, enroulée autour
du bras, l’épaisse fourragère ; toute la région de la rate ornée de décorations et
d’insignes. Un de ces messieurs avait en plus — je les ai comptées — six médailles
et quatre décorations sur la poitrine, c’en était un de la Marine, avec des médailles datant du soulèvement de la Chine et de la révolte des Boxers. Donc, on danse
à nouveau la valse et la polonaise, et les messieurs portent des gants de chevreau
glacé blanc comme en 1900, à l’époque où j ’allais au cours de danse (à Francfortsur-l’Oder). C’est cela qui m’a le plus intéressé.
Hier j ’ai lu la Nouvelle, lentement, avec une rare attention, mot à mot. Et vraiment, cher Monsieur Oelze, juste un mot, peu importe le risque. Cette nouvelle
ne serait-elle pas légèrement ridicule? Tant de vie, d’activité, d’industrie pour
d’abord gagner puis seulement alors jouir, un prince et une princesse, un oncle
princier et un jeune page bien fait, un château qui donc pourrait en façade comme
sur l’arrière offrir de multiples, de remarquables points de vue. On fait un signe
avec un mouchoir de poche, et un vaillant artiste, un arbre respectable et un oncle
vénérable entourent cette princesse qui avec une belle amabilité émet des observations
pleines d’esprit — en un mot tout ceci ne resssemble-t-il pas à une caricature ? Considérez l’ensemble : des animaux sauvages s’échappent d’une ménagerie, et tout se
passe harmonieusement. Le murmure d’un enfant apaise la nature. Certes le Sublime voit l’unité du Tout et trouve toujours une issue, mais dans ce cas ne s’agit-il
pas simplement de facilité? Cela ne nous ramène-t-il pas à un âge qui sans doute
— peut-être — fut autrefois, mais qui est à jamais perdu pour nous ? Et n’est-ce
pas cela même, le fait qu’il est perdu, qui fait le sens de notre vie ? Pourquoi se
livrer à ces sortilèges, à ces tours de magie, pourquoi laisser libre cours à ces radotages qui voudraient nous faire croire qu’il en va autrement ? Naturellement c’est
une œuvre imposante, qui ne manque pas de majesté, mais n’est-ce pas en fait
vraiment trop simple ? Si je considère l’ensemble comme un moyen de nous conduire à un merveilleux poème, à un poème inhumain, qui joue avec la démesure,
un poème d’une divine grandeur, eh bien oui, le poème peut être extrême, non
humain, extraordinaire, le poème peut vagabonder dans les sphères olympiennes,
il est toujours pensé comme étant dans son essence même imposture et sacrilège.
Mais que dire du contenu de cette nouvelle ? Le point décisif, la ruse typiquement
goethéenne, cette infernale adjuration que ce vieillard voudrait nous faire accroire,
c’est la phrase par laquelle se termine le livre, la phrase du lion : «Certes non
pas comme celui qui a été vaincu, mais bien comme celui que l’on a apprivoisé,
comme celui qui s’est abandonné à sa propre volonté de paix». Et nous y sommes ! Le lion est un animal paisible, au fond. Tout est paisible, au fond. Il suffit
que vienne un enfant jouant de la flûte. Mais voilà, il ne vient pas ! Nous ne le
voyons pas venir. Bavardage que tout cela, bouffonneries, confort dans lequel se
complaît Monsieur le Conseiller privé (la maison du Frauenplan1). Il en va de même pour le style. Quel besoin d’équilibre, quel désir constant de remplir, d’aplanir, d’ouater mots et structures ! Aussi direct que l’écume! Univers doré, vernis
mordoré, tout est «en douceur». Une fois de plus, Monsieur Oelze, tout ceci est
gigantesque, mais n’est que pourriture. Et à présent je comprends certaines choses. Des générations de publications issues de cette nouvelle : 90 % de l’Inselverlag, y compris M. Carossa et votre cher M. Schröder, et aussi Hofmannsthal en
découlent. Voilà la dernière révélation. Une divinité coiffée d’un chapeau mou
et des lunettes de débutant stagiaire, voilà quels sont leurs emblèmes. Au diable
tous ces eunuques ! Arriveront-ils à quelque chose, ces Allemands, alors que ceux-là
mêmes qu’ils vénèrent leur présentent de la vie une image si harmonieuse, si bon
enfant, et au fond si gentille, si sage, si symbolique. A présent je comprends les
mots de Nietzsche : «Dieu, ce Dieu insidieux, piège des poètes 1 ». En vérité c’est
cela, un piège, un piège très insidieux. Un chien, en fait, ce Goethe ! Il savait bien
qu’il nous abusait et que c’est uniquement parce qu’il aspirait au repos et voulait
garder ses distances qu’il traitait ainsi du démoniaque. Je vous l’ai déjà dit : c’était
un malin. Il ne supportait pas la vue d’un corbillard, je le savais. Mais qu’il fasse
entrer les lions dans leur cage au son de la flûte, je viens seulement de l’apprendre ! Julius W olf 2 et son preneur de rats ne sont plus très loin. Je vous renvoie
ce petit livre impressionnant et vous remercie. Et où en est l’essai sur Pfitzner ?

Avec l’affection de votre Benn.
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INTERMÈDE LYRIQUE



MONOLOGUE

extrait 1

L’intestin nourri de morve et le cerveau de men
                                                                                   [songes…
Des peuples élus bouffons d’un clown,
Farceurs, astrologues, augures,
Interprétant leur propre ordure…
Des esclaves…
Venus de pays froids et de pays brûlants ;
De plus en plus ; rongés de vermine.
Affamés, sous le claquement du fouet.
Ah ! comme on s’enfle ! On sent son petit duvet
                                                                                 [teigneux
Prendre des proportions d’une barbe de pro-
                                                                                 [phète !


p.119
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