Conférence de Sébastien Schick et Laurent TatarenkoLe nouveau cycle de conférences « Histoire transnationale » présente la diversité des problématiques et des approches qui composent la discipline. Il évoque la méthodologie, les sources, les résultats, peut-être aussi les limites de cette variante de l'histoire globale qui s'attache à dépasser, sans le nier, le cadre de l'État-nation. Cette séance invite les historiens Sébastien Schick et Laurent Tatarenko à aborder l'application de l'histoire transnationale aux circulations politiques et religieuses.Séance enregistrée le 14 décembre 2022 à la BnF I François-Mitterrand.
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Mathieu réalise que l'intérêt de Demba pour l'art est peut-être un moyen de s'extraire de sa vie, de la vivre autrement. L'art lui est nécessaire, un baume, un soulagement, un baobab.Grâce à l'art, Demba résiste au banal, au triste, à l'avilissement. De l'art, il prend sa force.(...)Devant un tableau, face à une sculpture,un dessin,une photo, il est debout.L'art lui permet de rester debout. (p.105)
Chez Rodin
Avant de se rendre au musée, Mathieu potasse comme il faisait étudiant. Demba lui permet de revivre les années où la vie n'était pas encore un parcours du combattant.Alors que la vie courbe les deux hommes, l'art les redresse.L'art les répare. (p.89)
Pour Saint- Exupéry,aimer,c'est regarder ensemble dans la même direction.Devant un tableau,une sculpture, un lieu fort,un bel arbre,c'est ce qu'ils font.
Ils regardent la même chose même s'ils ne voient pas la même chose.Le savoir de l'un la virginité de l'autre, l'usure de l'un,l'enthousiasme de l'autre,la moitié de la vie déjà vécue de l'un, le quart de la vie de l'autre vécu seulement, les deux hommes se prolongent.(p.71)
Les deux hommes échangent de plus en plus mais ce n'est pas si simple.Mathieu vient d'un monde bourgeois mais peu conventionnel où débattre fait partie de l'existence,où connaître la force des mots permet d'exister. Partager,discuter, argumenter, jouter,écouter, se confier,les mots, les phrases, les dialogues enflammés, les soliloque narcissiques, Mathieu,connaît ses gammes, Demba pas. Mathieu vient du monde des mots,Demba de celui des non-dits.Le jeune homme est né dans un village où les discussions se contentent d'évoquer le temps qu'il a fait,celui qu'il fait et celui qu'il fera.L'oncle de Demba n'a cessé de lui dire qu' "il faut se confier à Dieu mais pas aux hommes".Rappel astucieux et incessant pour que Demba ne raconte rien.(p.88
Les Collines de sable
La grande majorité des villageois n'ont jamais vu de tableaux et ignorent comme le monde est vaste.Demba annonce que son ami s'appelle Picasso, Pablo Picasso. (...)Demba constate que son public s'amuse mais ne comprend pas vraiment. Comment expliquer aux villageois qui n'ont jamais quitté leur terre, et qui doivent la travailler obstinément pour ne pas être encore plus pauvres, ce qu'est une oeuvre et à quoi elle peut servir ?(..)
Demba voulait expliquer qu'un tableau peut consoler, poser des questions, que c'est le miroir de celui qui le regarde.(p.136)
Les Collines de sable
La région est riche en minerais mais ses trésors sont davantage volés, exportés, détournés que partagés. La population est pauvre.Prendre un bus est un privilège. Beaucoup marchent sur les bas- côtés ou coupent par les chemins de terre.(p.123)
Les collines de sable
La nuit est là. (...) Il donne rendez-vous à chacun le lendemain après le travail sous le grand baobab, celui autour duquel s'enroule le village.Il dit qu'il racontera des histoires.Les Sénéens en raffolent. Ils en consomment avec plaisir comme ils le font pour les fruits et feuilles de karité. (p.131)
Il achète ce qui sera le premier cadeau qu'il s'offre: des chaussures noires et vernies.Cette paire-là est plus qu'un savant assemblage de pièces en cuir souple,de semelles matelassée et de talons biseautés. Elles sont ses bottes de sept lieux.Cette paire-là ne conduit pas à marcher mais à danser et à se trouver.Demba à décidé. Il refuse de subir les règles édictées il y a plusieurs siècles, bien avant la naissance du bandonéon. Demba change.Il se libère. Il s'émancipe. Il est flexible, mobile, ouvert.La religion ne l'est pas.(p.66)
Un tableau est un aide-mémoire.Il peut conduire à des nostalgies sucrées ou salées. Proust évoque la mémoire involontaire, celle qui s'impose à partir d'un petit quelque chose et libère un souvenir qui plonge la victime en nostalgie douce ou calvaire, la privant de la jubilation de l'instant présent. (p.117)
A Montmartre
Mathieu place Demba sous perfusion d'Histoires qui lui sont étrangères. Celles-ci sont pour Demba exotiques, exaltantes, distrayantes, nourrissantes: des pansements.Visites de musées, histoire d'oeuvres, récits de la vie des créateurs sont des opérations d'embellissement qui permettent aux deux hommes de respirer leur existence plus facilement. Ils ont besoin de quitter la condition humaine, leur conditions d'humains. (p.80)