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En escarpins dans les neiges de Sibérie

Cet ouvrage, très émouvant, retrace l’histoire familiale de Sandra Kalniete, née en 1953 en déportation en Sibérie, de parents lettons déportés respectivement en 1941 et 1949 alors qu’innocents et victimes de la machine à broyer soviétique. Sandra Kalniete en fait un ouvrage plus général sur l’histoire récente de la Lettonie, depuis l’indépendance de la Lettonie le 18 novembre 1918 et surtout à travers les péripéties de la seconde guerre mondiale, le traité de Brest-Livotsk qui donne lieu à la première occupation soviétique de “protection mutuelle” de 1940, la libération par l’Allemagne nazie de 1941 et la seconde occupation soviétique qui commencera en 1942.



A ce niveau-là, j’ai appris plein de choses, Sandra Kalniete s’étant aussi donné pour objectif de démentir les soupçons de fascisme et de soutien de l’Allemagne nazie qui pèse sur le peuple letton, expliquant que les allemands avaient été accueillis en libérateur car les soviétique avaient déjà commencé à mettre en place un système de terreur (la mère de 14 ans de l’auteur a été déportée avec ses parents pendant la première année d’occupation car “ennemie de classe”). Le joug allemand n’a pas été plus tendre pour les lettons et pris entre l’enclume et le marteau, ceux-ci auraient aimé redevenir indépendants à la fin de la guerre et être soutenus par les alliés qui les ont abandonnés.



Ce livre m’a beaucoup émue et je crois que je l’ai lu du début à la fin avec une boule dans la gorge, sans que Sandra Kalniete ne cherche à tomber dans le mélodramatique. J’ai été émue par le courage des déportés face à leurs conditions de vie, la solidarité, l’amitié qui peut éclore dans les situations les plus difficiles; par le basculement des vies du jour au lendemain; par le silence par lequel les parents de Sandra Kalniete l’ont protégé, enfant, lorsqu’elle rentrait de l’école imprégnée de propagande soviétique ; par le choix des parents de Sandra de ne plus “offrir d’esclaves à l’empire soviétique” ; par l’amour inconditionnel des grands-mères de Sandra Kalniete.



J’ai ensuite été glacée par la description de la machine bureaucratique soviétique et par les interrogations de l’auteur qui parsème le texte : pourquoi les soviétiques ont tenu à avoir des parodies de justice auxquelles personne ne croyait (fabrication de preuves, signature d’interrogatoire dans des langues que ne comprenaient pas les détenus, faux témoignages de personnes décédés…)? Comment la propagande soviétique pouvait fonctionner aussi efficacement même chez les enfants des déportés koulaks? Quels effets post-traumatiques les déportations ont pu avoir sur ses parents et sur le peuple letton ? Et je pense aussi à tous les autres peuples qui ont subi ces déportations de masse, presque génocidaires (tchétchènes, ingouches, baltes…). Le livre est très bien documenté, même si l’auteur déplore que certaines archives ne soient pas encore accessibles aux historiens et aux chercheurs.



Une lecture nécessaire qui m’a énormément émue. Le travail effectué est remarquable, exorcisant les démons familiaux en les rattachant à la grande histoire et montrant l’infamie de ces déportations en les ramenant au niveau de vies humaines.

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En escarpins dans les neiges de Sibérie



A part les historiens, qui sait encore aujourd'hui qu'au début du 20e siècle, la Lettonie était sur un pied d'égalité économique avec la Finlande? Qui se souvient que la Lettonie était un des pays européens où l'on retrouvait le plus d'intellectuels?

Par le choix de son gouvernement qui a cédé aux bolchéviques là où la Finlande a résisté, c'est tout un peuple qui a basculé dans la souffrance pour des décennies, engageant avec lui les futures générations.



Sandra Kalniete n'est pas encore ministre des affaires étrangères de Lettonie ou députée européenne au moment où elle décide de retracer le parcours de ses (arrières-grands)-parents. S'appuyant sur les souvenirs des survivants et sur les archives officielles qu'elle a pu dénicher, l'autrice déroule l'histoire de la Lettonie au 20e siècle en y intégrant sa famille.



De notre côté de l'Europe, nous n'avons pas une connaissance très pointue de ce qu'il s'est passé dans les pays baltes au moment de la montée du fascisme en Europe. Parce que, comme le dit l'autrice, au moment où Pétain posait les armes en France, "Le destin des petits états baltes était insignifiant comparé à la tragédie qui ébranlait l'Europe et le Monde". Et c'est un peu ce sentiment d'être les oubliés des hommes qui sourd à travers tout le récit. Personne pour arrêter les déportations vers la Sibérie, personne pour délivrer les lettons du IIIe Reich, personne pour arrêter les horreurs commises dans les camps de travail, personne pour s'opposer à Staline....



L'autrice documente chaque chiffre avancé, chaque fait historique... Vu qu'elle regrette que certains historiens, encore au début du 21e siècle, continuent de soutenir que les lettons étaient favorables à Hitler (alors que finalement ils étaient dans la même situation que la France de Pétain), je pense qu'elle a voulu à tout prix ne pas être prise en défaut, sur le moindre petit détail. Ce qui était intéressant pour le lecteur, c'est qu'elle a fait le choix d'insérer certaines explications plus politiques ou techniques dans des notes en bas de page, permettant ainsi le poursuite d'une lecture fluide dans le texte.



Même si le prétexte est de rendre hommage aux membres de sa famille qui ont beaucoup souffert, à qui on a enlevé de nombreuses années de bonheur quand ce n'était pas la vie tout court, l'autrice participe également à une certaine réhabilitation du peuple letton à la face du monde. En effet, son récit est bien plus vaste que celui de sa famille, ne fut-ce que parce que beaucoup d'événements n'ont pu lui être racontés de première main, faute de témoin direct vivant. Sandra Kalniete a donc reconstituté minutieusement des parcours, des époques, des lieux... On peut imaginer le travail de fourmi qu'il y a derrière ces pages, et les larmes aussi certainement.

Un de ces livres à lire pour ne pas que l'histoire se répète...



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Cette corde qui m'attache à la terre

Partir dans le vaste monde

Il y a des lectures sublimes et ce livre en fait partie.

La Moldavie des années 60-70, une voix enfantine et cette antienne poétique qui va souffler tout au long de ce récit :

« "Comme moi, la lune ne dort pas, elle se balade dans le ciel la nuit et se fait des colliers d'étoiles... Comme moi la lune voudrait s'en aller. Comme moi, elle est attachée à la terre par une corde. »

C’est ce ton qui va dominer et conduire le lecteur dans le quotidien de cette famille dont la narratrice est la sixième enfant, née en hiver ce qui est déjà une anomalie.

Elle observe tout, ressent tout de façon démultipliée, on pourrait la croire muette mais non, elle engrange tous les détails qui font la vie de cette terre et de ces adultes bien étranges à hauteur d’enfant.

« Et maintenant je sais que ce sera pareil l’année prochaine. Et la suivante. Et la suivante des suivantes. Et moi, je serai toujours là. Rien ne se passera autrement. Si j’avais des ailes pour voler, je monterais bien haut, au-dessus de la cour. Et je m’en irais avec la fumée qui sort de la cheminée… »

En filigrane la pesanteur de l’Histoire.

Cette petite fille a bien compris que la vie n’était pas une ligne droite toute tracée sous ses pas.

Alors les saynètes vont s’illustrer sous nos yeux cocasses souvent, émouvantes toujours.

L’image de la poule cuisinée où chaque morceau a son destinataire en fonction des besoins de chacun.

La tante Muza, la baroudeuse qui la fait rêver, cette tante connaît Paris comme sa poche. Elle arrive avec plusieurs valises dont le contenu forme un sillage derrière elle comme un parfum de liberté.

Le grand-père, il fut le jeune homme que deux sœurs se disputaient , mais dans chaque famille il y a des règles, l’ainée doit se marier en premier même si le chef de famille doit user de ruse pour y arriver.

Alors, la petite qui connait cette histoire surveille sa tante et son grand-père quand ils se croient seul, une scène aussi hilarante que tendre.

Grâce à Raïa la bibliothécaire, elle peut lire autant qu’elle le veut, elle a sa façon de donner ses lettres de noblesse à la littérature.

Souvent cette enfant enrage contre ce monde qui a des codes bien compliqués.

« Ma colère est différente. Elle me recouvre comme un nuage noir et m’écrase de son poids comme une poire blette sous la plante du pied. Parfois ça me coupe le souffle et, privé d’air, je commence à mourir. »

Au fil de ma lecture, j’ai étiré le temps car je ne voulais pas quitter ce livre, j’ai eu cette impression d’un chat sauvage que je voulais apprivoiser.

La question reste doit-on apprivoiser un animal sauvage ?

« Moi, je n’éveille en personne un sentiment de tendresse. Telle que je suis, je ne peux être l’objet de leur amour de tantes. Je ne me fâche même pas. Moi, je me rends justice toute seule. »

Cette enfant nous voudrions la prendre dans nos bras, lui donner accès à ses rêves, faire le tour du monde avec elle, oui mais…

Cette enfant est une leçon de vie, elle pousse comme les herbes sauvage, elle sait découvrir la sève là où elle est. Elle avance, traverse l’enfance et l’adolescence dans ce pays, cette famille, cette communauté avec cette corde qu’elle rêve de rompre.

La musicalité de ce récit nous enveloppe, Les quatre saisons de Vivaldi lui iraient à merveille comme un habit sur mesure.

C’est intelligent, drôle, subtile et aussi fragile et gracieux que les akènes du pissenlit.

Un livre inoubliable. Cette petite fille saura-t-elle toute la tendresse que les lecteurs ont pour elle ?

©Chantal Lafon

https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2024/04/28/cette-corde-qui-mattache-a-la-terre/












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