C'est un moyen qui n'est pas à dédaigner, pour juger au moins en gros, de ce que vaut une idée, d'en examiner la généalogie. Il en est des croyances comme des hommes : chez elles aussi, une origine honorable est de prime abord une garantie de mérite; au contraire, être sorti d'une famille de mauvais renom, c'est mauvais signe. Ce n'est pas là une comparaison de pure fantaisie. Les croyances se modifient comme leurs défenseurs eux-mêmes, dans le cours des générations ; or si, chez les croyants , les modifications que subissent les générations successives ne détruisent pas le type primitif, mais le déguisent seulement et le raffinent, de même et simultanément, les altérations qui se produisent dans une croyance ont beau la purifier : elle garde son essence originelle.
Dans une discussion sur l'hypothèse du développement universel, qui m'a été racontée par un ami, l'un des interlocuteurs se servit, paraît-il, d'un argument que voici : dans les limites de notre expérience, nous n'avons pas d'exemple d'un fait tel qu'une transmutation d'espèce; donc en bonne philosophie, on ne peut admettre dans aucun cas une transmutation d'espèce. Si je m'étais trouvé là, sans m'arrêter à élever contre sa thèse les critiques qu'elle appelle, j'aurais, il me semble, répliqué que, dans les limites de notre expérience, nous n'avons pas d'exemple d'une création d'espèce, et qu'à son compte, en bonne philosophie, on ne peut admettre aucune création d'espèce.
HERBERT SPENCER, PENSEUR PARADOXAL - François-Xavier Heynen
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=43434 HERBERT SPENCER, PENSEUR PARADOXAL Entre socio-darwinisme, évolutionnisme finalisé et naturalisation de ...