AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de horline


La mer a Joseph Conrad et Pierre Loti, la montagne Jean-Jacques Rousseau et Yasushi Inoué et le désert Wesley Powell et surtout l'iconoclaste Edward Abbey. Défenseur acharné de la nature sauvage, Abbey restitue dans cette oeuvre son quotidien de ranger au sein de l'Arch National Monument durant six mois de l'année, un quotidien mêlant réflexions personnelles percutantes, contemplations romantiques de la nature et anecdotes cocasses vécues dans ce désert rouge de l'Utah, immensité aride de grès lisse brûlée par le soleil.

Ainsi ce pourrait être un récit de nature writing parmi tant d'autres. Mais avec un temps qui s'étire tout en langueur et une plume envoûtante et brillante, c'est avant tout une évocation sensuelle et magique du désert, une béatitude douce et exaltée là où "tout est beau, sauvage, baigné d'une douceur virginale". Ce vaste vide, terre sans hommes, où règnent chaleur intense, désolation somptueuse et solitude immense suscite pensées vagabondes mais aussi paradoxalement une réflexion particulièrement nourrie, dense, érudite, lyrique, engagée et drôle.
Ni l'immensité, ni la solitude ne font vaciller l'auteur dans sa volonté de se "confronter de manière aussi immédiate et directe que possible au noyau nu de l'existence, à l'élémentaire et au fondamental, au socle de pierre qui nous soutient" …de découvrir le vrai loin du confort moderne qui aseptise l'esprit. Au contraire, l'ivresse de liberté et d'indépendance a ceci de remarquable de révéler une conscience aiguisée chez l'auteur américain. Loin du prosélytisme aveugle et bêlant, il dénonce tantôt avec humour, tantôt avec rage le consumérisme et le confort industriel qui, prophétise-t-il, condamnent ces espaces sublimés à disparaître. Cette plongée dans l'Ouest mythique est d'ailleurs présentée par l'auteur comme "une élégie, un tombeau ", "Ce que vous tenez entre vos mains est une stèle. Une foutue dalle de roc".
Comme tout ce qui se révèle fragile et vulnérable, le désert rouge apparaît alors précieux et enchanteur, la vie exacerbée par la rareté de la faune et de la flore. Ce récit recèle d'autant plus de force que le pays des canyons dépeint par Abbey en 1968 n'existe peut être déjà plus.
Commenter  J’apprécie          414



Ont apprécié cette critique (38)voir plus




{* *}