Il ne restait plus rien et, de l'arène où je rêvais aux murailles effondrées qui bornaient mes regards, rien ne consentait plus à témoigner. Une extrême vieillesse rendait les cicatrices indurées de l'occupation humaine à l'indifférence naturelle, comme si, décidément, tous les rêves de civilisation et les tourments qu'ils inspirent n'étaient que la dernière et la plus grossière des illusions. C'était donc cela le désert ; le lieu où même les signes ne pouvaient naître, encore moins se glorifier. L'aspect transitoire des œuvres humaines ne me faisait pas songer, mais la disparition de toute aura et la preuve, par l'absurde, que l'homme n'était qu'un mécanisme obscur, une bestialité rêveuse et écorchée parmi le chaos.
De l'autre côté, le terrain était le même et, comme l'avait annoncé notre hôte, on commençait de voir quelque chose. C'était comme la timide levée de champignons dont l'épaisseur n'excédait pas celle d'une de mes phalanges et dont les bulbes blancs rapprochés dessinaient sur le fond plus sombre du terreau des lignes régulières. Un instant j'eus l'illusion de contempler, fabuleusement agrandie, une pièce de l'étoffe dans laquelle avaient été taillés les pantalons de mes compagnons.
- Vous voyez ? me demanda mon guide.
- Je vois, dis-je, mais qu'est-ce au juste ?
- Ce sont, me répondit le vieil homme, des petites statues à l'état naissant.