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Citations sur Marche en plein ciel (13)

Je pense à Stevenson et à l’appel du sauvage qu'il ressentira lui aussi en parcourant les Cévennes puis l'Amérique du Nord. À y regarder de près, il y a plusieurs points de convergence entre John Muir et Robert Louis Stevenson. Tous deux furent contemporains et originaires de la côte est de l’Écosse. Ils ont reçu la même éducation presbytérienne: rigide, brutale, où l’instruction et la religion étaient centrales. L'apprentissage de John Muir fut encore plus strict. Il a grandi dans une famille nombreuse avec un père vraiment dur qui menait son petit monde d’une main de fer. John raconte comment enfant son père lui faisait apprendre un si grand nombre de versets de la Bible qu’à l’âge de onze ans il connaissait par cœur quasiment l’Ancien Testament et la totalité du Nouveau. Au moindre faux pas, il recevait de sévères raclées. Robert Louis, quant à lui, était un enfant unique, à la santé très fragile, élevé dans une famille aisée d’Édimbourg. Il fut choyé entre autres par Cummy, sa nurse qu’il adorait et qu’il considérait comme sa deuxième mère. C’est elle qui lui apprit des cantiques et certains versets de la bible. John Muir et Robert Louis Stevenson auront, tous deux, la chance de découvrir des forêts et des grands espaces naturels non encore défoliés. p. 70-71
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Dans les murs déchaussés poussent, en éclat de vie, des saxifrages qui indiquent qu'un jour des hommes et des femmes se sont aimés à l'abri des hauts murs. Cette plante tire les ficelles du rêve.
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Cet entraînement me procure un bonheur fou, même s'il arrive que dans ces longues traversées le découragement affleure : la douleur de l'effort, sa répétition, la soif, l'épuisement sont tels qu'il y a toujours un moment où je me demande pourquoi ces milliers de pas. La marche est une drogue dure que dont il est difficile de se sevrer. C'est avec cette envie intacte que je suis partie vers les Cévennes que je fantasmais depuis longtemps.
page 14
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Le GR 70, qui a été créé en 1978 par le Club Cévenol, ne respecte quasiment plus le parcours de l'Écossais, même si tout nous le fait croire... En gros, à chaque étape, le marcheur est bercé dans le culte du romancier. L'explorateur accompagné de son âne est devenu un objet de marketing, "Sur les traces de RLS", labellisé par l'Europe. Et tout est décliné à la mode Stevenson de l'autocollant à la randonnée sur mesure, de l'auberge à la buvette, du camping au menu aligoté du marcheur. L'écrivain a bon dos et rien ne lui est épargné. C'est à peine si on ne propose pas au pèlerins d'aujourd'hui de mettre leurs pieds endoloris dans les chaussons de l'aventurier et de se glisser sous sa couette, non sans une petite vaporisation contre les punaises de lit ! Bien sûr, il reste une trace ou deux, mais c'est à manier avec beaucoup de précautions et de conditionnels. Quoi qu'il en soit, je parie que ce petit commerce et se fétichisme l'auraient fait sourire. L'homme ne manquait pas d'humour et surtout ne ratait pas une occasion de rire de lui-même ! Heureusement, on peut traverser, parcourir, sillonner les Cévennes en quittant les chemins rebattus et en empruntant une multitude de sentes qui irriguent ce territoire.
page 57
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La marche nous augmente intérieurement d’un espace qui fait que nous devenons plus grands que nous-mêmes. Quelque chose en nous s’ouvre et s’étire, en même temps que notre conscience se déploie. On s’enrichit d’une présence au monde, d’un regard plus large et plus précis, d’une empathie envers les autres. Tout autour de nous se met à exister. C’est cette même émotion que j’ai recherchée et prolongée en traversant les Pyrénées, de l’Atlantique à la Méditerranée, dans la solitude des sommets et la joie d’un amour naissant, ou encore en faisant le tour du massif du Queyras dans les Alpes. p. 13
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(Les premières pages du livre)
En ce début de printemps, la France est un pays aux regards vides et aux volets clos. Dans cette perte des repères, plus personne ne sait quelle heure et quel jour sont accrochés aux horloges de l’existence. Seuls les bébés aux yeux ronds apportent la preuve que je suis bien vivante. Je suis montée dans le dernier train avant que la ville ne se renferme totalement sur elle-même. Direction Clermont-Ferrand. « Finis les temps modernes », crie un homme qui se trouve dans le même compartiment. « Miser le tout pour le tout ! » lance-t-il à nouveau. Il porte des chaussures aux reflets de nuage et ne cesse de dire que « le temps n’a plus la même valeur. Le monde s’est figé. L’heure est à la fugue. »
Mon idée a germé en l’espace d’une nuit : partir marcher, traverser les grands pâturages du centre de la France, retrouver une liberté de mouvement sur les anciens chemins de transhumance qui relient l’Auvergne à la Provence. Ces fameuses drailles ont vu passer tant de chemineaux accoutumés et de pèlerins assoiffés.
Je viens d’arriver dans un paysage de volcans endormis qui rappelle en miroir inversé une étrange vision des antipodes : Auckland, la capitale du long nuage blanc, où s’étendent entre ses mamelons océaniens des habitations légères. C’est le souvenir du bout du monde qui surgit peu après la démesure des parkings déserts et des grandes surfaces. À la sortie de la ville, l’eau des rivières dévale, épaissie de limon rouge. Les derniers orages ont ébranlé la région et la terre continue de vomir des cataractes impressionnantes. Les rares passagers sont apparemment habitués à ces épisodes de crues effrayantes qui ont éventré les routes et emporté les ponts. Perdus dans leurs pensées, ils regardent, résignés, ce spectacle de désolation. À Neussargues, j’ai attrapé de justesse un autre train, plus petit, plus lent. Je m’enfonce toujours plus loin dans la fourrure du paysage en me disant qu’il me faudrait plusieurs vies pour goûter à tous ces villages perchés.
C’est à Issoire, dans un clin d’œil de lumière, que j’ai vu les premiers signes : un couple d’oiseaux, ailes digitées en lente descente hélicoïdale, dessine des cerceaux dans un dégradé de cyanotype. Quels sont ces rapaces qui planent en rêve d’Arizona ? Aussitôt mon esprit s’envole. Je me détache de la réalité à mesure que le convoi épouse le chaos des gorges. Malgré les soubresauts du monde, quelle aventure reste encore possible ? Aussitôt, je dégaine mon petit carnet que je porte à la ceinture. En catapultes de phrases, j’écris partout et dès que je le peux. Les oiseaux réapparaissent dans un vol hésitant et finissent par se poser sur le toit d’un entrepôt. Je ne suis plus qu’un point immobile dans ce train qui roule comme un navire et qui à présent vogue dans le cœur rouge du monde. Dans un demi-sommeil les mots montent en panache de méditation : des paroles clairement articulées ricochent sur les rideaux de plantes, canevas tissés de lianes et de hautes fougères. Tout ce vert phosphorescent pour renaître. La pluie continue de s’abattre en baleines de survie. Le ciel en est labouré et se teinte à présent d’un bleu horizon.
*
Après une première nuit dans le village d’Aumont-Aubrac, je me suis engagée sur le chemin, un ancien camino qui emprunte sur plusieurs kilomètres celui de Compostelle. Face à la violence de la dernière catastrophe, je ressens une tristesse insondable. Les ravages sur l’environnement, la destruction programmée de la planète, et plus fondamentalement la perte de la beauté provoque chez moi une inquiétude. À la sortie de la ville, un graffiti tagué sur le mur d’un tunnel m’interpelle et ne me quittera plus : « Quelle est la profondeur de ton abysse ? » Ce vide, tout ce grand vide comme ce ciel sans avion, je cherche à le combler. Dans cette quête d’une nouvelle voie, je plonge mon regard dans le bitume. Le temps aussi est devenu insondable. La marche sera mon antidote : partir pour arpenter les chemins de mes pas cadencés. Les miens comme ceux qui m’ont précédée. Ils tapent, remontent du sol et sonnent comme la cloche des âmes perdues. Sur ce trajet solitaire, les grands espaces se métamorphosent en pensées sauvages. Certaines se balancent en pétales de violettes, d’autres crépitent en éclats de quartz. Toutes ces coquilles telluriques me tombent au fond de l’estomac et créent le précipité de ma démarche. Je veux me nourrir des vallées glaciaires parsemées de bombes volcaniques et de cailloux de granite. Je marche pour me laver, je marche contre le vide, je marche et en appelle au jour d’après.
*
Hier soir, il y a eu un énorme fracas qui venait de derrière les montagnes et les voiles du jour. C’était le tonnerre comme rarement je l’ai entendu. Un ébranlement du monde en son entier : la forêt de tous ses troncs et de toutes ses feuilles a vacillé ainsi que tous les animaux qui la peuplent. L’énorme secousse s’est prolongée dans mon corps et s’en est suivie une pluie torrentielle. Enroulée dans ma cape de feutre, je suis restée des heures lovées sous un gros talus. Je vibre de me sentir en vie au cœur des éléments tout en sentant monter en moi l’intuition du désastre qui se prépare à la surface du monde. Plus rien ne peut désormais m’arrêter et c’est heureux que le pays que je parcours soit vaste. Depuis, plusieurs jours, je progresse sur le dos de volcans endormis. La vallée de terre ocre est un jardin de noisetiers sauvages et de noyers.
*
J’ai toujours aimé marcher. Cela remonte à l’enfance et à l’été de mes onze ans. Mes parents m’avaient inscrite en colonie de vacances. Pour la première fois, j’allais découvrir les contreforts des Alpes. Je me revois au pied d’un car scolaire garé sur un parking chauffé à blanc. Mes cheveux sont coupés au bol, j’ai un sac à dos rouge et mon petit air d’enfant sage comme une image. Une photo en témoigne ! Depuis Rennes, le temps d’une nuit et d’un voyage par la route, j’étais de ce groupe de gamins propulsés dans le massif du Vercors. Là, en l’espace de trois semaines, je suis devenue en partie la voyageuse que je suis restée. Ce fut une expérience fondatrice où j’ai découvert le bivouac et la marche dans les montagnes à vaches. La fatigue, l’endurance aussi, la lenteur : poser un pied après l’autre. Avant je ne savais pas me déplacer autrement qu’en courant et, là, j’ai appris à ralentir et à respirer en silence, à mesurer mon effort. Apprendre à boire lentement quand on a très soif est une chose étonnante. Je ne l’ai jamais oublié. Tout s’est joué, cet été-là, sur les chemins d’altitude, dans l’itinérance et le passage des vallées, à travers les pâturages fleuris, les chemins creux tapissés de fraises sauvages et de prêles : ces petits bambous verts des temps préhistoriques. Le bonheur, c’était l’aventure à hauteur d’enfant, l’eau fraîche des fontaines qui dévalait et tintait comme les cloches des troupeaux, le grand air et la liberté des bivouacs loin du cadre familial, les soirées allongées près du feu à guetter les étoiles filantes ou encore à l’abri des tentes à écouter la pluie et le grondement des orages. Le lendemain, on repartait vers l’inconnu.
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Dans cette hyper-vitalité des émotions, je progresse désormais pour qu’advienne le verbe. Marcher est un révélateur puissant. Mes pieds comme mes pensées ne peuvent s’arrêter, et remontent les souvenirs les plus enfouis. C’est ainsi et c’est bien. Les jours passent et je vais à travers d’immenses pâturages. Chaque barrière franchie est une ouverture sur les mots et la vie. Au fil des heures, je suis devenu une véritable mécanique à écrire, petit vapeur qui avance au gré de mes pas et des paroles qui éclosent en ballons de merveilles. Les phrases jetées au vent des mots arrivent en cascade, sans que je les cherche et me soulagent du grand effroi que tous avons ressenti. Mon esprit est fait de kaolin que l’on malaxe et qui finit par devenir sculptures de phonèmes mâchés et remâchés, en rythme et en cadence ressemblant à cette danse sur la page. Depuis le premier jour, j’écris pour fixer mes impressions comme on brode sur du papier vélin. La marche est l’activité qui convient le mieux à l’écriture.
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je sais que prendre la route c’est échapper aux lignes droites et à la circularité des idées.
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Plus que jamais, lors de cette marche dans les Cévennes, je suis traversée par le flux du voyage. C'est le lent travail de la marche , grand tamis de la route. Je note les mots et les phrases qui arrivent en offrande, comme autant de bouquets coloriés. J'effeuille la réalité et découvre la libération que cela provoque. Dans ce vibrato, les mots s'entrechoquent et se déposent en pierres de rosée sur la page. Dans la fraîcheur du matin, ils sont à eux seuls la promesse d'une renaissance.
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Quand on marche, tous les matins sont les premiers
On repart, les idées et les pieds apaisés par la nuit
Et si nous n'étions que des funambules avançant sur la crête de la vie à la recherche d'un équilibre intérieur ?
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