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EAN : 9782361399023
112 pages
Le Mot et le reste (06/01/2022)
4.04/5   25 notes
Résumé :
En arpentant le chemin emprunté par Robert L. Stevenson il y a plus d'un siècle, Gwenaëlle Abolivier harmonise deux passions : l'écriture et la marche.
À chaque pas qui l'éloigne de l'immobilité du quotidien, elle s'ouvre davantage à la littérature, tout en faisant corps avec le paysage cévenol et les multiples formes du vivant qui l'entourent. Sous le ballet aérien des milans royaux, elle partage l'errance du vieux Marvejols et de son ânesse Luce – incarnat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Sur les pas de Stevenson dans les Cévennes

Gwenaëlle Abolivier a choisi le voyage à pied, de Clermont en Provence, pour se ressourcer et (re)découvrir l'oeuvre de Stevenson qui l'a précédé sur ces chemins. Un cheminement érudit et revigorant!

Qui n'a pas ressenti ce besoin, après le confinement, de prendre l'air, de sortir de son quotidien, de s'ouvrir au monde. La narratrice de ce court mais savoureux roman ne tergiverse pas. Nourrie des écrits de bon nombre de glorieux prédécesseurs, de Stevenson à Bouvier, elle prend le train pour Clermont-Ferrand. Depuis le coeur de l'Auvergne, elle entend marcher jusqu'en Provence en essayant d'éviter les routes asphaltées et les grands centres urbains.
À peine les premiers kilomètres parcourus, elle trouve la confirmation de son intuition: «La marche nous augmente intérieurement d'un espace qui fait que nous devenons plus grands que nous-mêmes. Quelque chose en nous s'ouvre et s'étire, en même temps que notre conscience se déploie. On s'enrichit d'une présence au monde, d'un regard plus large et plus précis, d'une empathie envers les autres. Tout autour de nous se met à exister.»
Au détour du chemin, elle va faire la connaissance d'un voyageur qui partage son état d'esprit. Marvejols a choisi de faire la route avec Luce, une ânesse. Comme le faisait Robert Louis Stevenson. L'occasion de lui raconter les circonstances qui ont mené le futur auteur de L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde et de L'île au trésor à parcourir les Cévennes. Ce qui va s'avérer un voyage initiatique a commencé par un besoin de fuir le carcan familial et de tenter d'oublier un chagrin d'amour. Avec son âne, qu'il maltraite tout au long de la route, il va cheminer dans une contrée inconnue pour lui et apprendre à observer et à noter, qualités qui lui seront très utiles quand il explorera la Californie et parcourra les mers du sud. Et si les voyageurs d'aujourd'hui se rendent très vite compte que la route prise par l'auteur écossais n'existe plus ou très partiellement et que RLS est d'abord un outil de marketing, ils ne peuvent s'empêcher de faire le parallèle avec leur voyage. À chaque fois qu'ils se retrouvent au détour du chemin Marvejols en redemande, avide de connaître toute l'histoire. Alors l'érudition de notre narratrice fait merveille, ajoutant bientôt un autre voyageur à son récit, John Muir. Car «tous deux furent contemporains et originaires de la côte est de l'Écosse. Ils ont reçu la même éducation presbytérienne: rigide, brutale, où l'instruction et la religion étaient centrales. (...) Ils auront, tous deux, la chance de découvrir des forêts et des grands espaces naturels non encore défoliés.»
Tout à la fois ode au voyage à pied et bréviaire de la lenteur, ce roman est aussi un guide pour observer la nature et la respecter. Au-delà de la performance, ces pas sur les chemins d'une autre France sont aussi un appel à s'émerveiller, à échanger Un rendez-vous avec le meilleur de ce sentiment à redécouvrir sans cesse, l'humanité.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Il y a des lectures qui tombent au mauvais moment, et d'autres qui tombent à point nommé : ce fut le cas avec Marche en plein ciel de Gwenaëlle Abolivier que vous connaissez peut-être comme grand reporter sur France Inter. Alors que les moments de repos se font rares depuis quelques mois, cette brève escapade dans les Cévennes m'a fait un bien fou.

L'autrice est partie marcher sur les traces de Stevenson (oui oui, Robert Lewis/Louis Stevenson, l'auteur de L'île au trésor ou de L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr. Hyde lui-même), qui avait entrepris en 1878 une marche de près de 200 kilomètres à travers la campagne cévenole, accompagné d'un âne.

Sur son chemin, Gwenaëlle Abolivier croisera Marvejols, un jeune retraité qui a tout plaqué pour parcourir la nature avec Luce, une ânesse qu'il a trouvé abandonnée et qui l'accompagne avec enthousiasme. Au gré de son périple, elle nous embarque pour une grande pause immergée dans la nature, un temps calme propice à l'introspection et à la contemplation.

Ce petit livre de 122 pages fut une véritable bouffée d'oxygène, j'ai aimé la fraîcheur de son propos, le dépaysement, et l'envie de tout plaquer pour disparaître à mon tour et partir marcher dans la nature m'a habité pendant toute ma lecture. Merci pour cette courte évasion !

🔗 Service de presse numérique adressé par l'éditeur.
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Lâchez tout, partez sur les routes !
« [….] je sais que prendre la route c'est échapper aux lignes droites et à la circularité des idées. »
Journaliste et productrice sur France Inter, Gwenaëlle Abolivier est partie sur le chemin de Robert Louis Stevenson, dans les Cévennes. Elle n'avait pas, comme lui, un âne, mais un carnet pour écrire afin de regrouper deux passions : la marche et l'écriture.
Dans ce livre, elle raconte cette période de sa vie qui s'apparente à une (re) découverte. Parce que c'en est une, lorsqu'on se retrouve seule avec pour unique but d'être en harmonie avec la nature et dans son corps, en toute conscience. Gwenaëlle a fait quelques rencontres dont Marvejols et son ânesse. Ils ont parfois cheminé tous les trois, l'homme était curieux du parcours de vie de Stevenson, Gwenaëlle lui expliquait.
Son récit de voyage n'est pas un journal de bord jour après jour. Ce sont des réflexions, des partages, des anecdotes. Cette expérience a été enrichissante. La marche apaise, on revient à l'essentiel, et on le sent dans son texte avec la place de la nature, des animaux, qui s'intensifie au fil des pages. Plus on marche, plus on s'allège, les pensées négatives s'estompent, les mots, les phrases qui viennent à l'esprit rythment les pas, les cadencent. C'est une méditation contemplative parfois à l'arrêt, parfois en mouvement. L'auteur sent qu'elle se recentre sur l'instant présent, sur ce qu'elle ressent au plus profond, pour le vivre à fond.
Elle a commencé la randonnée quand elle était enfant. Marcher est devenue une drogue, une addiction. Les courbatures sont vite oubliées, le corps réclame sa « dose » de kilomètres, on se sent heureux lorsqu'on a atteint le but qu'on s'est fixés. On se retrouve à sa juste place, là où on doit être, simplement bien sans chercher à analyser. C'est un équilibre tout naturel qui s'installe. On profite avec une acuité affinée de chaque moment, un vol de papillon, un chant d'oiseau, une fleur sauvage, un arbre…. le plaisir de réussir et d'atteindre le lieu où on voulait aller est immense, le goût de l'effort et la satisfaction d'être arrivé sont des récompenses.
Gwenaëlle Abolivier profite de son recueil pour nous parler de Stevenson mais également de Johan Muir, un homme peut-être moins connu mais à découvrir. Il est né en Ecosse en 1838, il n'était pas très courageux et passait plus de temps dehors qu'à se préoccuper de ses études. En 1849, avec sa famille, il est parti aux Etats-Unis et sa vie a été transformée. Il a été un des premiers naturalistes modernes et n'a cessé de militer pour la protection de la nature. Gwenaëlle en parle si bien qu'elle m'a donné envie de découvrir ce qu'il a écrit.
Cette lecture est agréable, elle repose. On visualise les paysages, les scènes, on entend les bruits de la nature et une fois la dernière page tournée, on se sent reposé, revigoré, prêt à se saisir de son sac à dos et de ses bâtons pour parcourir les chemins et vivre à son tour une belle aventure.

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Je ne suis pas marcheuse et pourtant j'ai traversé les plateaux des Cévennes.
J'ai senti la fatigue et la fraîcheur des sous-bois, j'ai observé les oiseaux, j'ai picoré des framboises et j'ai vu l'ânesse Luce s'émerveiller de sa rencontre avec un escargot.
J'ai vécu tout ça et plus encore de mon canapé grâce à la plume exquise et généreuse de Gwenaëlle Abolivier.
L'autrice a pris la route dans l'arrière-pays sauvage et en a tiré un récit de voyage mâtiné de poésie, d'histoire et de considérations remarquables sur le processus d'écriture.
Marcheur, écrivain : les deux ne font qu'un, car arpenter longuement la nature semble le moyen le plus puissant pour prendre son envol, pour se trouver et trouver les mots en soi. Tel Robert Louis Stevenson, dont la vie prendra le tournant que l'on sait après son voyage dans les Cévennes ; l'autrice nous explique finement comment et pourquoi.
Je ne suis pas marcheuse et pourtant j'ai été saisie par la beauté du voyage et de la plume - j'y reviens - tant c'est une dentelle qui m'a émerveillée au moins autant que les paysages traversés.
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Un roman poétique à la découverte des Cévennes.
Une lecture à la plume enchanteresse, sur les pas de Robert Louis Stevenson.

Gwenaëlle nous emmène avec elle, en grande randonnée, entre vallons et plateaux cévenoles, sur le chemin de Stevenson.

(L'écrivain entreprît en 1878 une marche de plus de 200km avec son ânesse Modestine, à travers les Cévennes, du Puy en Velay à St Jean du Gard.)
De son périple, plus tard, fut créer ce fameux Chemin de Stevenson. GR devenu célèbre depuis le film « Antoinette dans les Cévennes. »

J'ai beaucoup apprécié la plume si douce de l'autrice. Cette particularité de nous faire voyager, de nous conter ces magnifiques paysages et ses différentes rencontres.

Coup de coeur spécial à Marvejols et son ânesse Luce. Cet homme au coeur si pur.

Cette lecture m'a emmené vers ces contrées si belles mais si sauvages parfois.
Entre hauts plateaux et volcans endormis. Entre moyennes montagnes et garrigues parfumées.

La marche apaise l'âme Gwenaëlle nous en parle beaucoup dans son récit. Se ressourcer en contemplant. En s'émerveillant.

C'est une lecture qui m'a fait du bien.
J'ai marché au côté de Gwenaëlle et Marvejols. Je me suis reposé sous la fraîcheur des arbres. Je me suis rafraîchi dans l'eau limpide des rivières. Je me suis émerveiller avec Luce, l'ânesse, de la beauté de ces terres à préserver.

Une jolie parenthèse propice à la méditation.
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critiques presse (1)
LeMonde
07 janvier 2022
Elle livre un texte tellurique et céleste, tantôt récit de voyage, tantôt poème en prose, exprimant le désir ardent de venir à bout d’un sentiment d’étouffement et de renouer, dans des paysages superbes, avec la liberté et la vie dans son expression la plus simple.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
En ce début de printemps, la France est un pays aux regards vides et aux volets clos. Dans cette perte des repères, plus personne ne sait quelle heure et quel jour sont accrochés aux horloges de l’existence. Seuls les bébés aux yeux ronds apportent la preuve que je suis bien vivante. Je suis montée dans le dernier train avant que la ville ne se renferme totalement sur elle-même. Direction Clermont-Ferrand. « Finis les temps modernes », crie un homme qui se trouve dans le même compartiment. « Miser le tout pour le tout ! » lance-t-il à nouveau. Il porte des chaussures aux reflets de nuage et ne cesse de dire que « le temps n’a plus la même valeur. Le monde s’est figé. L’heure est à la fugue. »
Mon idée a germé en l’espace d’une nuit : partir marcher, traverser les grands pâturages du centre de la France, retrouver une liberté de mouvement sur les anciens chemins de transhumance qui relient l’Auvergne à la Provence. Ces fameuses drailles ont vu passer tant de chemineaux accoutumés et de pèlerins assoiffés.
Je viens d’arriver dans un paysage de volcans endormis qui rappelle en miroir inversé une étrange vision des antipodes : Auckland, la capitale du long nuage blanc, où s’étendent entre ses mamelons océaniens des habitations légères. C’est le souvenir du bout du monde qui surgit peu après la démesure des parkings déserts et des grandes surfaces. À la sortie de la ville, l’eau des rivières dévale, épaissie de limon rouge. Les derniers orages ont ébranlé la région et la terre continue de vomir des cataractes impressionnantes. Les rares passagers sont apparemment habitués à ces épisodes de crues effrayantes qui ont éventré les routes et emporté les ponts. Perdus dans leurs pensées, ils regardent, résignés, ce spectacle de désolation. À Neussargues, j’ai attrapé de justesse un autre train, plus petit, plus lent. Je m’enfonce toujours plus loin dans la fourrure du paysage en me disant qu’il me faudrait plusieurs vies pour goûter à tous ces villages perchés.
C’est à Issoire, dans un clin d’œil de lumière, que j’ai vu les premiers signes : un couple d’oiseaux, ailes digitées en lente descente hélicoïdale, dessine des cerceaux dans un dégradé de cyanotype. Quels sont ces rapaces qui planent en rêve d’Arizona ? Aussitôt mon esprit s’envole. Je me détache de la réalité à mesure que le convoi épouse le chaos des gorges. Malgré les soubresauts du monde, quelle aventure reste encore possible ? Aussitôt, je dégaine mon petit carnet que je porte à la ceinture. En catapultes de phrases, j’écris partout et dès que je le peux. Les oiseaux réapparaissent dans un vol hésitant et finissent par se poser sur le toit d’un entrepôt. Je ne suis plus qu’un point immobile dans ce train qui roule comme un navire et qui à présent vogue dans le cœur rouge du monde. Dans un demi-sommeil les mots montent en panache de méditation : des paroles clairement articulées ricochent sur les rideaux de plantes, canevas tissés de lianes et de hautes fougères. Tout ce vert phosphorescent pour renaître. La pluie continue de s’abattre en baleines de survie. Le ciel en est labouré et se teinte à présent d’un bleu horizon.
*
Après une première nuit dans le village d’Aumont-Aubrac, je me suis engagée sur le chemin, un ancien camino qui emprunte sur plusieurs kilomètres celui de Compostelle. Face à la violence de la dernière catastrophe, je ressens une tristesse insondable. Les ravages sur l’environnement, la destruction programmée de la planète, et plus fondamentalement la perte de la beauté provoque chez moi une inquiétude. À la sortie de la ville, un graffiti tagué sur le mur d’un tunnel m’interpelle et ne me quittera plus : « Quelle est la profondeur de ton abysse ? » Ce vide, tout ce grand vide comme ce ciel sans avion, je cherche à le combler. Dans cette quête d’une nouvelle voie, je plonge mon regard dans le bitume. Le temps aussi est devenu insondable. La marche sera mon antidote : partir pour arpenter les chemins de mes pas cadencés. Les miens comme ceux qui m’ont précédée. Ils tapent, remontent du sol et sonnent comme la cloche des âmes perdues. Sur ce trajet solitaire, les grands espaces se métamorphosent en pensées sauvages. Certaines se balancent en pétales de violettes, d’autres crépitent en éclats de quartz. Toutes ces coquilles telluriques me tombent au fond de l’estomac et créent le précipité de ma démarche. Je veux me nourrir des vallées glaciaires parsemées de bombes volcaniques et de cailloux de granite. Je marche pour me laver, je marche contre le vide, je marche et en appelle au jour d’après.
*
Hier soir, il y a eu un énorme fracas qui venait de derrière les montagnes et les voiles du jour. C’était le tonnerre comme rarement je l’ai entendu. Un ébranlement du monde en son entier : la forêt de tous ses troncs et de toutes ses feuilles a vacillé ainsi que tous les animaux qui la peuplent. L’énorme secousse s’est prolongée dans mon corps et s’en est suivie une pluie torrentielle. Enroulée dans ma cape de feutre, je suis restée des heures lovées sous un gros talus. Je vibre de me sentir en vie au cœur des éléments tout en sentant monter en moi l’intuition du désastre qui se prépare à la surface du monde. Plus rien ne peut désormais m’arrêter et c’est heureux que le pays que je parcours soit vaste. Depuis, plusieurs jours, je progresse sur le dos de volcans endormis. La vallée de terre ocre est un jardin de noisetiers sauvages et de noyers.
*
J’ai toujours aimé marcher. Cela remonte à l’enfance et à l’été de mes onze ans. Mes parents m’avaient inscrite en colonie de vacances. Pour la première fois, j’allais découvrir les contreforts des Alpes. Je me revois au pied d’un car scolaire garé sur un parking chauffé à blanc. Mes cheveux sont coupés au bol, j’ai un sac à dos rouge et mon petit air d’enfant sage comme une image. Une photo en témoigne ! Depuis Rennes, le temps d’une nuit et d’un voyage par la route, j’étais de ce groupe de gamins propulsés dans le massif du Vercors. Là, en l’espace de trois semaines, je suis devenue en partie la voyageuse que je suis restée. Ce fut une expérience fondatrice où j’ai découvert le bivouac et la marche dans les montagnes à vaches. La fatigue, l’endurance aussi, la lenteur : poser un pied après l’autre. Avant je ne savais pas me déplacer autrement qu’en courant et, là, j’ai appris à ralentir et à respirer en silence, à mesurer mon effort. Apprendre à boire lentement quand on a très soif est une chose étonnante. Je ne l’ai jamais oublié. Tout s’est joué, cet été-là, sur les chemins d’altitude, dans l’itinérance et le passage des vallées, à travers les pâturages fleuris, les chemins creux tapissés de fraises sauvages et de prêles : ces petits bambous verts des temps préhistoriques. Le bonheur, c’était l’aventure à hauteur d’enfant, l’eau fraîche des fontaines qui dévalait et tintait comme les cloches des troupeaux, le grand air et la liberté des bivouacs loin du cadre familial, les soirées allongées près du feu à guetter les étoiles filantes ou encore à l’abri des tentes à écouter la pluie et le grondement des orages. Le lendemain, on repartait vers l’inconnu.
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Je pense à Stevenson et à l’appel du sauvage qu'il ressentira lui aussi en parcourant les Cévennes puis l'Amérique du Nord. À y regarder de près, il y a plusieurs points de convergence entre John Muir et Robert Louis Stevenson. Tous deux furent contemporains et originaires de la côte est de l’Écosse. Ils ont reçu la même éducation presbytérienne: rigide, brutale, où l’instruction et la religion étaient centrales. L'apprentissage de John Muir fut encore plus strict. Il a grandi dans une famille nombreuse avec un père vraiment dur qui menait son petit monde d’une main de fer. John raconte comment enfant son père lui faisait apprendre un si grand nombre de versets de la Bible qu’à l’âge de onze ans il connaissait par cœur quasiment l’Ancien Testament et la totalité du Nouveau. Au moindre faux pas, il recevait de sévères raclées. Robert Louis, quant à lui, était un enfant unique, à la santé très fragile, élevé dans une famille aisée d’Édimbourg. Il fut choyé entre autres par Cummy, sa nurse qu’il adorait et qu’il considérait comme sa deuxième mère. C’est elle qui lui apprit des cantiques et certains versets de la bible. John Muir et Robert Louis Stevenson auront, tous deux, la chance de découvrir des forêts et des grands espaces naturels non encore défoliés. p. 70-71
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Le GR 70, qui a été créé en 1978 par le Club Cévenol, ne respecte quasiment plus le parcours de l'Écossais, même si tout nous le fait croire... En gros, à chaque étape, le marcheur est bercé dans le culte du romancier. L'explorateur accompagné de son âne est devenu un objet de marketing, "Sur les traces de RLS", labellisé par l'Europe. Et tout est décliné à la mode Stevenson de l'autocollant à la randonnée sur mesure, de l'auberge à la buvette, du camping au menu aligoté du marcheur. L'écrivain a bon dos et rien ne lui est épargné. C'est à peine si on ne propose pas au pèlerins d'aujourd'hui de mettre leurs pieds endoloris dans les chaussons de l'aventurier et de se glisser sous sa couette, non sans une petite vaporisation contre les punaises de lit ! Bien sûr, il reste une trace ou deux, mais c'est à manier avec beaucoup de précautions et de conditionnels. Quoi qu'il en soit, je parie que ce petit commerce et se fétichisme l'auraient fait sourire. L'homme ne manquait pas d'humour et surtout ne ratait pas une occasion de rire de lui-même ! Heureusement, on peut traverser, parcourir, sillonner les Cévennes en quittant les chemins rebattus et en empruntant une multitude de sentes qui irriguent ce territoire.
page 57
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Dans cette hyper-vitalité des émotions, je progresse désormais pour qu’advienne le verbe. Marcher est un révélateur puissant. Mes pieds comme mes pensées ne peuvent s’arrêter, et remontent les souvenirs les plus enfouis. C’est ainsi et c’est bien. Les jours passent et je vais à travers d’immenses pâturages. Chaque barrière franchie est une ouverture sur les mots et la vie. Au fil des heures, je suis devenu une véritable mécanique à écrire, petit vapeur qui avance au gré de mes pas et des paroles qui éclosent en ballons de merveilles. Les phrases jetées au vent des mots arrivent en cascade, sans que je les cherche et me soulagent du grand effroi que tous avons ressenti. Mon esprit est fait de kaolin que l’on malaxe et qui finit par devenir sculptures de phonèmes mâchés et remâchés, en rythme et en cadence ressemblant à cette danse sur la page. Depuis le premier jour, j’écris pour fixer mes impressions comme on brode sur du papier vélin. La marche est l’activité qui convient le mieux à l’écriture.
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La marche nous augmente intérieurement d’un espace qui fait que nous devenons plus grands que nous-mêmes. Quelque chose en nous s’ouvre et s’étire, en même temps que notre conscience se déploie. On s’enrichit d’une présence au monde, d’un regard plus large et plus précis, d’une empathie envers les autres. Tout autour de nous se met à exister. C’est cette même émotion que j’ai recherchée et prolongée en traversant les Pyrénées, de l’Atlantique à la Méditerranée, dans la solitude des sommets et la joie d’un amour naissant, ou encore en faisant le tour du massif du Queyras dans les Alpes. p. 13
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