Citations sur Tu m'avais dit Ouessant (16)
Chaque jour, et depuis le premier, je vais et viens sur l'île, poursuivant ma déclaration d'amour à la vie, à la mer, à la Bretagne, au monde entier.
Finalement, à les écouter, on se dit que des gardiens de phare, il ne reste plus que les rêves que l'on s'en fait.
Une chose est sûre : à Ouessant nous devenons tous des enfants du vent. Va et tu verras, comment il inspire et insuffle des pensées dans ce monde qui s'essouffle. Va et grise-toi d'embruns et tu sentiras monter cette sensation merveilleuse de te laver aux sources qui effacent la tristesse accumulée de la vie. Seulement quand tombera le vent cessera le sortilège. Tu lèveras de nouveau la tête, libre et apaisé, comme une mouche sort de don bocal.
J'ai surtout fini par comprendre qu'à Ouessant on vit dans l'éloge de l'ombre. On s'y complaît car cela rassure et protège.
Ed Pocket p147
Je comprends là, face au large, que l'écriture est antérieure à l'acte d'écrire, qu'elle vient de plus loin. Ce sera l'une des plus fortes découvertes que je ferai sur cette pointe bretonne, bouillon de mes origines. Les mots et la pensée appartiennent à une mémoire lointaine, une mémoire aquatique. Nous sommes tous des écrivains potentiels, mais pour s'en apercevoir, il faut passer à l'acte et faire remonter les souvenirs de cette habitude ancienne.
Je comprends, là, face au large, que l'écriture est antérieure à l'acte d'écrire, qu'elle vient de plus loin. Ce sera l'une des plus fortes découvertes que je ferai sur cette pointe bretonne, bouillon de mes origines. Les mots et la pensée appartiennent à une mémoire lointaine, une mémoire aquatique. Nous sommes tous des écrivains potentiels, mais pour s'en apercevoir, il faut passer à l'acter et faire remonter les souvenirs de cette habitude ancienne.
Je me sens là, sur Ouessant, à un point de contact avec un présent plus sensoriel et intuitif. C'est l'un des plus grands luxes de la vie de découvrir ces lieux idéaux pour se cacher et mieux noyer sa peine. Comprendre que se laisser mourir un peu, c'est reprendre son souffle. Ce n'est pas rien, d'être capable de s'y abandonner et d'y ressentir cette volupté à côtoyer le monde des morts, comme l'ultime ailleurs. Et déjà j'attends avec impatience le retour du soleil, mais en ce mois de novembre, ce n'est pas pour demain.
Ed Pocket p154
Être gardien de phare, c'est bien plus qu'un métier (...)
Ces hommes habitent un ciel poudré et dans la recherche permanente d'un idéal : défendre la lumière contre l'obscurité, ce n'est pas rien.
On en arrive à penser que la vie des autres à plus de valeur que la sienne.
(...)
Le phare en mer est l'île extrême, le refuge qui les accueille dans leur fuite. Là, dans cette immersion océane, ils sont venus se cacher et se révéler à eux-mêmes car, tous le disent, la mer au fil des relèves et des grosses tempêtes dépouille et soigne de tout, de toutes les blessures. Dans ce corps-à-corps avec les éléments une osmose finit par les imprégner et, dans ce mélange des fluides et des énergies, elle les ramène à plus de paix intérieure.
(...)
Je comprends qu'une immersion dans des lieux aussi puissants que la Jument ou Ar Men fasse advenir ce qu'il y a de plus sincère en soi.
Ed Pocket p136-7
Va et tu verras les routes du ciel qu'empruntent les grands voyageurs venus de loin. Ils s'appellent sternes arctiques, pipit de Godlevski, pies-grièches brunes, bécasses ou pétrels fulmars. Par grappes, ils prennent les courants favorables, descendent du pôle, et s'en vont de nuit d'un battement d'ailes pour l'Afrique. Parfois leurs routes migratoires sont déviées par les vents, ce qui les oblige à faire escale sur l'île pour se reposer
Ecoute dans le soir le doux froissement de leurs plumes
Comme ces oiseaux, je pourrais habiter n'importe quel endroit du monde pourvu qu'il nourrissent mes songes
Ed Pocket p131
À mesure que je tourne dans la lande, à rebours des faisceaux
un dialogue de silence s'engage avec le grand papillon blanc
Métronome de nos vies, il devient dans ses pleins et ses vides
la sculpture musicale de l'air
Dans l'intervalle de ses occultations, la lumière crue révèle sa densité
Là se dessinent en courbes et en déliés les lignes de nos trajectoires
Nous ne sommes plus que des hommes et des femmes en marche
Ceux imaginés si patiemment par l'immense Giacometti
Ed Pocket p129