« Je pense, dit Bradwell, que ton histoire est crédible.
- Plus que « crédible » ! Elle est vraie de A à Z.
- C’est pour ça qu’il faut en faire un papier ! « Un reporter Du Clairon déjoue les projets d’un incendiaire décidé à mettre le feu à l’église. Il est félicité par la police pour son héroïsme. »
- Je ne suis pas reporter !
- Tu l’es à partir de maintenant. »
Qui aime bien châtie bien. C’est ce qu’on dit, non ?
Il s’aperçut bientôt qu’aucun vagabond ne ressemblait aux autres. Tous étaient en état de détresse, mais elle se manifestait de manières diverses. Chez certains, elle n’était pas évidente. C’étaient les joyeux qui, jusque dans les extrêmes de la faillite ou du désarroi, riaient encore de l’absurdité du monde.
Il était convaincu d’être promis à un grand avenir littéraire. Écolier, il avait lu la traduction anglaise du Comte de Monte-Cristo ; pendant plusieurs semaines, il avait dévoré le roman, page après page, ravi et terrifié par les rebondissements de l’intrigue. Après avoir terminé sa lecture, le lendemain même, il avait entamé la rédaction de son propre roman. Il ne l’avait jamais achevé.
« Les Français ne pensent pas », m’a-t-il confié en parlant d’une imbécillité existentialiste. « Les Anglais sont incapables de penser. C’est la raison pour laquelle ils produisent d’excellents romanciers. » Tu vois le topo. Sans compter qu’il a une haleine exécrable.
– Nous sommes différents, toi et moi, Ernest. Ce n’est pas une différence de fortune. Pas une différence de classe. Pas une différence d’intelligence. J’ai mes dieux. Tu as les tiens.
– Oscar disait que les dieux sont vulgaires.
– Oscar Wilde était un gros cafard adipeux. Une araignée.
– Nous sommes différents, toi et moi, Ernest. Ce n’est pas une différence de fortune. Pas une différence de classe. Pas une différence d’intelligence. J’ai mes dieux. Tu as les tiens.
– Oscar disait que les dieux sont vulgaires.
– Oscar Wilde était un gros cafard adipeux. Une araignée.
– Il n’y a pas de mal à aimer l’argent.
– Tu as raison. Il n’y a pas de mal à aimer l’argent. Où serions-nous sans lui ?
Ainsi les jours s’écoulaient, identiques. Il avait l’impression de vivre dans une grotte. Si rien n’avait d’importance, alors oui, il pourrait passer toute sa vie de cette manière.
Aujourd’hui, j’ai vu un clochard sur le bord de la route. Je n’ai ressenti aucune pitié pour lui. J’ai éprouvé de la crainte. La crainte de devenir comme lui. Un faux pas et je pourrais glisser. Tout est merdique. Je ne vois personne qui pourrait me comprendre. L’enfer, c’est les autres.