AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Patlancien


A la première lecture du roman de Richard Adams, on pense s'immerger dans un conte pour enfants sages à lire au coin du feu…Eh bien non mes lapins, vous n'y êtes pas du tout. Ce livre de lecture se situe entre la Horde du contrevent à la sauce lapinesque et l'Art de la guerre écrit par un Sun Tzu métamorphosé en lièvre. Les garennes de Watership down éditées par l'ineffable Monsieur Toussaint Louverture, vont vous entraîner dans un récit épique digne des oeuvres d'Homère ou des personnages de la légende arthurienne.

Le roman de Richard Adams est d'une richesse unique par la diversité de ses paysages et décors mais aussi par l'abondance de ses personnages. Mais la force de l'oeuvre se trouve dans la complexité que l'écrivain apporte à son univers. Son approche est digne d'un éthologue tant son étude sur le comportement de ses lapins est bluffant. Les interactions des animaux avec leurs pairs et leur environnement montrent sa vraie connaissance de la cuniculture. Son réalisme est saisissant et s'appuie non seulement sur une histoire solide mais également sur un vocabulaire et une mythologie adaptée à la gent lapine. Sans tomber dans un anthropomorphisme désuet et vieillot, Richard Adams construit une vraie existence à son univers au point que l'on arrive à s'attacher à ses animaux bondissants comme à de véritables personnes humaines.

Le héros de cette histoire se nomme Hazel. Celui-ci, sur les conseils (ou visions) de son jeune frère Fyver, va entraîner à sa suite toute une ribambelle de lapins. Ils vont abandonner leur garenne natale menacée par une catastrophe imminente. Comme pour les hordiers de Damasio, les compagnons d' Hazel n'ont de cesse de rechercher une terre promise afin de recommencer une nouvelle vie. Cette quête comme toutes les grandes quêtes est synonyme de belles rencontres, de rivalités, d'amours et de guerre. Elle regorge d'une multitude de personnages en tout genre. On découvre ainsi Bigwig le bras droit d'Hazel ou Dandelion son conteur d'histoire. Les méchants sont également de la partie avec le général Stachys qui dirige d'une main de fer la garenne concurrente d'Efréfa et qui est accompagné de ses sbires : les odieux capitaines Chervil, Lychnis et Senecio. Les lapines ne seront pas oubliées et elles seront la cause (et oui mes dames) de la guerre qui fera rage entre les garennes. On retiendra surtout Gaïlenflouss la hase qui saura surtout convaincre ses soeurs de rejoindre la bande à Hazel en manque de femelles.

Vous l'avez compris Watership Down est bien une épopée avec ses valeurs et sa morale. On est vite happé par une lecture dynamique et addictive. Comme dans le roman de la Horde du contrevent, on peut être désorienté par la langue fictive imaginée par Richard Adams, mais à l'inverse de Damasio, on arrive très vite à comprendre le sens de ces nouveaux mots. Les vilous, les katakolps, les speussous, le skramouk et autre sfar n'auront plus de secret pour vous. Vous irez farfaler sans craindre le hombou puis vous ruminerez vos propres pelotes avant de finir par faire raka. Une fois passé cet écueil, la prose de l'auteur se veut limpide et précise dans son déroulement. La trame historique et ses rebondissements multiples font de ce livre un vrai page tuner comme on les aime. Cet ouvrage bien que daté (1972) reste un « up to date ». C'est la marque d'un grand roman qui fleure déjà bon le classique de la littérature anglaise qu'il se doit d'être.

Je veux remercier ici mon amie HundredDreams qui a su me convaincre de lire ce pavé de 544 pages. J'ai cru que c'était un vrai tour de force de sa part avant d'être subjugué par la qualité du récit. Il ne serait pas étonnant de voir Watership Down s'échouer prochainement sur mon ile déserte…

« À la lisière du bois, la clématite s'effilochait comme un rideau de fumée, ses calices embaumés s'étaient transformés en barbe de vieil homme. Les chants des insectes se tarissaient peu à peu. de vastes tapis d'herbes hautes, autrefois aussi peuplés qu'une jungle, étaient désormais presque déserts ; un coléoptère en fuite et une araignée sur le point de s'endormir constituaient les seuls survivants de ceux qui s'y pressaient l'été. Si les moucherons dansaient toujours dans l'air limpide, les martinets qui les chassaient à tire-d'aile avaient disparu, et maintenant qu'ils ne trissaient plus dans le ciel, c'était le rouge-gorge qu'on entendait ramager sur les hauteurs d'un fusain. En bas, les champs avaient été défrichés. L'un d'eux était même déjà labouré ; les sillons impeccables attiraient la lumière dans un reflet fade. le ciel aussi était vide et transparent, aussi délicat que de l'eau. Au mois de juillet, son bleu immobile, épais et crémeux, semblait frôler la cime des arbres verts ; aujourd'hui, il remontait, se diluait tandis que le soleil descendait à l'ouest un peu plus tôt chaque jour, puis, une fois sur l'horizon, annonçant une pointe de gel, il s'enfonçait, lent, énorme et paresseux, d'un pourpre aussi vif que celui des baies dont se couvrait l'églantier. Sous la brise du sud qui fraîchissait, les feuilles de hêtre jaunes et rouges se froissaient avec un bruit râpeux, plus rude que le fracas des cascades des premiers jours du monde. C'était l'époque des départs silencieux, celle où s'exilent les créatures désarmées contre l'hiver ».


Commenter  J’apprécie          6756



Ont apprécié cette critique (67)voir plus




{* *}