Mais des enfants ? Qu'est-ce qu'on leur dit ? comment on les fait déguerpir ?
A-t-on jamais vu en Algérie des généraux se montrer bienveillants à l'égard d'une révolte ?
Lorsque le terrorisme faisait rage, Mohamed, qui devait tous les jours se battre contre les groupes terroristes, arrêta la prière pendant dix ans. Le temps de cette guerre. Il n'en parla à personne, n'expliqua rien à sa femme. Prier lui était devenu tout simplement impossible. Il y avait trop d'horreurs autour de lui...
Adila s'arrêta d'écrire pour relire ses notes qu'elle prenait dans un carnet noir qui trainait dans le tiroir de son bureau depuis des années. Elle n'avait jusqu'alors jamais ressenti le besoin d'écrire ses mémoires ou de parler du passé. Elle avait toujours préféré le présent et se battre pour l'avenir, mais...pour la première fois de sa vie, elle est effrayée à l'idée que son passé disparaisse avec elle.
Dans l'esprit des gens, les enfants ne conspirent pas, les enfants ne luttent pas. Si un seul adulte dans ce pays imaginait trois secondes qu'un petit pouvait échafauder des plans, se battre contre un ordre établi ou quoi que ce soit dans le genre sans être manipulé ou poussé par un grand, voire un gouvernement étranger, les enfants seraient sur écoute, ils seraient suivis, ils seraient arrêtés. On créerait des camps spécialement pour eux.
Peu de nos voisins savent à quoi fait référence cette date du 11 décembre 1960 qu'ils inscrivent pourtant à chaque fois qu'ils doivent renseigner leur adresse. Quelques-uns se rappellent vaguement que ce jour-là avaient eu lieu de gigantesques manifestations pour l'indépendance à Alger et dans plusieurs autres villes mais à part ça ?
Une fois les adultes rentrés chez eux, on organisait des veillées. On se racontait des histoires de fantômes. On refaisait les matchs disputés dans la journée et enfin on s'endormait, la tête pleine d'images. Parfois la folle aux cheveux rouges rejoignait les enfants et dormait avec eux à même le sol.
p. 179
« Eux, ils ont tout le pays, ils ne peuvent pas nous laisser ce bout de terrain ? » (p. 40)
« Il n’y eut pas de blessés. Mais quarante enfants avaient humilié deux généraux et ça ne pouvait que mal se terminer. » (p. 109)
« A-t-on jamais vu en Algérie des généraux se montrer bienveillants à l’égard d’une révolte ? » (p. 27)