Le monde a changé, mais les âmes cherchent l'amour d'une manière ou d'une autre et les esprits tremblent devant un avenir imprévisible et en perpétuel devenir.
La guerre transforme chaque bonheur en brûlure parce qu'on se dit toujours que ce sera le dernier.
Laisser un enfant de deux ans partir seul loin de soi, ne plus le voir, ne plus être là quand il dort, quand il joue, quand il a froid, quand il pleure ou quand il rit, quand il a peur du noir, ne pas le voir grandir, même deux jours, c'est comme un décès sans que le corps ne soit jamais rendu.
Le monde se répète mais ce n'est jamais une répétition. Chaque jour devrait porter un nom différent car chaque jour est unique, irremplaçable, infini et le monde ne change pas. Seuls nos regards se transforment.
Aujourd'hui, je suis un homme sans époque. Je sais seulement que ceux qui ont vu le monde à travers ce cadre n'en savent pas plus que moi qui n'ai rien vu. Ces écrans ne sont pas des fenêtres sur le monde, ils sont les miettes du monde. Ce qu'il y a à voir se passe autour de soi et en soi.
Il faut aimer tous les avenirs possibles.
J'ai hurlé tous mes silences.
Mes organes explosaient sur les murs blancs de la chambre. Je voyais des mots de sang sortir de ma poitrine, écartelant mes côtes et déchirant ma chair. Mon corps crachait des boyaux lumineux et tout ce qui s'était éteint éclatait de lumière. C'était une jouissance. Je criais ma mémoire.
Déporté, ça veut dire être loin de ce qui nous porte, loin de la vie.
Un jour, j'avais dix-sept ans, j'ai disparu de moi.
À un moment, je n'ai plus regardé les trains approcher ou s'éloigner, mais le banc derrière moi. C'était un banc vert sapin, un banc de quai de gare, libre, façonné pour l'attente, toutes les attentes, fait pour le repos et le temps qui passe, peint pour durer, forgé dans le fer, dessiné pour traverser les modes et les siècles, froid comme l'oubli.