«Khalid ibn al-Rashid, le calife du Khorassan.
Le Roi des rois.
Un monstre qui hante mes cauchemars.
Au fur et à mesure qu’elle s’en rapprochait, Shéhérazade sentait sa haine bouillonner et raviver une inextinguible soif de vengeance.
Elle marchait sur le calife dont elle distinguait déjà les traits, car il avait un port de tête altier et le regard qui portait loin. Il était également grand, mince et musclé, et avait l’air martial. Ses cheveux sombres et raides étaient coiffés à la perfection.
Une fois sous le dais, elle resta bien droite, le front hautain. Il était roi ? Qu’à cela ne tienne, elle refusait de courber le front.
Donc elle le dévisagea. Ses yeux d’un brun clair aux reflets jaunes rappelaient l’or et l’étrangeté des prunelles des tigres et, pour l’heure, étincelaient sous ses sourcils sombres froncés par la perplexité.
Il la scrutait aussi, gardant une immobilité de statue. Dans son visage d’une fascinante beauté, ce regard étrange aux reflets d’ambre transperçait.
Enfin, il tendit la main. Shéhérazade l’imita et se souvint, à temps, qu’elle devait s’incliner.
Ainsi fit-elle, empourprée par la rage.
Mais elle se redressa vite.
Face à sa superbe, ostensible, il ne put réprimer un mouvement de surprise.
— Mon épouse.
— Mon roi.
Je vivrai ! Je verrai le soleil se coucher demain. Je le jure. Je garderai la vie sauve, je reverrai l’aube et le crépuscule, tant que je vivrai.
Longtemps ! Mais toi… toi, je te tuerai.
De mes propres mains. »
...Chacun a en soi un potentiel merveilleux qu'il ne peut déployer sans magnifier l'ammour. Car ainsi en est-il, Shéhérazade : nous ne sommes pas destinés à vivre seuls.
- Est-ce de l'arrogance que de vouloir la constance contre vents et marées ? La permanence malgré l'adversité ?
- Tu désires l'impossible !
- Non, je désire l'absolu. Une femme capable de voir au travers, au-delà des apparences. Qui me complète. Soit mon égale.
- Et comment sauras-tu que tu as trouvé cette perle rare ?
- Elle sera comme l'air que je respire. Mon souffle de vie.
"Telle est la punition d'un monstre sans coeur: désirer un trésor comme sa vie, l'avoir à portée de main et en même temps savoir, sans l'ombre d'un doute, que jamais il ne le méritera ni ne le possédera..."
Il était incrusté des plus belles pierres précieuses, mais son poids l’accablait, l’étranglait. Que ne pouvait-elle le retirer d’un coup sec ! Si précieux ait-il été, il n’en était pas moins un symbole de soumission.
- Je ne sais peut-être pas grand-chose, mais j'en sais plus que toi, Khalid-jan. Je sais par exemple que l'amour est fragile. Que t'aimer tient de l'impossible; C'est comme marcher dans le pire vent de sable avec le plus fragile des trésors. Si tu veux qu'elle t'aime, protège-la de cette tempête.
[...]
- Assure-toi de ne pas être la tempête de sable qui balaie tout sur son passge.
Chacun de ses mots brisait davantage les remparts et les murailles dont elle s'était fortifiée le coeur [...]. La voie de la raison protestait en silence et lui soufflait de résister tandis que son coeur, cet insensé, accueillait l'intrusion et cette conquête comme un chant d'alouette saluant la victoire de l'aube.
Comme un condamné à qui grâce est faite.
Ils doivent s'exercer avant le combat, hasarda Despina.
- L'intelligence thébaine me surprend !
- Si je vous pousse dans le sable, vous n'aurez plus l'air d'une reine, mais d'une souillon.
- Et comment sauras-tu que tu as trouvé cette perle rare?
- Elle sera comme l'air que je respire. Mon souffle de vie.
Telle est la punition d'un monstre sans coeur : désirer un trésor comme sa vie, l'avoir à portée de main et en même temps savoir, sans l'ombre d'un doute, que jamais il ne le méritera ni ne le possèdera...