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Citations sur Les Funambules (91)

Ne pas écrire. Ne pas savoir écrire. Est-ce que quelqu’un sait à quel point ne pas savoir écrire est une souffrance ? Ma mère m’en parle, elle qui n’a jamais pu mettre noir sur blanc ses pensées. Ni une liste de courses. Même son prénom ou son nom. Elle me dit « C’est difficile, la vie, sans savoir écrire, mon fils. C’est comme si j’étais handicapée. Je ne peux pas t’envoyer un mot, et je ne comprends rien à ces téléphones à main (c’est ainsi qu’elle appelle les portables). Et puis tous ces papiers qu’on reçoit ; à chaque fois, je suis obligée de demander aux voisines. Savoir lire et écrire, c’est être libre, habibi. »
(…)
Même à l’oral, c’était compliqué tous les jours. Elle ne pouvait pas s’exprimer en français. Dans un supermarché, c’était la galère : elle montrait du doigt pour désigner ce qu’elle voulait – comme un bébé. J’en ai passé du temps avec elle à lui montrer cinq produits pour en choisir un, à lui dire le prix de chacun, car elle ne lisait pas les chiffres non plus.
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Je pense que les mots peuvent, peut-être pas guérir ni réparer, mais contribuer à ce que les personnes vulnérables se sentent véritablement exister. (…) Les gens précaires souffrent de ne pouvoir écrire, de ne pouvoir coucher leur récit sur du papier, de ne pouvoir en parler. Ils flottent, ils ne possèdent pas de généalogie, pas de traces, pas d’appuis, leurs familles sont le plus souvent disloquées.
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Lui aussi son père est parti sans laisser de nouvelles, ça nous rapproche. Ce n’est pas tant le malheur et la misère qui ont failli le tuer, mais le silence. Cette impossibilité de raconter, devoir mentir, cacher qui il est. « Je me taisais, je me taisais, et j’étouffais. C’est écrire qui m’a sauvé. » Il me dit ces mots forts, comme ça, mine de rien : le silence est assassin. Quand il était gamin, écrire était un instinct de survie. Aujourd’hui, le grand médecin qu’il est devenu sait que raconter son histoire, si tragique soit-elle, participe à la reconstruction. Il sait qu’une fêlure ne se referme jamais. On met du baume dessus, des couches de protection pour ne pas imploser. On fait avec.
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Scott Fitzgerald, qui s’y connaissait en existences fêlées, écrivait que « toute vie est bien entendu un processus de démolition », c’était dans La fêlure, justement. Mais, chez nous, c’est le contraire : toute vie est une entreprise de reconstruction. Parce qu’on naît détruit. Après on essaye de bâtir comme on peut quelque chose qui ressemble à une existence normale. Je me demande si l’écrivain américain ne partageait pas cette idée. Dans la même page, il ajoutait : « On devrait par exemple pouvoir comprendre que les choses sont sans espoir, et cependant être décidé à les changer. »
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Je ne peux m’empêcher de trouver toute existence extraordinaire. Pour peu qu’on veuille bien prendre la peine de se pencher dessus, chaque vie est exceptionnelle et mérite d’être contée, avec sa part de lumière, ses zones d’ombre et ses fêlures – il y en a toujours, je sais comment les détecter. D’ailleurs, c’est mon obsession, ça, quand je rencontre quelqu’un je me demande quelle est sa fêlure : c’est ce qui le révèle. Et dans ce domaine, il n’existe pas d’injustice, pas d’inégalité : chacun porte sa fêlure, les misérables et les milliardaires, les petites gens et les puissants, les employés et les patrons, les enfants et les parents.
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J’exerce le métier de biographe pour anonymes. Je raconte les vies de ceux qui veulent laisser une trace, même dérisoire. J’écris pour ceux qui ne trouvent pas les mots. Ceux qui pensent utile de narrer leur histoire afin qu’un membre de leur famille éclatée puisse la découvrir un jour. À chaque fois, j’ai l’impression de rédiger des messages dans des bouteilles jetées à la mer ; je sais que ceux à qui s’adressent ces livres les ouvrent à peine, quand ils ne les oublient pas dans un carton. À force, j’ai compris : on écrit pour soi.
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J’ai trente-quatre ans, maintenant. Je ne suis jamais retourné au pays natal. Je ne peux plus dire « Chez nous ». Je ne sais pas le dire. Je ne me sens chez moi nulle part – d’autres ont déjà exprimé ce sentiment, je peux ajouter qu’on se sent allergique à toute communauté, même à la sienne. On se sent étranger à soi. On met du temps à se lier à quelqu’un. On n’adopte jamais vraiment un lieu. On n’habite nulle part.
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La honte empêche d'entamer la moindre démarche. Faire le premier pas administratif, c'est comme reconnaître que l'on est officiellement pauvre, qu'on n'a pas trouvé d'autre moyen de s'en sortir.
P. 174
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L'important n'est pas que d'aider, il y a surtout ce lien social, incroyablement fort, qu'il faut tisser instant après instant et qui passe par la parole et l'écoute, par les mots et l'écriture. C'est le fil des funambules qu'il faut tenir à bout de bras pour qu'il ne tremble pas.
P. 170
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"On arrive toujours à trouver de la nourriture, mais quand on n'a plus de toit, on se retrouve à la rue, et ça devient dramatique." Les situations sont tragiques.
le funambule perd son fil et ne peut plus remonter dessus. L'équilibre est presque définitivement rompu.
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