Les intempéries avaient rendu l’île à ses angoisses hivernales, ces longs mois où la pire des malédictions nous tombait dessus: nous retrouver seuls avec nous-mêmes, prêt à laisser parler nos instincts cannibales, à nous entre-dévorer à la première occasion.
L’expérience m’a enseigné que, passé un certain nombre de bières, n’importe qui peut devenir un ami.
C’est sur mon bureau qu’échouent les dossiers dont personne ne veut, les cadavres qui ne feraient pas lever un sourcil à un gratte-papier des chiens écrasés, les victimes anonymes des crimes d’après boire, les vies gâchées pour rien, les destins lacérés des assassins et de leurs victimes confondus dans la même misère, dans la came, dans le vice, dans les jalousies morbides carbonisant des générations entières au fond d’un taudis en bordure de la Nationale.
Les cinq Colomba éclusées devant mon écran m'avaient remis les idées en place.
Un grand coup de pied dans les couilles de mon amour-propre.
Autour de moi, il ne restait rien d’elle et rien d’autre qu’elle.
Rien n'est simple parce que derrière le rideau des aveux, une voix intérieure raconte toujours une autre histoire, un enchaînement illogique de causes et de conséquences, la réminiscence d'un parfum, le souvenir vaporeux d'un espoir déçu.