Durant toute la semaine dernière, j'ai fait une lecture commune des quatre filles du docteur March de
Louisa May Alcott, mon livre préféré. Tous les ans, ce livre me donne rendez vous à l'approche de Noël et c'est avec bonheur que je me perds l'espace de quelques jours entre ses pages. Petite fille, j'aimais l'ambiance de Noël de ce livre, les chamailleries entre soeurs, les confidences, les secrets, la relation si belle des filles avec leur merveilleuse mère. Maintenant que je suis adulte, ce que j'aime dans ce livre ce sont ses enseignements. Pour certains, les propos de l'auteure peuvent sembler désuets, dépassés et pourtant pour moi, ils résonnent comme une mise en garde contre la société dans laquelle nous évoluons. Dans ce monde où tout va vite, où tout est connecté en permanence, où nous entretenons plus de relations avec nos portables qu'avec des personnes réelles, ce livre nous apprend à apprécier les plaisirs simples de la vie, les petits bonheurs qui ne coûtent rien mais qui ravissent le coeur et l'âme. Oui, vraiment, chaque fois que je relis ce livre, je me rend compte de la chance que j'ai d'avoir une si jolie vie malgré mes plaintes régulières ! Et je me surprends à vouloir renouer avec la réalité. Des moments partagés avec de vrais gens. Un atelier cuisine ou couture avec les enfants, un film regardé en famille, l'histoire du soir, tous réunis dans la chambre des petits. C'est ça aussi
les quatre filles du docteur March, le réveil en moi de ce que je ne prenais plus le temps d'apprécier à sa juste valeur, trop débordée par le quotidien qui fait passer à côté de ce qui a une réelle importance.
Mais revenons-en à l'histoire. Quelle joie de retrouver Meg, Jo, Beth et Amy. Ces quatre soeurs, toutes différentes mais unies autour de belles valeurs sont sans nul doute parmi mes personnages préférés de la littérature. Surtout Jo ! Je crois que je l'aime de plus en plus au fil de mes relectures. Et puis, elle me ressemble tellement que quand je lis ses aventures, je ne peux m'empêcher de m'identifier et me sentir concernée, à tel point que cela me fait réfléchir à certaines de mes attitudes. J'aime aussi beaucoup Amy, car malgré son côté prétentieux et guindé, c'est une petite fille avec un vrai caractère et un tempérament de feu. Quant à Beth, elle est la plus adorable, l'oiseau blessé, l'ange de la maison, l'âme de la famille. La plus fragile, avec une telle douceur et une telle discrétion. Un coeur énorme caché derrière une si grande peur de se faire trop remarquer ou de prendre trop de place. Et puis Meg, qui tient son rôle de grande soeur, mais qui au fond d'elle est encore une enfant. Celle dont le coeur va s'éveiller à l'amour pour la première fois. Celle qui aspire à une vie moins difficile mais qui supporte sans broncher les difficultés. Elles sont toutes, chacune à leur façon, tellement touchantes et attendrissantes que c'est un pur plaisir de les suivre durant les quelques 300 pages que constituent la première partie du roman.
Et puis, parmi les autres personnages, j'ai toujours eu un énorme faible pour les deux messieurs Lawrence. Que ce soit le grand père ou mon cher Laurie, les deux sont juste adorables. Je suis d'ailleurs plus d'une fois à la lecture de cette histoire tombée amoureuse de ce jeune homme si beau et attachant. Sans doute mon premier amoureux livresque.
Les lieux du roman possèdent également pour moi une certaine nostalgie d'un temps que je n'ai pourtant pas connu. J'ai si souvent rêvé de vivre dans cette maison pleine de rires, de disputes, mais aussi de notes jouées sur un piano désaccordé, de manuscrits gribouillés de la plume de Jo, de toiles peintes de la main d'Amy et même de l'odeur de plumes brûlées suite à l'accident de fer à friser sur les cheveux de Meg. Oui, j'aurais aimé vivre des veillées autour de Marmee lisant une lettre de leur père parti au front, j'aurais aimé me réveiller chaque matin pour lire un petit passage du livre des pèlerins et j'aurais même bien aimé aller travailler pour tante March en partant dans le froid, serrant dans mes mains un chausson aux pommes si chaud que moi aussi je l'aurais appelé moufle.
La plume de l'auteure est également particulièrement plaisante et moderne pour son époque avec sa manière de s'adresser directement au lecteur, de décrire tant et si bien ses personnages ou ses décors que tout prend vie sous nos yeux, que le texte se brouille, les mots s'effacent pour nous aspirer au coeur du livre. Oui, cette femme était une merveilleuse conteuse qui possédait le talent de créer des personnages inoubliables, des lieux magiques et des univers cosy et si régressifs que l'on aime à y retourner pour recevoir notre petite dose de bien-être et de douceur dans cette société parfois si dure.
Vous l'aurez compris, cette relecture fut une fois de plus un enchantement, un moment suspendu, hors du temps. Un roman gravé à jamais dans mon coeur à tel point qu'il vit en moi, que ses personnages font partie de ma personnalité et influencent et guident mes pas. Un livre riche en enseignements et en messages et qui aujourd'hui, plus que jamais, nous fait réfléchir à la vraie valeur de la vie.
Je ne peux que vous conseiller sa lecture ou sa relecture pour un moment cocooning sous un plaid, avec un thé bien chaud et des cookies ou pourquoi pas quelques pommes comme Jo lorsqu'elle lit dans le grenier. Et bien évidemment, je vous engage à regarder l'adaptation de 94 avec Winona Ryder qui est une merveille et rend un si bel hommage à ce magnifique texte.