Adapté de l'ouvrage de
Thomas Piketty, cette BD présente le travail de l'économiste à travers l'histoire d'une famille de la fin du XIXème siècle à aujourd'hui. Ainsi, les auteurs, reprenant le travail de Piketty, démontrent comment les inégalités sociales se sont forgées au cours de cette période par les choix politiques faits en matière de répartition de la richesse. A la fin de l'Ancien Régime, qui fonctionnait sur le principe d'une société fractionnée en trois ordres sociaux, noblesse, clergé et tiers-état, l'essentiel de la richesse nationale revenant aux deux premiers, en 1790, dans la dynamique de la Révolution française, dont l'un des postulat majeurs est l'égalité, tous les citoyens se sont vus soumis à l'impôt sur le revenu sur la base de ce principe égalitaire. Est alors créé un impôt proportionnel au revenu perçu, avec un seul taux d'imposition qui opère donc une faible redistribution des revenus. Par ailleurs, la propriété privée est considérée comme la pierre angulaire du système social. Apparait une société propriétariste dans laquelle les inégalités sont criantes. Une minorité, ayant accès à une formation intellectuelle supérieure, détient l'essentiel des richesses nationales et constitue une élite face à une majorité peu éduquée vivant chichement. En 1901, le ministre des finances,
Joseph Caillaux, dépose, aux grand dam des plus riches, le projet d'un impôt progressif sur les revenus qui mettrait à contribution les plus riches pour redistribuer aux plus pauvres. Ce projet est maintes rejeté par le pouvoir législatif alors aux mains de cette élite intellectuelle et financière. Mais, aux lendemains de la première guerre mondiale, la vision des choses évoluent. Pour permettre la reconstruction du pays, l'Etat français augmente le taux de l'impôt sur le revenu. Les inégalités vont ainsi commencer à se réduire. D'autant qu'en 1914, l'impôt progressif sur le revenu des personnes physiques finit par être adopté après des décennies de débat. Pendant les "trente glorieuse" qui suivent la seconde guerre mondiale, se met en place une société plus égalitaire avec notamment l'accès des enfants des classes modestes à l'éducation secondaire et supérieure. Mais, avec l'arrivée au pouvoir de
Margaret Thatcher au Royaume-Uni en 1979, puis de
Ronald Reagan aux USA, une nouvelle politique basée sur un capitalisme néo-libéral, c'est le retour progressif de mesures qui vont peu à peu opérer un retour en arrière avec, à nouveau, une augmentation sans précédent des inégalités depuis le début du XXème siècle. C'est le démantèlement progressif des services publics parallèlement à la privation rampante de pans entiers de l'économie. Durcissement du discours à l'égard des plus défavorisés considérés comme un poids pour la société, la pauvreté relevant peu à peu de la responsabilité de ceux qui en souffrent. Parallèlement, les inégalités sociales se reproduisent à l'école et se reconstituent une élite intellectuelle et financière qui s'enrichit considérablement au début du XXIème siècle alors qu'une majorité de travailleurs et de citoyens plonge dans la précarité et la pauvreté. La crise sanitaire des dernières années a parachevé ce tableau des inégalités grandissantes.
Thomas Piketty fait partie d'une mouvance d'économistes qui mettent en lumière ce qu'ils considèrent comme des dysfonctionnements de notre système socio-économique et émet un certain nombre de propositions pour changer de modèle. Entre autre: instaurer la propriété sociale du capital par un partage du pouvoir avec les salariés dans les entreprises, prévoir que la propriété du capital soit temporaire en créant un impôt progressif sur la propriété (cela éviterait la concentration des richesses aux mains de quelques familles seulement par héritage), faire évoluer la communauté européenne vers une Europe sociale et fédérale en donnant notamment plus de pouvoir à l'Assemblé européenne, financer les partis politiques par des bons pour l'égalité démocratique pour permettre à chacun de participer à la vie politique, instaurer une taxe carbone progressive et individuelle ainsi qu'un capital personnel d'éducation et de formation.
Une analyse très intéressante rendue très accessible par le choix du format bande dessinée.