Citations sur Il faut buter les patates (22)
Campagnes concentrées. Poules entassées. Cochons hallucinés. Consciences concassées. Grands festivals d'illusions contre petits bistrots qui s'essoufflent. Le monde ne se refait plus au comptoir de l'estaminet. Rêves en fumée. Tissu qui s'effiloche. Faillites retentissantes ou épidémies salutaires ? Peu importe.
Et l'odeur pestilentielle de l'algue verte en putréfaction chasse le touriste loin des embruns...Les hôtels ferment...Merci, les embruns du Crédit agricole !
Comme dans toute administration, les meilleurs et les originaux, ceux qui pourraient devenir des héros, ont toutes les chances de rester dans le rang. Bien sûr, il reste les pourris. Mais être flic, c’est déjà beaucoup. Pas la peine d’en rajouter Tout me porte donc à penser qu’il n’y a pas plus de héros et de pourris chez les flics que chez les péquenots et je ne trouve donc aucune raison valable pour faire jouer aux flics un rôle excessivement important dans mon aventure.
Les gens d’ici, ils sont pas comme toi, ils sont comme moi, ils aiment leur pays. Et plus il est pourri, plus ils l’aiment. Plus tu leur dis qu’ici c’est foutu, qu’il faut foutre le camp, plus ceux qui restent sont fiers d’être là. Ils ont la rage.Aucun moyen d’agir, aucune imagination, mais la rage.
Ils ont déclaré la guerre. Faut pas se laisser faire... Et puis, ça me plaît. Dans le temps, c’est pas que j’aimais chicaner,mais quand même, je laissais pas ma part au chien, non plus J’ai pas changé. On vieillit... On change pas tant que ça, dans le fond.
Avant le prochain grain, il faudra butter les patates.
Je croyais que la littérature française faisait de moi un citoyen du monde. La belle affaire !En fait, cette soi-disant universalité me coupait du monde. De mon monde. Je voulais être de partout et j’étais de nulle part. J’avais fini par me convaincre que l’ouverture au monde devait s’accompagner de la fermeture aux
miens.
Le temps des pestes, du choléra ou de la vérole, revint en mémoire. Ce n’était plus de l’histoire ancienne. C’était hier. Comme en ces temps de malheur, les mois noirs succédaient aux mois noirs, identiques. Froids et humides. Comme en ces temps de misère, on s’attendait à voir apparaître un autre méchant oiseau noir, au détour du chemin : quelque prédicateur,assis sur les marches du calvaire. Toujours là, dès que le malheur assaille.
Au pas de charge, le célèbre acteur de cinéma arpentait la salle. On eût dit un
empereur de retour d’une bataille victorieuse. Il s’arrêtait parfois, et des
femmes lui baisaient les mains, retrouvant comme par enchantement les gestes pieux, la ferveur de leurs arrière grands-mères, lorsqu’elles s’imaginaient en présence d’un saint homme. Porte-bonheur.
Il faisait un temps noir. Il faisait un pays noir. Il aurait pu être roux ou bien vert, vert-de-gris, gris bleu, mais là, il était noir. D'un noir pas franc, d'un noir qui ne se dit pas, d'un noir d'ardoise. Autrefois, on avait ouvert les entrailles de la terre pour en extraire de quoi couvrir les toits. Drôle d'idée. Ça n'avait pas duré. Dans ce pays, rien ne dure que la dure réalité noire.