America n°08 : De la race en Amérique

Les gens qui se connaissent un tant soit peu eux-mêmes savent qu'ils ne peuvent pas toujours changer le monde, mais qu'ils peuvent agir pour le rendre un petit peu plus humain, pour rendre la vie un peu plus humaine. Humaine au meilleur sens du terme. Humaine en terme de joie; de liberté, qui est toujours individuelle, de respect, de respect mutuel, ne serait-ce que de politesse. Ces choses, ces vieilles choses démodées, sont toutes très importantes.
James Baldwin

" Un écrivain sert à comprendre ce qu'est un être humain. A comprendre ce qu'est un autre que soi-même. A comprendre quelle est notre place dans le cosmos. Si je devais vivre sans lire, je me mettrais à rétrécir mentalement puis moralement. Grâce à la lecture, je peux m'épanouir. C'est l'imagination qui met en branle le sens moral".
Russell Banks.

Au lieu de cela, nous véhiculons une mythologie qui affirme que L'Amérique est devenue une nation riche grâce aux seules vertus protestantes blanches, cette fameuse éthique du travail doublée d'une inventivité pour exploiter les ressources naturelles d'un continent vierge. Conneries ! Ce continent n'était pas vierge avant que nous y débarquions, et nous avons fait travailler des millions d'esclaves noirs pour accumuler toutes ces richesses...Mais le récit dominant est très difficile à contrer.

La question de la race est déterminante aux Etats-Unis. Barack Obama l'avait bien compris, qui, lors de sa première campagne électorale en 2008, avait placé son discours de Philadelphie sous cette bannière très tocquevillienne : De la race en Amérique. Si nous reprenons ce titre aujourd"hui, c'est parce que l'immense espoir soulevé il y a dix ans s'est évanoui, au moment où l'Amérique s'apprête à regarder en face la date qui marque les 400 ans des débuts de l'esclavage sur son sol. Dans ce pays où l'histoire n'est enseignée que du point de vue du vainqueur - c'est-à-dire du colon blanc, mâle, forcément vertueux car guidé par le Seigneur -, la question de la race est l'allumette que chacun frotte lorsque la violence gronde.

( "L'édito de François Busnel" )

Le rêve américain est d'abord un rêve de puissance économique. Moi mes rêves étaient tout autre.
Grand Entretien Russell Banks p43

Texte de James Baldwin
Regardez les Pèlerins, les Puritains - ces gens censés avoir fui l'oppression en Europ pour ne rien faire de mieux que fonder une société plus opprimée ici ; ces gens en quête de liberté, qui exterminèrent les Indiens. Puis suivez tous ces gens alors qu'ils entrent dans une nouvelle ère et qu'ils réduisent tous les Noirs en esclavage. Ce sont les faits de l'histoire américaine, et non pas sa légende.

L'Amérique de Trump se voit comme une nation exceptionnelle et entend "redevenir grande" - comprendre "redevenir blanche". Elle oublie qu'elle est née d'un vol et s'est développée grâce à un meurtre. Avec, dans sa cale, des millions d'esclaves. Elle n'est pas la seule, bien sûr. Mais, partant d'une base aussi douteuse, peut-on concevoir une nation en paix ?

( " L'édito de François Busnel" )