je me perds dans le creux des jours
j’oublie ma voix
mais ma voix elle ne m’oublie pas
je l’entends même quand je me tais
c’est quelque chose comme un peu d’eau
qui coule quelque part
ailleurs tout près
une germination lente
silence ou sang entre deux gestes
une attente sans visage
une sorte de voyage immobile
où soudain je suis perdu
je dis il est trop tard
ou trop tôt je vois
ce que les choses jamais
ne me diront je tends la
main je l’ouvre
elle est pleine d’un feu vide
qui m’aveugle je n’y suis
pour personne j’y suis
pour le monde entier
le fil de la joie
Le voyage des corps est silencieux.
On dirait des oiseaux sans un bruit
qui glissent sur la vitre. Une main
les accompagne parfois, un geste.
La peau est bleue.
Le temps s’est arrêté. Le cœur bat:
il remplit la chambre. Le souffle
cherche le souffle, les visages
sont au bord de l’oubli.
Retiens-moi, dit la voix, garde-moi
dans ta soif, deviens l’instant qui brûle,
le vide qui me commence.
Fais tomber les images.
Elle parle. On n’entend pas.
Les corps n’ont plus de bouche.
Ils flottent, mais il n’y a pas d’eau.
De l’air, peut-être, une lueur
sur la vitre. On ne voit pas.
La chambre vide (1989-1995)
Le moment où la nuit pénètre le jour
est invisible
comme les deux corps qui s’aiment et s’oublient.
De longs silences les traversent
plus musique que la plus pure musique,
un espace pour disparaître et demeurer pourtant.
Ils ne savent que l’instant
qui n’en finit pas d’être l’autre,
ils ne savent que le sang dans la lenteur des mains,
dans la moiteur de l’impossible
le lent éclair qui trace et foudroie leur image.
J’écris des dates
le temps les traverse
ne laisse qu’un peu de poudre humide
parfois les feuilles remuent
le ciel n’est pas le ciel
le jour est un reste de regard