Avec «
La villa des mystères », l'auteur argentin
Federico Andahazi revient sur un événement célèbre pour les aficionados de littérature : les quelques jours passés en 1816 sur les rives du lac Léman par Percy et
Mary Shelley,
Lord Byron, Claire Clairemont et le docteur
Polidori. Un séjour au cours duquel ces prestigieux invités se sont lancés, faute d'autres distractions, dans le défi littéraire suivant : écrire une histoire fantastique la plus sombre et la plus inquiétante possible. de ce défi naîtra le fameux « Frankenstein » de
Mary Shelley mais aussi « The Vampyre », un récit d'abord imputé à Byron qui en refusera la paternité que l'on attribue aujourd'hui à
John Polidori, sans doute le moins connu des cinq personnages, sur qui l'auteur a choisi de se focaliser. Mais c'est un portrait bien peu flatteur que brosse ici
Federico Andahazi. Jaloux du talent de
Lord Byron pour qui il assume le rôle de secrétaire, imbu de sa personne, mesquin, dénué de talent, que ce soit en tant que médecin qu'écrivain... le pauvre
Polidori n'a pas vraiment de quoi s'attirer la sympathie du lecteur. Et pourtant on se plaît à suivre le déroulement des curieux événements qui marqueront à jamais la vie du secrétaire. Car il se passe effectivement des choses très étranges dans cette maison, à commencer par les lettres qui attendent
Polidori chaque soir sur son bureau et qui vont le plonger dans l'inquiétude et peu à peu ébranler toutes ses certitudes.
Le roman se compose ainsi d'une alternance entre des passages narratifs relatant le séjour de
Polidori et de ses compagnons et la retranscription de ces mystérieuses lettres qui ne tardent pas à nous entraîner dans une autre histoire mettant notamment en scène deux jumelles réputées pour leur comportement scandaleux. L'auteur parvient avec habilité à maintenir le suspens quant à l'identité de l'expéditeur de ce courrier ce qui contribue à renforcer l'ambiance légèrement oppressante dans laquelle baigne l'ensemble du roman qui, malgré sa brièveté, parvient à maintenir le lecteur en haleine. La chute est notamment très bien amenée et, contrairement à ce qui se passe trop souvent lorsqu'on a affaire à des textes aussi courts, prend complètement au dépourvu. Certaines trouvailles de l'auteur méritent également le détour, comme c'est le cas de sa « machine à lecture », engin redoutable capable de juger du caractère publiable ou non de n'importe quel livre. La nature très particulière de l'auteur des lettres adressées à
Polidori ne manque également pas d'originalité et c'est avec un mélange d'horreur et de pitié que l'on découvre le récit de la vie de la pauvre et inquiétante créature. Un mot, pour terminer, à ceux qui souhaiteraient lire d'autres textes fantastiques consacrés à Byron, Shelley,
Polidori et compagnie et à qui je ne peux que conseiller l'excellent «
Le poids de son regard » de
Tim Powers ainsi que la nouvelle « Le Prométhée invalide » de
Walter Jon Williams.
Un roman très court (à peine plus de cent pages) mais habilement maîtrisé par
Federico Andahazi qui parvient à maintenir le suspens du début à la fin. Malgré le manque de sympathie éprouvé pour le personnage de
Polidori on se laisse vite prendre par l'ambiance glauque qui imprègne le récit. Une brève mais agréable découverte.