Citations sur Un soleil sans espoir (17)
Il passe une main par le col de sa chemise en laine, saisit une boussole de la taille d’une pièce de dix cents accrochée à une cordelette. Une boussole de l’armée qu’il porte depuis la guerre. Le vert olive de l’émail s’est écaillé et laisse apparaître le bord du boîtier en cuivre, mais elle marche encore. Il peut se fier à elle quand il se croit perdu. Il la maintient à l’horizontale, regarde l’aiguille tourner, osciller, se retourner et enfin s’arrêter sur le nord. Ce bon vieux nord, se dit-il. On peut compter sur le nord, avec sa glace, son vent qui mugit et ses ours polaires, ombres blanches au plus profond des bourrasques de neige.
Il va partir dans un mois et demi, dès la fin du trimestre, quand il aura remis leurs notes à ses étudiants. Ils vont lui manquer, il le sait, et ce chalet un kilomètre au nord de Boise8 aussi. En toutes saisons, Hanson arpente les collines, guettant les phénomènes météo qui arrivent du nord-ouest. Mais après trois ans comme assistant à la fac de la ville, il s’en va. Ses collègues du département d’anglais se réjouiront de son départ. Il n’a rien à voir avec eux et se demande comment il a pu penser leur ressembler. Il va reprendre le seul métier qu’il a trouvé après la guerre, un métier où l’on comprend mieux la douleur que la rhétorique. Tant pis pour la vie de l’esprit, songe-t-il en souriant. Le moment est venu de retourner à ce qu’il faisait bien.
La prise d'étranglement était maintenant illégale dans la plupart des villes. De temps en temps, très rarement, un détenu décédait de ses suites. L'oesophage gonflait, le détenu étouffait, et à moins que quelqu'un lui fasse une trachéotomie, mourrait. ... / .... Depuis peu, quand un grand costaud décidait d'en découdre, l'alternative la plus raisonnable consistait souvent à lui tirer dessus avant qu'il ne se saisisse de votre arme et vous tire dessus . ( p 106 )
Il se fiche de vivre ou de mourir. La plupart des gens le lisent dans ses yeux et se ravisent, hésitent, tentent de s'expliquer. Quant à ceux qui ne le voient pas, il a survécu si longtemps quand d'autres sont morts que sa réaction à la menace est instinctive, plus rapide que la pensée. Cette force de vie dépasse sa volonté. Certaines nuits, il sait qu'on ne peut pas le tuer. Il craint de vivre pour toujours.
Peu importe ce qui se passe, dit-il pour lui-même comme s'il était seul dans la voiture. Ça se passe. Mais les instants s'accumulent continuellement.
Hanson dirigea le regard vers le lac qui brillait. A seulement quelques centimètres de la surface planait une file de pélicans blancs. Le bout de leurs ailes effleurait l'eau. Gauches sur terre, ces oiseaux étaient gracieux lorsqu'ils volaient, avant de s'abattre lourdement en quête de poisson. Cet été-là, quelqu'un les avait capturés, avait coupé leurs longs becs à la scie à métaux, puis les avait libérés, condamnés à mourir de faim.
Pourquoi n'avait-il encore jamais remarqué cette boutique de minéraux? (...) Leur propriétaires étaient toujours des originaux aux opinions bien arrêtées, des obsessionnels maniaques, maussades, paranoïaques. Savants idiots d'un genre ou d'un autre, authentiques génies, psychotiques borderline, ils l'accueillaient toujours s'il incarnait l'hallucination qu'ils attendaient. Ils le conduisaient dans leur remise secrète, lui montraient la marchandise dans leur sous-sol, le présentaient à leur chien. Avant qu'il s'en aille, ils lui demandaient de revenir bientôt et quand il démarrait, ils lui faisaient un au revoir de la main, comme s'il partait pour une autre planète.