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Citations sur Ainsi nous leur faisons la guerre (15)

Puis dans les océans les bactéries s‘en iront créer Dieu. Les racines et les insectes font des ombres sur les terres émergées qui feront les continents qui feront les nations. Les poissons enfantent les primates qui se dressent sur leurs dix doigts pour tracer aux parois des dessins d'une beauté sans pareille. Ceux-là n’ont pas encore la sagesse que nous prêterons mais le crâne chaque jour un peu plus rond. Leurs pas ne sont pas épais des cités que nous lèverons un jour dessous le ciel. Mais déjà nous capturons les lourdes bêtes au cornes creuses et traçons des signes sur de l'argile. Nous bénissons le fer et déchaînons les sabots de nos armées. Nous rassemblons des rives et bâtissons des remparts. Nous brûlons les champs au sein desquels nous savons nous aimer en frottant nos chairs comme nous frottions la pierre. Nous élevons des empires et jetons à l’eau les voiles qui étoufferont les coeurs au loin. Nous enlaçons les peaux que nous dépeçons le soir venu et prions les saintes pour fleurir les putains. Nous chantons les amours disparues et perpétuons la race. Nous marquons au feu les humains dont nous disons qu'ils n'en sont pas. Nous couvrons d’or les quelques uns et de sueur tous les autres. Nous saisissons au col un roi pour lui demander pourquoi nous ne le sommes pas tous, roi. Nous croisons de gris le vert du vaste des forêts et raturons l’horizon de hautes fumées noires. Nous jurons que la Terre n'aura bientôt plus aucun secret.
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Car les policiers, c'est l'Etat, et l'Etat accorde force crédits aux tortionnaires.
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Ce que nombre d'entre elles comprennent, par contre, c'est que la force mâle qui meurtrit le corps des femmes et celui des bêtes est la même, que cette force dit de la femme qu'elle est une chienne et des bêtes qu'elles sont autant de biens, que cette force décrète ce qui mérite ou non de vivre et surtout à quelle place [...]
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Nous marquons au feu les humains sont nous disons qu'ils n'en sont pas. Nous couvrons d'or les quelques'uns et de sueur tous les autres.
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Alors la vache s'arrête. Il y a une butte, une rangée d'arbres maigres et des ruines. Alors six des flics l'encerclent. On dit qu'elle est à bout de souffle ; on appelle deux vétérinaires, l'un répond pas et l'autre est à la capitale ; on appelle l'homme au bâton de bois et l'homme délivre son accord. Les policiers se positionnent en rang ainsi qu'ils l'ont appris. Ils mettent en joue la bête avec leur pistolet semi-automatique. Le commissaire divisionnaire donne le signal. Les doigts pressent les queues de détente et un déluge de feu. Soixante-dix balles pénètrent le dedans de l'animal, sa chair vive est chaude.
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Je les aime, mes bêtes, c'est ainsi que l'homme au bâton de bois parle. Mais peut-être la bête n'avait-elle pas saisi la singularité de cet amour : on vous aime et puis, un jour, on vous conduit à l'abattoir de la ville avec votre gamin.
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La police a sur la richesse des yeux qui n'ont pas prétention à l'objectivité.
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Avant de déployer ses pattes et de se précipiter sur le sol dur, la bête n'avait pas à l'esprit que d'autres hommes l'auraient, une fois parvenue à sa destination initiale, séparée de ce petit qu'elle a porté neuf mois ; qu'elle aurait été entassée dans l'attente d'être tuée auprès des siens ; qu'elle aurait été conduite, en file, angoisse et cris, vers un dispositif de contention et aurait très certainement reçu des décharges électriques, sur le flanc, la patte, la tête, qui sait ; qu'un pistolet à tige perforante, placé en position perpendiculaire, aurait propulsé une cartouche sur son os frontal, lui détruisant une partie du cerveau ; qu'elle aurait perdu connaissance, en cas de succès, et se serait affalée ; qu'elle aurait gardé ses esprits, dans le cas contraire, lequel ne relève en rien de l'exception ; qu'elle aurait été suspendue par l'une des pattes arrière à la chaîne d'abattage, la tête dans le vide, par un type qui doit nourrir ses gosses et boit pour oublier qu'il doit les nourrir de la sorte - et puis on s'habitue, on s'habitue à tout, on ne fait bientôt plus rien que faire, on fait du soixante vaches à l'heure, on fait du du quatre-vingt-dix veaux à l'heure ; qu'un autre type qu'on appelle opérateur, c'est un mot comme un autre, opérateur, ça ne sent pas la barbaque au moins, que ce type-là lui aurait sectionné les veines jugulaires, étourdie ou consciente, et l'aurait vidée de la moitié de son sang ; qu'on l'aurait dépouillée au couteau, ou au moyen d'on ne sait quelle machine encore, pour vendre sa peau une fois traitée puis produire des godasses et des sacs ; qu'un autre type encore aurait tranché sa tête, ôté ses viscères, sectionné sa langue, que son corps aurait été fendu en deux à la scie électrique ; qu'on l'aurait émoussé, ce corps, ce qui signifie en clair qu'on aurait ôté le gras de surface ; qu'on aurait pesé ce qui aurait pris le nom de carcasse avant de la contrôler, de la tamponner puis de la placer dans un local frigorifique - affaire de maturer ; qu'elle aurait fini dispersée, disséminée, éparpillée, sous des films plastiques, à la carte d'un restaurant ou entre des tranches de pain ; bref, la bête ignorait, à l'instant de sauter, qu'elle aurait dû être réduite en bouillie dans nos intestins grêles et finir au fond des chiottes.
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Il est extrêmement difficile de la confiner, mais la bête ne l'entend pas en effet, elle ne veut pas qu'on la reprenne, son gros corps rouge orange le dit, sa tête à cornes fumant dans l'hiver finissant le dit, le sombre, l'étriqué et l'inconnu de la remorque, non, elle ne veut pas qu'un humain lui mette à nouveau la main dessus, non, elle ne veut pas de sa sagesse, de son génie, de ses éclats de rire, sûr qu'elle n'a que faire de la peinture à l'huile du bon Dieu de la pile à combustible, sûr qu'elle n'a pas inventé le fibre nylon ni le code-barres ni ce monde au sol gris, sûr qu'elle ne sait pas qu'un type du nom de Kant a lancé que les bêtes comme elle n'ont nulle conscience d'elles-mêmes, qu'elle ne sait pas qu'un type du nom de Hegel a écrit que sa voix est vide de sens, qu'elle ne sait pas qu'un type au nom imprononçable a dit qu'elle ne dit rien, sûr, oui, qu'elle ignore tout de ces pensées bien troussées bien ordonnées bien alignées sur du papier : elle sait seulement en cet instant, ses sabots martelant le bitume, qu'elle s'échappe et qu'on veut l'en empêcher.
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Faire le mal pour soigner le mal.
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