Citations sur Les événements aléatoires (88)
Ses efforts pour sortir du marasme n’avaient pas porté leurs fruits ; sa terre était stérile, rien de fécond ne pouvait jaillir d’une âme martyrisée par l’amertume. Il était dans la situation du drogué auquel on retire sa dose : il avait fait une crise de manque.
Tout allait de travers. Ses efforts pour reconstruire une autre vie étaient réduits à néant. Il traversait une mauvaise passe et Sonia qui ne rentrait toujours pas. L’attente fut longue et navrante. Si son corps allait à vau-l’eau, son esprit fonctionnait encore un peu. Il se rappela ce patient qui souffrait de maux de dos épouvantables. Personne ne trouvait d’où venait sa douleur. Il lui avait prescrit alors toute une batterie d'examens.
En tant que médecin, il savait que les troubles psychiques pouvaient attaquer le physique comme le ferait une maladie ou un virus. Il avait posé le diagnostic, il était extrêmement lucide quant à la manifestation des symptômes dont il souffrait, mais ça ne les arrêtait pas pour autant.
Elle l'imaginait comme une sorte de Phénix. Mais John était un homme de chair et de sang avec une mémoire et des sentiments. Il n’allait pas renaître inopinément de ses cendres comme si de rien n’était, comme si rien n'avait eu lieu.
Il ne faut jamais désespérer, mes amis, il faut garder la foi en toutes circonstances, car Dieu ne vous abandonnera pas. Soyez patients et ayez confiance, votre heure viendra et il faut que vous soyez prêts pour ne pas la laisser filer…
…John et Sonia, je bénis votre union et vous déclare mari et femme. »
Il voulait éviter qu’on lui parle d’elle, que l’on compare, qu'on le juge de se remarier aussi vite. La bienséance aurait nécessité encore plusieurs années de solitude et il se sentait encore trop faible pour se donner en pâture à la foule des convives.
Il était euphorique et fier d’avoir réussi à dépasser le cap du désespoir. Il passait de longues soirées avec elle et c’était à chaque fois un plaisir exquis. Il n’en voulait plus à la providence : elle s’était rachetée en lui envoyant Sonia. Il se croyait heureux et il l’était, si l’on considère qu’une suite de moments agréables puisse suffire, il détenait la palme du bonheur.
Le désir qui avait complètement disparu de son horizon réapparut violemment et il l’embrassa avec l’avidité d’un homme dont la virilité endormie depuis de longs mois explosait. Il ressentit un plaisir décuplé par une si longue abstinence.
Elle bondit comme un chat qui aurait aperçu une proie délectable, surprise dans son sommeil. Pendant qu'il la raccompagnait, Sonia était montée dans sa chambre (elle dormait dans la suite des invités) se remettre de ses émotions, enfiler une nuisette et réfléchir à l'étrange question.
Il m'offre une bague sublime et n'a jamais essayé de m'embrasser. Pourquoi tant de mystère, est-ce que je lui plais vraiment ? Et s'il attendait autre chose de moi. Mais quoi ?
Et puis, quand on ne sait pas quoi dire il suffit de faire parler l'autre, se dit-il, la technique est infaillible, les gens adorent se raconter.