Citations sur Le ciel par-dessus le toit (140)
Mais la vérité est autre. Elle prend la forme d’une migraine qui l’assaille depuis l’aube, depuis qu’elle a appris ce que Loup avait fait et quand elle frotte et frotte les assiettes jusqu’à en casser une, c’est l’intérieur de sa tête qu’elle souhaiterait briquer en réalité.
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C’est un monde qui commence quand vous avez un proche en prison. Elle apprend de nouveaux mots : numéro d’écrou, cantiner, PJJ, et ceux qu’elle connaissait avant se transforment : parloir, greffe, linge.
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… quel scandale demanderait forcément un nouveau venu et on lui raconterait l’histoire de la petite Éliette si belle qui chantait si bien et qui a perdu la tête, pété les plombs, disjoncté, déraillé, pauvre petite fille hospitalisée en psychiatrie pour sa violence, oh oui c’était violent, elle criait dans le micro, elle s’est laissée tomber comme une bûche, elle se débattait comme une folle…
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Ici (le parloir) est l’endroit où le dehors côtoie le dedans, où les envies ne sont jamais assouvies, les choses jamais entièrement dites et celles-ci restent là, sur les murs, dans l’air.
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Elles imaginent ce que c'est que de dormir en taule à dix-sept ans mais personne, vraiment, ne peut imaginer les soirs dans ces endroits-là.
On dit arrivant, on dit quartier mineurs, on répète son numéro d'écrou et il y a tant de portes, tant de dédales. C'est une ruche avec des dizaines d'alvéoles reliées les unes et les autres par une grille ou une porte. Il ne faut pas croire que tous les endroits d'enfermement dans ce pays ont des portes électroniques qui s'ouvrent avec un buzz, un bip, un clic. Ici, ce n'est pas un endroit qui veut faire croire qu'il est autre chose qu'une prison. Ici, il y a les cris de ceux qui sont enfermés et de ceux qui les surveillent, il y a l'écho mélangé de ces cris qui bondit sur les murs, il y a le bruit du trousseau de clés à la ceinture, de la serrure, du système de verrouillage, la porte qui s'ouvre puis claque, les bottes, le grésillement des voix dans les talkies.
Parfois, on aimerait savoir, n'est-ce pas, la nature exacte des paroles: leur poids sur les âmes, leur action insidieuse sur les pensées, leur durée de vie, si elles sucrent ou rendent amers les coeurs.
Parfois, on aimerait savoir, n'est-ce pas, la nature exacte des paroles: leur poids sur les âmes, leur action insidieuse sur les pensées, leur durée de vie, si elles sucrent ou rendent amers les cœurs. Iront-elles se loger quelque part dans le cerveau et un jour, on ne sait ni pourquoi ni comment, réapparaître ? Auront-elles un effet immédiat et déclencher colère, tristesse, stupeur ? Seront-elles incomprises, confuses?
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Et c’est vrai que la peur était apparue quand il était sorti de l’autoroute et après c’est le juge qui le dit le mieux : à contresens, carambolage, accident grave évité de justesse, refus de suivre les gendarmes, tentative de fuite à travers champs.
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Le docteur Michel est là ! Avant, il aurait trouvé tout cela un peu pathétique mais maintenant, il devait se rendre compte que c’est bien ici, avec ces gens-là, les pauvres, les réfugiés, les sans paroles, les mères célibataires, les alcooliques, les drogués, les moins que rien, les chutés, les tombés, les mal nés, les accidentés, qu’il se sentait vraiment utile.
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