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EAN : 9782072858604
128 pages
Gallimard (22/08/2019)
3.73/5   645 notes
Résumé :

Phénix, mère de famille au passé douloureux, élève seule ses enfants avec froideur et distance. Sa fille Paloma quittera le domicile dès qu’elle le pourra. Loup, le cadet, décide un jour de prendre la voiture pour retrouver sa sœur et provoque un accident qui lui vaut d’être enfermé dans une prison pour enfant. La mère et la fille vont devoir reprendre contact pour libérer Loup.

«Sa mère et sa sœur savent que Loup dort en prison,
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Critiques, Analyses et Avis (193) Voir plus Ajouter une critique
3,73

sur 645 notes
°°° rentrée littéraire 2019 #32 °°°

125 pages seulement.

125 pages d'extraordinaire délicatesse pour raconter une famille cabossée.

125 pages oxymoriques où la noirceur côtoie la poésie, la douleur la poésie. Une douceur ouatée déchirée de rudesse pour plonger dans l'intime d'un triangle familial. Natacha Appanah tisse à partir de lambeaux de vie de chacun un texte incroyablement lumineux qui garde jusqu'au bout une ligne claire, vivante et elliptique.

D'abord il y a la mère, Eliette devenue Phénix, le personnage le plus déchirant : les passages qui éclairent sur les traumatismes vécues durant son enfance m'ont secouée, bruts, crus, d'autant plus terribles qu'ils l'accompagnent adulte puis mère, la déchirent toujours et se transmettent à ses enfants, inéluctablement, irrémédiables dégâts qui s'en suivent.

Paloma, la fille aînée, qui a décidé que pour vivre il fallait qu'elle fuit le plus loin possible de cette mère en souffrance, quitte à abandonner son petit frère et à être torturée par les affres de la culpabilité.

Le fils, le frère, Loup, adolescent étrange et décalé, emmuré dans ses détresses. le choc de son incarcération reconstitue le trio, avec peut-être la résilience au bout, peut-être un horizon moins sombre, peut-être.

Et quelle écriture ! Eblouissante. Il n'y a pas un mot de trop, aucune phrase banale pour meubler. Juste de l'humain qui vibre et bruisse de toute la palette des émotions, comme dans cette scène où la mère et la fille se retrouvent après dix ans sans se voir, pour rendre visite à Loup :

« Il y a ce regard échangé de loin. C'est la mère qui avance vers la fille parce que cette dernière est pétrifiée – par cette beauté, par cette vague d'motions qui l'atteint, par le poids de ces dix années, par la difficulté ) être m'enfant de sa mère – et toujours le coeur qui bat, le ventre qui tourne, l'esprit qui se débat pour trouver les mots qui conviennent, mais en réalité c'est autre chose qui prend le dessus et ça ressemble à un début, à quelque chose qui s'ouvre et qui offre on en sait quoi, on en sait pas encore comment mais on espère que ça ressemblera à de la tendresse et, pour l'instant, ça leur suffit. »

« Il était une fois » commence ce roman, comme un conte atemporel et universel sur la famille, la filiation, l'hérédité de la transmission des traumatismes. « Il était une fois » le conclut de façon puissance et vibrante comme un hymne à la vie, aux possibles.

Bouleversant.
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Nathacha Appanah débute son dixième roman, le ciel par-dessus le toit, titre qui fait référence au poème de Verlaine, comme un conte, par Il était une fois. Et il s'agit en effet d'un conte familial à la fois noir et violent mais qui laisse une porte ouverte à l'espoir.
Loup est un adolescent hyper sensible qui vit seul avec sa mère, traumatisé par le départ de sa soeur Paloma, il y a dix ans. En essayant de la rejoindre, Il va provoquer un accident de voiture et comme, il n'a pas le permis et qu'il tente de s'enfuir à l'arrivée des gendarmes, il va être incarcéré.
Pour chacun des personnages, des souvenirs douloureux vont remonter en surface. On apprend notamment qu'Éliette, la mère, a abandonné son prénom pour Phénix, afin de tenter d'effacer les traumatismes vécus pendant son enfance et son adolescence et ainsi survivre. Pour ne pas retomber dans le même schéma, il lui est difficile d'éduquer ses propres enfants.
Ce n'est qu'après l'emprisonnement de Loup, court mais extrêmement traumatisant, que cette famille brisée par le silence va petit à petit s'épanouir et pouvoir exprimer l'amour retenu jusque-là, et ceci de manière très progressive. En effet, pour venir en aide à Loup, Phénix et Paloma vont devoir renouer des relations.
Les sentiments qu'éprouve cette mère pour ses enfants, Nathacha Appanah va nous les dévoiler avec beaucoup de poésie, de sensibilité et de façon très sobre. Ce roman nous révèle les difficultés que peuvent revêtir les relations parents-enfants mais surtout le besoin d'amour de chacun.
L'auteure décrit très bien, de façon puissante et impitoyable la vie en prison et les traumatismes que peut provoquer l'enfermement, davantage encore chez les êtres sensibles, mais ne le sommes-nous pas tous ?
C'est un roman bref, d'une grande douceur mais aussi d'une grande noirceur qui m'a laissé un petit sentiment d'inachevé.

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Nathacha Appanah reste et restera pour moi le très beau « La noce d'Anna ». Depuis, je me sens larguée dans ses romans et celui-ci ne déroge pas.

Une histoire certes lyrique et onirique à souhait sur une famille monoparentale en décomposition mais qui ne m'a pas séduit. Trop de flashbacks, d'ellipses, de clichés, de va-et-vient temporel, pour une histoire sans grande surprise mais rendue alambiquée faute à un surplus de figures de styles.

3 étoiles pour le phrasé qui est doux et recherché pour un roman qui à mon sens aurait gagné en qualité avec un peu plus de transparence. Si peu qu'on manque d'attention et de concentration ce roman devient bien trop ardu pour en savourer sa qualité littéraire.
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Roman très spécial, le ciel par-dessus le toit, titre emprunté à Verlaine, prouve, s'il était nécessaire, tout le talent, toute la beauté de l'écriture de Nathacha Appanah, une écrivaine que j'avais beaucoup aimée en lisant Tropique de la violence.

Pour ce nouveau roman, elle s'appuie sur ce que l'on nomme habituellement un fait divers : un accident qui aurait pu être dramatique. Un jeune homme de dix-sept ans, Loup, a conduit la voiture de sa mère sur l'autoroute, pris une bretelle à contresens, causé un carambolage et pris la fuite à l'arrivée des gendarmes.
Voilà que ce garçon, arrêté, est mis en détention par un juge. La prison comme unique solution ! Je m'interroge sur les dégâts irréversibles causés sur un être humain en pleine formation : enfermement, quartier mineurs, du bruit tout le temps, la promiscuité… traumatisé à vie.
Il est évident que Loup a besoin d'amour, de l'amour de sa mère et surtout de celui de Paloma, sa soeur, partie du foyer depuis dix ans, qu'il n'a plus revue et qu'il tentait justement de rejoindre en voiture.
L'auteur prend alors le temps de présenter la mère de Loup, Phénix, qui s'appelait, enfant, Éliette, sorte de petite fille modèle, élevée comme un poupée, mise en avant, exhibée alors qu'elle souffre de cette enfance qu'on lui vole. À onze ans, elle a brisé ce carcan, vécu sa vie mais que de dégâts irréversibles !
Nathacha Appanah a le mérite de montrer tout cela par petites touches, avec une écriture pleine de sensibilité, faisant mouche si nécessaire ou créant tout simplement une ambiance qui en dit plus long que tous les grands discours. Elle a même su, parfois, écrire le silence. Quelques passages sont d'une haute qualité, très beaux comme la scène de l'accouchement de Phénix ou quand le grand-père attend sa petite-fille à la gare.
Bref roman, le ciel par-dessus le toit a été, pour moi, un moment émouvant de lecture, bouleversant parfois. J'avais écouté Nathacha Appanah parler de son nouveau roman aux Correspondances de Manosque et j'ai été très heureux de pouvoir le lire, roman qui montre les fossés pouvant se creuser entre les générations, les écarts entre la mémoire d'un père et celle de sa fille. Quand Phénix, Paloma et Loup, à des époques différentes, n'ont qu'une solution, partir, il faut se poser beaucoup de questions et tout faire pour tenter de recoller les morceaux de vies brisées par trop comme par manque d'amour.


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Que dire d’un ciel immense qui s’échappe, une vie humble a autant besoin de ciel que les autres, de la lumière, un chemin pour savoir où on est et où aller. Le ciel par-dessus le toit est un magnifique roman écrit par Nathacha Appanah, il évoque par son titre ce très beau poème de Paul Verlaine ; j’ai appris que Verlaine l’avait écrit en prison, lorsqu’il tenta de tuer son amant Arthur Rimbaud.
« Le ciel est par-dessus le toit, si bleu si calme ! ».
C’est à quelque chose près le décor que nous découvrons de cette famille ordinaire, presque comme les autres.
Le roman, cependant, démarre dans la cellule d’une maison d’arrêt. Comment comprendre ce qui a amené celui qui est ici, Loup, un enfant presque encore.
« Un arbre par-dessus le toit berce sa palme ».
Nous découvrons ce fait divers presque anodin qui conduit Loup en prison, mais l’auteure nous amène à découvrir à travers ses propres mots ce qui l’a amené à cela, remonter le chemin dans l’autre sens.
Justement, revenons un peu en arrière, lorsque la mère de Loup était encore une enfant, une petite fille, elle s’appelait alors Éliette. Plus tard elle changera de nom, devenant Phénix, comme une être ressuscitée ou qui veut tout simplement rayer d'un trait l'autre pan de sa vie.
Plus tard elle aura deux enfants, Paloma et Loup.
« La cloche, dans le ciel qu’on voit
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte ».
Il y a cette scène d’entrée, la petite fille idéale, qui chante très bien, qui joue à chaque fois son rôle de petite fille modèle, de poupée à la perfection, docile parmi les autres, elle chante admirablement bien, fait la fierté des siens des autres, et puis brusquement sur cette scène de repas de Noël, c'est le repas de Noël de l'entreprise où travaille son père, au lieu de chanter, c’est un cri qui sort d’elle, c’est même plus qu’un cri, c’est quelque chose de plus profond, de viscéral, de guttural, d’effroyable, quelque chose qui ressemble aux ténèbres, à la nuit, au vide. Quelque chose qui l’entraîne en hôpital psychiatrique. Un lieu carcéral. Déjà...
Le cœur de Loup s’emballe souvent. C’est un enfant dont le cœur est comme cela, un cœur qui s’emballe, il a sans doute de bonnes raisons. Parfois certains enfants ne savent pas distinguer le réel de l’imaginaire. Loup est de ces êtres totalement fragiles.
Loup n’a qu’une seule obsession, retrouver sa sœur Paloma, quitte à rouler à contre-sens sur cette entrée d'autoroute, ce qui lui vaudra de se retrouver devant un juge... Loup n'a peut-être jamais su trouver les bons chemins, prendre les bonnes directions...
Et cet oiseau qui chante sa plainte, qui est-il ? La mère ? Paloma, la sœur de Loup qui cherche à protéger celui-ci, à le retrouver ? ou bien Loup lui-même ?
« Mon Dieu ! Mon Dieu ! La vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville ».
Il y a quelques temps, j’ai découvert que Paul Valéry avait une définition originale de l’inspiration et l’accordait non pas à l’auteur mais au lecteur. J’adore cette idée.
Rebondissant sur cette idée, je me suis pris d’empathie pour ce récit. J’ai aimé la poésie qui se dégage de cette très belle écriture, douloureuse forcément mais apportant une infinie douceur. C’est sans doute, je crois, la magie de ce texte...
Les personnages de ce roman semblent en retrait, silencieux, absents de ce qui les anime.
Phénix, reconvertie à la vie, ne veut surtout pas reproduire ce qu’elle a vécu lorsqu’elle était enfant. Ses enfants sont libres, elle les laisse libres, ainsi.
J’ai adoré ce livre, cette ambiance que je viens de décrire m’a totalement emporté, ému aussi.
Mais derrière la poésie de l'écriture viennent aussi des questions douloureuses, l'enfance meurtrie, maltraitée, les non-dits, l'indifférence, ce trop plein d'amour ou pas assez qui peut déjà tout décider de ce qu'adviendra la vie d'après.
" Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà
De ta jeunesse ? "
Peut-être que le ciel par-dessus les toits,
le ciel derrière les murs, les barreaux des prisons,
le ciel derrière nos peaux, nos coeurs,
nous éclairent et nous engloutit à la fois.
Parfois les liens du coeur peuvent transcender les blessures de l'enfance. Il suffit alors d'une écriture, celle d'un livre, d'une auteure, notre émotion qui vient à sa rencontre, pour rendre le ciel si bleu si calme.
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critiques presse (7)
Bibliobs
17 décembre 2019
En 120 pages, la romancière de « Tropique de la violence » confirme son tropisme pour les victimes de l’existence, sans pour autant ignorer le mal qu’elles peuvent se faire entre elles. Avec son titre emprunté à un vers écrit en prison par Verlaine, « le Ciel par-dessus le toit » est un roman social sans sociologie, mais plein d’humanité. Et même, souvent, de poésie.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
14 octobre 2019
Dans « Le Ciel par-dessus le toit », l’écrivaine délaisse Maurice, son pays d’origine, pour la Normandie. Mais pas ce qui fait la force de son œuvre, telle, entre autres choses, la hantise de l’univers carcéral.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
10 octobre 2019
Ce roman de Nathacha Appanah est une fable poignante sur l’enfermement et sur l’espérance. A mots rares, à mots justes, elle raconte des vies entravées et des lignes de fuite. Des douleurs cadenassées qu’un cri libère, des instants de courage fou, des hoquets du cœur. C’est triste et doux. Saisissant. Envoûtant.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Actualitte
13 septembre 2019
Ce roman bouleverse par toute la poésie et la douceur qui s'en dégagent malgré les liens étranges qui unissent cette famille. On éprouve beaucoup de tendresse et d'attachement pour tous, chacun se débattant comme il peut avec ses traumatismes, sa poésie, sa rudesse sous l'écriture bienveillante de Natacha Appanah.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeFigaro
12 septembre 2019
Avec ce texte magnifique, Nathacha Appanah n’a jamais été aussi ­proche de la poésie qu’elle porte dans son œuvre. Le roman d’une famille cabossée. Un texte lumineux sur l’enfermement.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeJournaldeQuebec
10 septembre 2019
Une écriture magnifique et une histoire émouvante. C’est ce que nous réserve le tout nouveau Nathacha Appanah.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaCroix
23 août 2019
Une plume légère, colorée, empathique, compréhensive, inquiète, jamais agressive. Un roman plongé dans les marges de la société, dans les silences qui pèsent trop lourd, au plus près de vies au bord de la survie.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (140) Voir plus Ajouter une citation
Bon sang, comment faut-il la mener cette putain de vie pour qu'elle ne vous morde pas au quotidien ? Phénix avait pourtant fait tout le contraire de ses parents, eux qui lui disaient tout le temps d'être comme ci comme ça, de chanter, de sourire. Elle n'a pas fait ça, elle n'a pas décoré leur chambres de posters roses et bleus, elle ne les a pas déguisés, elle ne les a pas offerts à tous les regards, elle n'a pas acheté des poupées et des jolies robes pour les costumer, elle leur avait donné des prénoms de fauve et d'oiseau, elle leur avait donné des griffes et des ailes mais ça n'avait servi à rien. Ses enfants étaient pétris de sentiments, ils étaient chétifs, peureux, ils avaient peur de la maison, ils avaient peur du creux dans le jardin, ils avaient envie d'être pris dans les bras, qu'elle dise des mots d'amour, et quand elle a repensé à ses parents, à celle qu'elle avait été, à ce qu'elle avait traversé, tout était tissé serré bien serré autour d'elle, comme une toile d'araignée, et jamais elle n'a été aussi empêchée, emprisonnée, captive.
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On dit arrivant, on dit quartier mineurs, on répète son numéro d'écrou et il y a tant de portes, tant de dédales. C'est une ruche avec des dizaines d'alvéoles reliées les unes et les autres par une grille ou une porte. Il ne faut pas croire que tous les endroits d'enfermement dans ce pays ont des portes électroniques qui s'ouvrent avec un buzz, un bip, un clic. Ici, ce n'est pas un endroit qui veut faire croire qu'il est autre chose qu'une prison. Ici, il y a les cris de ceux qui sont enfermés et de ceux qui les surveillent, il y a l'écho mélangé de ces cris qui bondit sur les murs, il y a le bruit du trousseau de clés à la ceinture, de la serrure, du système de verrouillage, la porte qui s'ouvre puis claque, les bottes, le grésillement des voix dans les talkies.
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La jeune femme tatouée fait elle-même tout le travail. Le temps, la médecine et le progrès n'existent pas, elle pourrait être dans une cave, sur une plage déserte, elle pourrait être la toute première femme au monde, qu'importe, elle se cambre, s'accroupit, pousse, respire, et tout son corps est animé de contractions qui font comme des vaguelettes sous la surface de sa peau.
Elle devient une mer travaillée de l'intérieur et derrière elle, à côté d'elle, le docteur Michel ne fait que regarder et asseoir son impuissance. Il est fasciné par ce retour d'instinct, il est aimanté par le dragon qui semble se réveiller, écaille verte après écaille verte, flammèche rouge après flammèche rouge. Bientôt, pense-t-il moitié émerveillé, moitié effrayé, cette jeune femme au visage si parfait ne va faire qu'un avec le dragon et, oui, bientôt elle crie comme l'autre crache des flammes au croissant de son épaule droite, elle se redresse et, de ses deux mains, elle attrape le petit garçon qui glisse hors d'elle.
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Il était une fois un pays qui avait construit des prisons pour enfants parce qu’il n’avait pas trouvé mieux que l’empêchement, l’éloignement, la privation, la restriction, l’enfermement et un tas de choses qui n’existent qu’entre des murs pour essayer de faire de ces enfants-là des adultes honnêtes, c’est-à-dire des gens qui filent droit.
Ce pays avait heureusement fermé ces prisons-là, abattu les murs, promis juré qu’il ne construirait plus ces lieux barbares où les enfants ne pouvaient ni rire ni sangloter. Parce que ce pays croit en la réconciliation du passé et du présent, il a gardé un portail d’entrée pour que se souviennent ceux qui s’intéressent à ces traces-là, qui croient aux fantômes et aux histoires qui ne meurent jamais. Pour les autres, c’est l’entrée d’un beau square, en pleine capitale, et ils viennent s’y promener, s’y reposer, admirer le ciel ouvert, si bleu, si calme. Ils viennent en famille, avec leurs propres enfants et c’est aussi ça, ce pays, un jardin sur des anciennes larmes, des fleurs sur des morts, des rires sur des vieux chagrins.
Plus tard, parce que toujours ont existé les enfants récalcitrants, les enfants malheureux, les enfants étranges, les enfants terribles, les enfants qui font des choses terribles, les enfants tristes, les enfants stupides, les enfants qui n’ont jamais eu d’amour, les enfants qui ne savent pas ce qu’ils font, les enfants qui ne font qu’imiter ce que font les grands, ce pays a trouvé d’autres moyens pour les guérir, les redresser, les corriger, les observer, afin qu’ils deviennent des adultes à peu près corrects, c’est-à-dire des gens qui pourraient aller se promener dans des jardins, sous un ciel ouvert, bleu et calme. 
Mais toujours et encore, il y a les murs qui entourent, qui séparent, qui aliènent, qui protègent et qui ne guérissent pas les cœurs. Il y a les gens dehors, les gens dedans, histoires toutes tracées, histoires de déterminisme, accidents, hasards, la faute à pas de chance, coupables, innocents, et voilà ce monde, à nouveau, qui se dessine tel un tableau abstrait où il est difficile de trouver un visage ami, un être cher, de s’accrocher à un sentiment connu, une couleur préférée. 
Il était une fois, donc, dans ce pays, un garçon que sa mère a appelé Loup. Elle pensait que ce prénom lui donnerait des forces, de la chance, une autorité naturelle, mais comment pouvait-elle savoir que ce garçon allait être le plus doux et le plus étrange des fils, que telle une bête sauvage il finirait par être attrapé et c’est dans le fourgon de police qu’il est, là, maintenant, une fois cette page tournée. 
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… quel scandale demanderait forcément un nouveau venu et on lui raconterait l’histoire de la petite Éliette si belle qui chantait si bien et qui a perdu la tête, pété les plombs, disjoncté, déraillé, pauvre petite fille hospitalisée en psychiatrie pour sa violence, oh oui c’était violent, elle criait dans le micro, elle s’est laissée tomber comme une bûche, elle se débattait comme une folle…
(page 51)
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Vidéo de Nathacha Appanah
Nathacha Appanah était présente pour présenter son nouvel ouvrage : La mémoire délavée paru aux éditions Mercure de France. le roman s'ouvre par un magnifique vol d'étourneaux. Un vol au premier abord innocent mais dont le murmure dans une langue secrète fait écho à toutes les migrations et surtout à celle d'aïeux, partis d'un village d'Inde en 1872 pour rejoindre l'île Maurice. L'autrice traverse alors la mémoire de sa famille. le centre de l'ouvrage est marqué par un magnifique hommage à son grand-père qui travaillait dans un champ de cannes.
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