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Critique de glegat


Nous sommes au siècle des Lumières dominé par l'idée selon laquelle le progrès et la raison doivent contribuer au bonheur des hommes. Dans tous les salons où se retrouvent les intellectuels de l'époque, on reprend peu ou prou ce credo, en se donnant des allures de prophètes. C'est alors qu'en 1750 l'académie de Dijon met au concours le sujet suivant : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les moeurs ».

Un candidat de 38 ans, fils d'horloger et vaguement copiste de musique se porte candidat. Il crée la surprise en présentant un texte iconoclaste à contre-courant de l'opinion admise. Il porte le débat sur l'opposition entre sciences et vertu, « les sciences et les arts ont corrompu les hommes » dit-il. cet inconnu se nomme Jean-Jacques Rousseau, son texte est couronné par l'académie, il va devenir l'un des plus célèbres penseurs de son temps.

Rousseau appartient au groupe des philosophes des lumières dans la mesure où il a collaboré à l'Encyclopédie de Diderot en y exprimant des idées révolutionnaires, mais il était aussi à contre-courant de la confiance de son époque dans le progrès. Il s'est en particulier opposé à Voltaire et a fini par se brouiller avec Diderot.

Encore une fois ce volume de la collection RBA m'a apporté toutes les informations que je souhaitais pour initier une approche ultérieure plus approfondie du sujet. Dans un volume restreint, tout est dit, la chronologie, les principales idées, les éléments biographiques, l'analyse des principales oeuvres et le tout accompagné d'un glossaire apportant la définition des termes clés utilisés dans le texte. Lecture toujours aussi agréable d'un texte bien documenté. La synthèse de ce volume est facile à faire ce qui prouve que le texte est cohérent et bien structuré.

Parmi les principales idées, j'ai retenu : « Rousseau s'oppose au concept de progrès accepté par les philosophes des lumières, et formule une critique acerbe des sciences et des arts, dans lesquels il voit les moteurs de la décadence humaine » (Page 9).

« Les positions de Rousseau font de lui un penseur à part dans la philosophie du XVIIIe siècle, à la fois représentant du mouvement des lumières et critique déterminé de certains de ses principaux concepts » (Page 9).

Rousseau est né à Genève en 1712, son père est horloger, sa mère meurt des suites de l'accouchement. Il reçoit une bonne éducation jusqu'à l'âge de 10 ans. En 1722 son père doit quitter Genève suite à un litige avec un homme fortuné. Jean-Jacques est ballotté d'un endroit à l'autre, d'abord confié à son oncle puis à un pasteur. Il découvre la campagne et la nature, un milieu dans lequel il s'épanouit. Quelques années plus tard, il entre comme apprenti chez un graveur. À 16 ans il part seul, il est recueilli par un curé de village qui le recommande à sa future protectrice Mme de Warrens (1699-1762). Pour gagner sa vie il commence à enseigner la musique. En 1742 il s'éloigna de Mme de Warrens et partit à Paris avec 15 louis en poche. Il y rencontre Diderot et est engagé comme précepteur du fils de Madame Louise Dupin qui tient un salon littéraire. Il se lie avec Thérèse Levasseur une modeste couturière avec laquelle il aura 5 enfants tous placés à l'hospice des enfants trouvés (faute d'argent pour les élever dira-t-il pour se justifier.

Il travaille à des articles de l'Encyclopédie pour son ami Diderot. C'est sa participation au concours de l'académie de Dijon qui lui permettra de se faire connaître. Après cette publication qui eut un retentissement considérable, il fut la cible de nombreuses critiques de la part de certains encyclopédistes convaincus que le progrès des sciences et techniques affermissait le bonheur.

Pour mettre sa vie en conformité avec ses idées Rousseau recherche d'abord l'indépendance financière et devient copiste de musique. Pour ne pas être lié à des obligations serviles, il refuse l'année de pension offerte par le roi. Peu après il quitte son poste auprès du receveur des impôts Dupin, puis il s'éloigne de Paris pour s'installer à l'Ermitage, une humble maison de la vallée de Montmorency, que lui prêtait son amie Madame d'Epinay.

Pour Rousseau c'est le progrès matériel et la propriété qui sont les facteurs de l'inégalité parmi les hommes. En somme, le progrès matériel n'est pas synonyme de progrès moral. C'est un philosophe dont le mode de vie et la pensée rejoignent celle des philosophes antiques comme Platon ou Sénèque. Il vit simplement, proche de la nature, et ne cherche pas à bâtir un système, mais propose des règles de vie pour améliorer le sort de l'homme. Il est opposé à Hobbes qui assure que l'homme, dans l'état de nature, est mauvais et égoïste. Rousseau rejette cette vision.

En matière d'éducation il préconise une formation en contact avec la nature, qui privilégie l'expression des sentiments sur les savoirs théoriques. le fait d'avoir abandonné ses propres enfants lui fut beaucoup reproché surtout lorsqu'il a publié son traité de l'éducation « l'Émile ». Il en était conscient et avait des remords. Il a tenté de justifier son attitude en prétendant que justement c'est en méditant sur sa faute qu'il a écrit son traité de l'éducation. Dans son livre Rousseau fait des recommandations en avance sur son temps. Pour les enfants très jeunes, il propose de supprimer la mode de l'emmaillotage qui empêche l'enfant de se mouvoir. Il faut lui laisser le plus possible la liberté de son corps et le placer au sein de la nature. Il préconise l'allaitement par la mère et non par une nourrice. Pour lui, le rôle de l'éducation n'est pas de préparer les hommes à une profession, mais à leur enseigner à vivre. Il propose une pédagogie active, participative, loin du savoir abstrait et basé sur l'observation de la nature. L'élève doit être conduit à connaître les choses par lui-même. L'objectif est de guider le jeune homme, à travers sa propre expérience.

En matière de religion Rousseau est contre les cultes officiels auxquels il reproche l'abondance d'éléments fantaisistes dans leurs croyances [les miracles par exemple]. Il propose une « religion naturelle » dépourvue de dogmes et purement spirituelle.

Quant à l'éducation des femmes, Rousseau n'est pas très innovant. Selon lui la femme doit recevoir une éducation en lien avec ses futurs devoirs d'épouse et de mère. de ce point de vue il reste parfaitement en phase avec la société patriarcale de son époque. Toutefois, il affirme que la sujétion de l'épouse à son mari ne doit en aucun cas être imposée, mais le résultat d'un libre consentement.

Le but de Rousseau est de former un sujet doté d'un jugement indépendant, capable d'accepter la nécessité des choses, mais pas l'arbitraire des hommes. Ce discours subversif lui vaudra des reproches de la part des autorités politiques et religieuses. Ainsi plusieurs de ses livres furent interdits, ce qui probablement renforça son sentiment d'être une victime poursuivie injustement. Mais ce n'était pas qu'une impression puisque le clergé réclamait réellement son emprisonnement, pour échapper à ces menaces il quitte la France et se réfugie en Suisse. Commence alors une vie d'errance entre de nombreux refuges d'ou il était régulièrement expulsé. Finalement il retourne en France où il vécut jusqu'à sa mort.

Un moment sous la protection du philosophe David Hume, son délire de la persécution provoque la rupture et Hume confiera ses impressions à propos de Rousseau dans une lettre à un ami : « Il est complètement fou ».

Rousseau consacrera les dernières années de vie à constituer des herbiers et à rédiger son dernier livre « Rêveries du promeneur solitaire » dans sa résidence d'Hermenonville prêtée par le marquis de Girardin.

Il meurt d'une attaque d'apoplexie le 2 juillet 1778 à l'âge de 66 ans.

Rousseau est un philosophe dont la pensée est toujours étudiée aujourd'hui. Il est souvent cité dans les discours politiques (c'est ce que j'ai encore constaté en regardant un débat sur la chaine de l'assemblée nationale il y a deux jours).

- « Rousseau, l'Homme est bon par nature. C'est la société que le corrompt », Jean-Jacques Rousseau, collection RBA « Apprendre à philosopher », Luis Arenas [2020], 152 pages.
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