C’était très certainement la fatigue et l’appréhension grandissantes qui guidaient ses pensées pessimistes, et il lui faudrait à tout prix les mettre de côté pour espérer être en mesure de raisonner clairement. Ce goût de sang n’était probablement rien d’autre qu’une légère entaille qu’il avait dû se faire lors de l’accident ou même par la suite, en s’effondrant à terre. Sans doute s’était-il mordu la langue, ou l’intérieur de la joue.
D’ici très peu de temps, à n’en pas douter, un panneau salvateur, une habitation ou un commerce le tirerait de ce mauvais pas, et lui permettrait enfin d’appeler du secours.
Une brusque clameur retentit dans la nuit. Des grincements, des craquements, des chuintements, des gémissements se firent entendre. Tous se turent.
Ces bruits provenaient de l'étage supérieur. L'étage inoccupé. (...)
— Il approche. Il sera... bientôt là... (...)
Un grognement monstrueux et un rire abominable lézardèrent le silence. Un rire très clair tout d'abord, presque celui d'un enfant. Un rire affreux qui n'avait rien d'humain, terriblement fort, et qui semblait émaner des murs tout autour d'eux. De l'intérieur des murs.
Soeur Panique avait à présent solidement muselé Frère Sang Froid et l'avait enfermé à double tour dans une oubliette humide, un cachot infâme dissimulé dans les profondeurs les plus obscures de l'âme de Tessa Riggs, sans guère d'espoir d'évasion puisqu'on ne l'entendait même plus gémir dans la tête de la jeune femme.
L’automne ne se montrait pour l’heure pas très agressif, ce qui laissait à redouter un hiver plus rigoureux, comme en signe de rébellion.
Lorsqu’on se retrouve tout seul quelque part, en un endroit qui nous est totalement inconnu, et qu’on attend fiévreusement qu’un événement se produise, le temps paraît prendre un malin plaisir à… prendre son temps, justement.