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Citations sur Diamants et silex (6)

La nuit du 23 juin, les musiciens descendaient le long des ruisseaux torrentiels qui se jettent dans le fleuve principal, ce grand fleuve profond dont les eaux rejoignent la côte.
Là, sous les grandes cataractes que les torrents façonnent dans la roche noire, les harpistes « écoutaient ».
C’est la seule nuit de l’année où l’eau, en tombant sur la pierre et en roulant ses éclats brillants, crée des mélodies nouvelles !...
Le lendemain et pendant toutes les fêtes de l’année qui suit, chaque harpiste joue des mélodies inédites.
Le fleuve leur a dicté une harmonie nouvelle, droit au cœur.
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EXTRAITS CIBLÉS DE LA THÈSE DE MARTINE RENS SUR JOSÉ MARÍA ARGUEDAS: http://doc.rero.ch/record/3091/files/these_RensM.pdf/
DIAMANTES Y PEDERNALES, DIAMANTS ET SILEX: 1954, SUITE ET FIN, 2/2:

Violence d'amour-passion, où les forces de vie et les forces de mort s'entremêlent
dans un destin incertain. Le réalisme arguédien avec ses zones mythiques est
toujours très vif; y sont toujours présents les animaux entre autres, le cheval,
symbole du "conquistador" qui accompagnent le récit, en lui conférant une
dimension magique.
Dans cet affrontement, mort, vie, amour, musique, le combat se situe sur le plan
éthique, comme c'était le cas dans Warma kuyay. Quelle en est la ligne de crête?
Il revient à Mariano d'exorciser son maître du péché où l'entraînent ses passions
dévorantes. La patience de Mariano et son inspiration musicale sont les atouts
majeurs. Mais Irma joue, elle aussi, une fonction que nous ne découvrirons qu'à
la mort de Mariano. Son identité communautaire, doublée de son don musical,
car elle joue également de la guitare et chante des huaynos ont ce pouvoir
d'apaisement des antagonismes que don Aparicio ne possède pas, coincé qu'il est
dans l'enchainement du péché et des passions, du remords et de la culpabilité.
Nous retrouvons en cette occasion l'accusation portée contre l'éducation
catholique qui méconnaît la nature humaine que, selon l'écrivain, les Indiens,
eux, ne méconnaissent pas. Mais, nous retrouvons aussi en germe la notion de
responsabilité de don Aparicio envers ses Indiens, avec cette acculturation
présente, cette influence indéniable des valeurs indiennes sur la classe des grands
propriétaires terriens. Où se situe donc l'autorité - non le pouvoir, mais l'autorité?
A l'enterrement de don Mariano, ce sera le varayok qui commandera à don
Aparicio de jeter la terre sur le cercueil. C'est le varayok qui commande en cette
occasion funèbre. De plus, Irma trouvera dans le varayok le secours et
l'assistance dont elle a besoin pour survivre dignement et indépendamment de
son ancien amant.
L'autorité en définitive relève du varayok, assumant sa propre responsabilité,
celle de sa communauté, sans craintes de représailles.
Nous avons vu la progression du champ d'écriture d'Arguedas qui, à partir d'un
petit village, situe l'espace de sa narration passant à la capitale de la province,
Puquio, puis enfin retourne à une petite ville de province où il ne cesse
d'approfondir le caractère de ses personnages, en reprenant des situation
analogues, mais à travers un prisme de plus en plus intérieur.
Nous retrouvons là une démarche arguédienne familière, avec un
approfondissement sinueux, parfois contradictoire, semble-t-il, mais, impliquant
la réalité dans toutes ses dimensions, du visible jusqu'à l'invisible, à travers les
dimensions mythiques et éthiques prépondérantes.
Est-il encore besoin d'insister sur l'aspect poétique de ce long récit où l'harmonie
entre les hommes semble d'abord venir de la Nature et de ses rythmes successifs
garants de cette harmonie-fusion qui s'exerce non seulement sur les Indiens mais
aussi sur les descendants des colonisateurs lesquels vivent à son rythme et en
sont modifiés.
En somme, au terme de ce récit à mi-chemin entre le conte et le roman, nous
retrouvons la thématique arguédienne, axée sur le mythe et les relations entre les
«mistis» (les blancs descendants des colons) et les indigènes, en une opposition larvée dans la plupart des cas, où l'invisible, symbolisé par la spiritualité, va croissant et où la Nature participe toujours plus activement à ces spiritualités, andine et chrétienne, qui s'affrontent symboliquement.

170José María Arguedas: El zorro de arriba y el zorro de abajo, p. 11.
171José María Arguedas: Diamantes y pedernales, p. 33.
172 Ibidem, p. 40.
173 Ibidem, p. 26.
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Irma n'avait pas une vraie maison ; ce n'était qu'une "boutique". Les boutiques n'ont pas de vestibule ni de grand patio ; elles n'ont qu'une porte, que les chevaux ne franchissent pas. Le cavalier qui entre dans une boutique laisse son cheval dans la rue, devant la porte.
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Et c'était bien le monde qui le faisait pleurer, le monde entier, la demeure magnifique, éprise de l'homme, de sa créature.
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L'Apurimac est sillonné par les fleuves les plus profonds et les plus mélodieux du Pérou ; des fleuves anciens, puissants, aux flots d'acier, qui ont découpé les Andes dans leur partie la plus haute -silex et diamants- et ont forgé des abîmes aux rives desquels l'homme tremble, ivre de vertige, en contemplant les eaux argentées qui s'écoulent sous les arbres suspendus.
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EXTRAITS CIBLÉS DE LA THÈSE DE MARTINE RENS SUR LA DIMENSION ETHIQUE DE L'OEUVRE NARRATIVE DE JOSÉ MARÍA ARGUEDAS
http://doc.rero.ch/record/3091/files/these_RensM.pdf/

DIAMANTES Y PEDERNALES, DIAMANTS ET SILEX: 1954. DÉBUT:1/2

Nous allons maintenant passer à l'analyse de Diamantes y pedernales, qui voit le
jour après une crise psychologique qu'il a subie en 1944 après un long silence
qu’il relate comme suit dans le journal intime de Los zorros:

"En mayo de 1944 hizo crisis una dolencia psíquica, contraída en la infancia y estuve
casi cinco años neutralizado para escribir"170.

En effet, entre 1941 et 1954, date de parution de ce court roman, l'écrivain en
vient à s'intéresser à la psychologie des forces primitives qui animent l'être
humain. Ici, il ne s'agit plus de confrontation entre l'Indien et le "principal" (notable ou autorité locale), mais bien plutôt de l'amour qu'éprouve don Aparicio, grand propriétaire terrien pour deux femmes, Irma, l'andine, la brune, et Adelaida, la blonde fragile, originaire de la Côte. Inséparable du texte arguédien, la mort réapparait au centre du thème, comme motif de violence incalculable et imprévisible que ressent et provoque don Aparicio.
Pour la première fois, le versant psychologique et existentiel fait irruption avec autant de violence dans le récit arguédien pour dévoiler la notion de spiritualité andine aussi forte sinon plus forte que la spiritualité chrétienne rongée par la notion de péché.

Le versant sexuel aussi est important et, au gré de la création arguédienne, nous
verrons qu'alterne l'analyse socio-historique avec l'analyse du facteur érotique et
sa contrepartie l'amour agapé dans un mouvement pendulaire; il en va ainsi avec
Yawar fiesta et ensuite Diamantes y pedernales où l’élément érotique occupe
une place prépondérante, enfin Todas las sangres et Los zorros où à nouveau le
côté sexuel apparaît comme exacerbé et prépondérant dans un envahissement du
devant de la scène.
Le récit débute avec l'arrivée dans une petite bourgade perdue dans les Andes, de
"upa" ( homme muet) Mariano, chassé de son village par son frère, car simplet.
Et la protection qu'il reçoit de don Aparicio, le grand propriétaire terrien de la
région, touché par son don musical de harpiste. De cette étrange rencontre, où le
principal écoute le harpiste, naît une compréhension hors du commun , entre le
patron et l'indien qui le suit comme son ombre, tout en revendiquant, grâce à la
musique, de partager l'intimité de son âme.
Seul en effet, il peut rassurer le patron en lui jouant des huaynos de son village
éloigné. Mais la condition imposée par son patron est exclusive, ainsi que son
affection d'ailleurs; Mariano ─don Mariano comme don Aparicio nomme l'Indien─
ne devra jouer de son instrument que pour lui, et pour lui seul.
La suite s'inscrit dans le jeu du destin. Le profil du patron, grand, fort, généreux,
mais aussi ombrageux et imprévisible dans son autorité, jaloux dans ses
affections, préfigure don Bruno de Todas las sangres, de même qu'il nous
rappelle don Julián Arangüena de Yawar fiesta, dont il incarne certaines
caractéristiques, parmi lesquelles la violence omniprésente, et qui reste une arme
à double tranchant.
De plus, le grand propriétaire terrien traditionnel est amateur de femmes. Deux
femmes se partagent les faveurs de don Aparicio. Il y a d'abord Irma, la métisse
au charme hiératique, et à la dignité volontaire. Puis au troisième chapitre,
l'arrivée d'Adelaida, qui va déclencher l'amour platonique et absolu, auquel se
mêle un fort sentiment religieux connotant le culte marial. La scène des fleurs
offertes par les comuneros, reflète ce culte de l'amour immatériel, et éthéré de
don Aparicio:

"Las mujeres se acercaron a la joven, una tras de otra, y le fueron entregando los
ramos de flores. El sol hizo brillar su melena rubia. Los diez ramos formaron uno muy
grande en sus brazos. Su rostro fino aparecía entre las flores, resplandeciente de
alegría".171

Mais le personnage le plus profond reste incontestablement celui de la discrète
Irma qui, de par sa force de caractère et sa semi-indépendance émotionnelle vis à
vis de son amant déclenche le désir de ce dernier qu'elle maintient à une juste
distance, où il ne peut la pervertir ni l'asservir. Une fois encore le caractère du
grand propriétaire terrien est irascible et ses émotions sont structurées par rapport
à la domination, le pouvoir et la manipulation, à l'opposé de la spontanéité de
l'élément andin. Rappelons-nous d'autre part qu'Irma elle-même ne se mêle
jamais aux autres amantes, ni à la vie sociale de la ville et les femmes se
demandent qui elle est.

"-¿Qué será pues ella? ¿Qué será pues?", nous rappelant l'interrogation d'Ernesto dans
Los ríos profundos : "¿Qué es pues la gente?"

Jamais, José María Arguedas n'est meilleur que lorsqu'il nous décrit la Nature en
osmose avec l'âme de l'individu, ici Don Aparicio, fou d'amour pour Irma, par
une belle soirée:

"-¡Mi querida, la mejor de mis queridas! ¡Está virgen! Su carnecita dura-hablaba él
mientras el galopar de los veloces caballos excitaba su regocijo, su poderío. Los
bosques de retama perfumaban el campo. Se veían las flores como claras manchas a
las orillas del río. La luna menguante no opacaba a las estrellas, íba acercándose al filo
de los montes en un extremo del cielo despejado; bajo su luz tranquila brillaban las
estrellas, sin herir tanto. Nunca se funden las cosas del mundo como en esa luz. El
resplandor de las estrellas llega hasta el fondo, a la materia de las cosas, a los montes
y ríos, al color de los animales y flores, al corazón humano, cristalinamente; y todo
está unido por ese resplandor silencioso. Desaparece la distancia. El hombre galopa
pero los astros cantan en su alma, vibran en sus manos. No hay alto cielo".172
●“ "-Ma chérie, la meilleure de mes petites chéries! Elle est vierge! Sa chair est ferme! " monologuait-il, tandis que le galop vif des chevaux redoublait son allégresse, sa puissance... Les touffes de genêts parfumaient la campagne nocturne. Les fleurs formaient des taches claires sur les berges du grand fleuve, comme des îlots fantômes ou de petits astres éteints. Le déclin de la lune n’assombrissait pas les étoiles du ciel ; elle se rapprochait de la crête diamantine des montagnes, sur un côté du ciel sans nuage ; sous sa lumière paisible les étoiles brillaient sans blesser la vue. Les choses du monde ne s’harmonisent jamais aussi bien que sous cette lumière. La splendeur des étoiles parvient jusqu’au tréfonds, jusqu’à la matière des choses, leur substance intime : les monts et les fleuves, la couleur des bêtes et des fleurs, le cœur humain, dans la transparence ; et tout se confond, tout s’unit grâce à cette splendeur silencieuse. La distance disparaît. L’homme galope mais les astres chantent dans son âme, ils vibrent dans ses mains. Le ciel n’est pas lointain.
La jeune fille avait cette transparence…”

Vision d'amour plénier, où les distances s'abolissent, l'espace se constituant
comme champ du sacré. Histoire simple en apparence, car l'enchaînement
arguédien -amour, sexe, péché- va entraîner don Aparicio bien au-delà du connu.
L'ordre symbolique est en marche, et seule la musique que joue le harpiste don
Mariano conjure les hantises et la violence du patron, qui semblent lui constituer
une seconde personnalité.
La guitare, dont joue rarement Irma, atténue aussi la solitude ontologique du
patron qu'elle réaffirme dans son identité plénière. Dans la relation don Mariano / don
Aparicio se tisse une dialectique d'échanges d'où la revendication indienne
est absente. La seule certitude consiste en la reconnaissance par don Aparicio de
la capacité de Mariano de consoler son âme. Il lui attribue d'ailleurs le
qualificatif de "illa", que nous retrouverons dans Los ríos profundos, c'est à dire
de "rayon bénéfique", qui adoucit un patron dont la solitude est tourmentée:

"Don Aparicio continuó hablando desde la escalera. Don Mariano de pie, con la
cabeza descubierta, le oía y le seguía con los ojos. Los lacayos de Lambra habían
comprendido ya, por la figura, por los ademanes del músico, que era medio "upa", que
era 'illa tocado' por algún rayo benéfico".173

A partir de cette protection matérielle du patron, et en échange, de la protection
spirituelle procurée par l'Indien, se lit en filigrane le rôle idéal du "conquistador"
d'autrefois idéalisé, vécu dans un accord d'échanges réciproques, rôle que l'auteur
reprendra avec le personnage de don Bruno, dans Todas las sangres, rôle
historique par ailleurs contesté dans ce dernier roman comme manquant de
fondement.
La sensibilité muette de l'Indien incarne l'exacerbation de cette même sensibilité,
que seuls les êtres profondément dépendants peuvent éprouver, sans espoir de
contrepartie, envers celui qui les domine. Nous comprenons l'affirmation
d'Arguedas dessinant l'univers semi-féodal compact, existant, où la forte identité
indienne est affirmée culturellement, au fil des pages, d'une manière implicite.
Cependant la jalousie, la possessivité et la rigidité de don Aparicio vont être les
facteurs qui déclencheront la mort de don Mariano, lorsque celui-ci, après avoir
rencontré Irma chez elle va jouer de sa harpe un soir, en présence de don
Aparicio, dans l'espoir d'éloigner la jeune Adelaida des pensées de don Aparicio.
Le drame alors éclate. Don Aparicio, fou furieux de découvrir que Mariano
connait son "amante" et a fait fi de son ordre de ne jouer de l'instrument que pour
lui, le chasse hors de la petite maison d'Irma et, de retour chez lui, finit par le
tuer.
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