Sur ces terres extrêmes et glacées, la nature garde tous ses droits.
Un mince espoir le faisait encore rêver lorsqu'il songeait à la beauté modeste de Daphné, bien plus méritoire que le cliché flatteur de la princesse blonde, un mannequin dont l'âge aurait raison de la réputation.
Patiente et obstinée, elle écoute plus qu'elle ne se livre.
L'express côtier va rentrer ce soir dans le passage étroit du Trollfjord, un étrangloir où l'on peut presque toucher les parois sombres des deux bords, sentir les mâchoires de la montagne se rapprocher, avoir l'impression dominante que le navire est pris en étau entre les hauts murs déchiquetés où tournoient aigles et oiseaux de mer comme des charognards au-dessus d'une proie.
Les journées lumineuses glissent comme une rivière sur laquelle vogue leur envie de vivre ou de revivre.
Tout autour, les bleus changeants des fjords et les gris souriants de la voûte céleste se mélangent puis se séparent, comme dans un jeu.
Tout comme les longs bras des fjords retiennent la Norvège, l’empêchant de sombrer dans le gigantesque piège glaciaire du pôle Nord tendu par les trolls et leurs fantômes blancs, ou encore dans l’escarcelle de la Russie, elle se raccroche à son passé.
La brise glisse sur ses joues et soulève des pollens de rêves flous, des étincelles d'espérance, entre illusions et sillages du possible.
Sur le côté, la tour Eiffel. Une grande soeur muette dont la renommée et la sagesse rassurent.
Elles refont leur chemin triomphant entre une myriades d'îles et d'archipels, comme si le pays nordique se désagrégeait sous leurs yeux en d'innombrables îlots pareils à des éclats de terre entre ciel et mer.