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Citations sur Les enquêtes du boyard Artem, tome 8 : Le sang d'Aphrod.. (10)

Déconcerté, Artem tirailla sa moustache. Au bout d'un moment, il jeta un dernier coup d'oeil sur la dépouille d'Olga, posa la main sur l'épaule de Philippos et se dirigea lentement vers la sortie.
A mi-chemin de la porte, il se retourna vers le médecin.
- Une dernière question. D'ordinaire, un aphrodisiaque éveille le désir charnel et excite les sens. Ne pourrait-on pas imaginer une substance encore plus puissante, capable d'affecter la volonté d'un être humain ?
Dans ce cas, non seulement la victime ne serait pas en état de résister, mais elle se livrerait de son plein gré à son bourreau !
Le médecin haussa les sourcils.
- Pour ma part, je n'ai jamais observé l'effet d'un philtre aussi dangereux.
Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas ! Crois-tu que le meurtrier ait eu recours ...
- Ce n'est qu'une hypothèse, coupa Artem avec un geste évasif.
Je suis obligé d'envisager toutes les possibilités.
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- Veux-tu voir la charte qui m'autorise à utiliser cette recette ? s'indigna Klim.
- Inutile. Tu es assez intelligent pour éviter les mensonges faciles à détecter. Eh bien, cet élixir ?
Klim choisit un flacon rouge et noir, rehaussé de motifs géométriques, et le déboucha avec précaution. Le droujinnik inspira les effluves qui s'en échappaient. Oh oui, il reconnaissait bien cette odeur aguicheuse et lascive qui semblait être le parfum même de l'Orient mystérieux !
Pris de vertige, il avait la sensation de s'amollir et de se dissoudre, comme si sa volonté fondait à petit feu dans l'envoûtement des vapeurs des aromates.

- Tu vois, une seule bouffée suffit pour exacerber les sens et les embraser de désir ! C'est ainsi que les amants goûtent une félicité jamais éprouvée auparavant. Donne-moi ton mouchoir, boyard !
Les paroles de l'apothicaire parvenaient au droujinnik comme à travers un brouillard invisible. Machinalement, il tira de sa poche un grand carré de soie blanche. Comme Klim inclinait le flacon, il put distinguer un liquide pourpre, mi-opaque. Chaque goutte avait la couleur et la transparence profonde du grenat. A présent, son mouchoir semblait être taché de sang. (...)

- N'aie crainte, boyard, ce n'est pas un poison ! affirma l'apothicaire.
Dilué dans de l'eau ou du vin, cet élixir constitue un breuvage délectable, bien que particulier. Il a un goût aigre-doux, un peu épicé. Si tu le souhaites, je peux te préparer ...
- Assurément pas, trancha le droujinnik.
Il était parvenu à secouer sa torpeur et se mit à arpenter la pièce.
- Parle-moi de tes clients, ordonna-t-il à Klim pendant que celui-ci rangeait la fiole.
- Il s'agit de la fine fleur de notre capitale ! Je vends des préparations aux vertus non seulement médicinales mais aussi esthétiques. Les riches exigent les meilleurs remèdes pour embellir leur apparence. Et puis il y a cette récente vogue des aromates ! Toutes ces personnes ont une chose en commun, la même tare ...
- La luxure ! lança le droujinnik.
- Oh non, quelque chose de bien plus grave : le mauvais goût ! C'est surtout cela qui blesse l'esthète que je suis.
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- Une chance qu'il t'ait déjà rencontré ! fit Artem. Ta présence lui paraîtra moins déplacée. En fait, il s'agit de sa fille, Olga.
- Oh ! Je la connais aussi ... enfin, un peu. C'est un beau brin de fille ! observa Philippos avec un sourire de connaisseur.
- C'était une belle fille, rectifia Artem.

Le sourire du garçon s'évanouit tandis que le droujinnik expliquait :
- Une servante a découvert son cadavre tout à l'heure, sous une tonnelle située dans le jardin de la propriété. Apparemment, Olga s'y était rendue hier au soir. Ce n'est que ce matin que sa suivante a sonné l'alarme.
Elle a découvert Olga la gorge tranchée, gisant dans une mare de sang.
Son père m'a fait quérir un peu plus tard. Malgré son chagrin, il s'est souvenu de ma consigne que le prince avait rendue publique ...
- L'oukase qui interdit de déplacer quoi que ce soit sur les lieux d'un crime ? dit Philippos qui était parvenu à maîtriser son émotion. (...)

[Le prince de Tchernigov] Vladimir hocha la tête avec bienveillance. Il alla s'installer à sa table de travail et déroula un carré d'écorce de bouleau vierge.
- Ton fils a raison, boyard, approuva-t-il. Je ferais mieux de prendre des notes pendant que tu continues à exposer l'affaire.
Artem s'éclaircit la voix avant de poursuivre son récit.

- L'arme du crime n'a pas été retrouvée, mais on peut s'en faire une idée d'après l'aspect de la blessure. Elle est aussi nette que profonde.
Le meurtrier a frappé Olga avec une telle violence qu'il lui a tranché d'un seul coup artères, trachée et vertèbres ; sa tête était à peine rattachée au corps.
Philippos, qu'est-ce que tu peux dire de l'arme utilisée ?

- C'est un long poignard effilé, aiguisé comme un rasoir, débita le garçon, ravi d'intervenir sur un point aussi important. Les jeunes boyards en portent toujours un attaché à leur ceinture. Mais d'après les Varlets, ils se soucient moins de la qualité de leur dague que de la beauté du fourreau.
- Si on s'en tient à ta description, autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! gronda Artem.
- Je n'ai pas fini ! C'est bien la qualité exceptionnelle de la lame qui distingue l'arme du crime, n'est-ce pas ? Je parie que ce poignard provient des bords du Rhin et a été fabriqué par un de ces illustres armuriers germaniques. Leurs poinçons sont connus partout en Europe et même à Byzance.
- Voilà qui est mieux, approuva Artem. Cet indice nous permettra de limiter nos recherches aux individus possédant ce type d'arme.
Philippos se rengorgea.

- A propos, Olga a-t-elle subi d'autres ... violences ? s'enquit-il après un silence.
- J'ignore si elle a été violentée ou non par son assassin, répliqua le droujinnik.
Il faut d'abord procéder à un examen minutieux du corps.Edrik a confié cette tâche au médecin personnel du prince, et celui-ci doit me faire son rapport cet après-midi.

Soudain, Artem se frappa le front.
- Il y a un curieux détail que j'ai oublié de mentionner ! Olga gisait au milieu d'une flaque de sang coagulé ; sa robe en était toute raidie, et ses cheveux collés en paquets informes. Fait étrange, l'odeur du sang était dominée par une autre : une senteur fort agréable, assez capiteuse, peut-être orientale.
Elle émanait du corps d'Olga et de ses vêtements.
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C'est alors qu'il avait aperçu Nadia.
Diable ! Cette petite semblait plus attirante que jamais !
Tendre et dodue, le teint frais, la bouche vermeille ... Son joli minois affichait une expression mélancolique qui donnait un éclat particulier à ses grands yeux noirs.

Allait-il l'aborder ? Il avait eu maintes occasions de rencontrer Nadia et de la détailler de son oeil expert. Ce n'était plus une fillette, elle était devenue un morceau de choix ! Ses rondeurs évoquaient un fruit succulent, prêt à tomber.
Oui, cette vierge semblait prédestinée à être immolée lors du rituel sacré de l'amour !

Mais sa prudence lui commandait de patienter. Il était dangereux de courir plusieurs lièvres à la fois. Or il venait de choisir une nouvelle proie ...
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Son bien-aimé apportait une flasque de vin de Chypre, ainsi que l'élément essentiel de leur rituel amoureux : un mystérieux élixir, le Sang d'Aphrodite.
Ils avalaient quelques gouttes de cette potion épicée et suave avant de s'en oindre le corps et les cheveux. L'odeur subtile mais tenace demeurait longtemps collée à la peau, pareille aux mélanges capiteux des parfumeurs.

Anna s'étira comme une chatte, cacha son visage au creux de son coude et inspira profondément. Prise de vertige, elle pensa aux lèvres douces de son amant et à ses mains expertes.

Elle savait qu'ils commettaient un péché mortel. Aux yeux des popes et des bons orthodoxes, ils méritaient un terrible châtiment ici-bas avant de subir celui de l'Enfer. Elle eut un sourire malicieux. Renoncer aux plaisirs de l'amour ? Pas question ! Lorsqu'elle serait vieille, elle aurait le temps de se repentir et de se réconcilier avec Dieu.
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Soudain, elle entendit un bruissement derrière elle. Son pouls s'accéléra. Immobile, elle savoura l'attente. Encore un instant, et elle allait sentir sur sa peau les paumes de son bien-aimé.
Anna sourit et se retourna vers lui.
Elle vit un long poignard flamboyer au soleil.
Ses prunelles s'élargirent. Instinctivement, elle saisit la petite dague qu'elle portait en sautoir et tenta de frapper. Trop tard ! La lame aiguisée avait atteint sa gorge. Une douleur atroce la transperça.
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Anna eut un sourire gourmand. Elle se sentait grisée par le vin, échauffée par leurs étreintes passionnées. La brise légère et la terre fleurie éveillaient son désir. Ah, qu'il était doux de céder à cette ivresse des sens ! Quel mal y avait-il à cela ? Depuis près d'une lune, Anna avait un amant.
Alors que les autres couples attendaient la nuit pour s'adonner aux plaisirs de la chair, calfeutrés derrière portes et volets clos, Anna et son bien-aimé avaient l'audace de s'aimer en plein jour, sous le soleil ardent qui dorait leurs corps enlacés.
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- C'est dans ces flacons que tu vends les fruits de ton travail ... et de tes intrigues ?
- Ceux de mes études, corrigea le bossu. Mais puisque tu t'intéresses à ces fioles, il faut louer le goût raffiné des Byzantins. Ils savent apprécier les moindres objets de la Grèce païenne. Ils ont eu cette idée formidable : copier les produits d'artisanat de cette époque lointaine comme on le fait avec des oeuvres d'art.

- Tu veux dire que les artisans d'aujourd'hui utilisent comme modèles les objets découverts au fond de la mer ou dans les ruines des villes antiques ?
- Exact. Ainsi, chacun de mes flacons reproduit la forme et la décoration d'un type précis de vases antiques.
- Tu parles d'amphores ?
- Oui, mais aussi des vases à parfum, les alabastres, qui étaient plus petits.
Regarde ce récipient décoré de figures rouges sur fond sombre : les compatriotes du grand Homère utilisaient ce modèle qui se nomme "aryballe". Et là, cette fiole cylindrique à anses, ornée d'un motif noir sur fond clair, est un lécythe. Il y a plus de mille ans, des récipients identiques renfermaient des produits d'une industrie des parfums très renommée !
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L'homme au visage caché était de nouveau seul.
Il inspira l'air rafraîchi par l'orage et contempla le jeu d'ombres sous le soleil redevenu doux et caressant. Le moment n'était guère propice pour rêvasser, d'autres occupations réclamaient son attention.
Il chassa l'image de Nadia de son esprit, posa sa coupe vide sur la rampe et descendit les marches du perron.

Il fit quelques pas, puis jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule pour s'assurer que personne ne le suivait. Ces précautions lui paraissaient par moments superflues, mais c'était un bon réflexe qu'il fallait conserver. Il se devait d'être sur le qui-vive, à chaque instant du jour et de la nuit.
Ce genre de contraintes n'était guère gênant dès lors qu'on le vivait comme un jeu. C'était un prix dérisoire à payer pour les plaisirs défendus qu'il goûtait.
A cela s'ajoutait un autre sentiment jubilatoire : la conscience de narguer la haute société dont lui-même était issu et de mener une vie secrète et scandaleuse au nez et à la barbe de tous ces hypocrites qui l'entouraient !

Il rabattit son capuchon sur les yeux, rajusta son ample cape dont les plis dissimulaient son épée, puis il s'éloigna à pas de loup.
L'instant d'après, sa silhouette se fondit dans la foule qui commençait à remplir la place.
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A travers le vacarme de l'orage, il perçut un claquement régulier. Il se retourna et vit battre la porte d'une remise en planches adossée à une boutique cadenassée. En quelques enjambées, Philippos se rua à l'intérieur, jeta au sol sa chapka et sa cape trempées, s'ébroua et regarda autour de lui.

Il n'était pas seul dans cet abri de fortune. Une jeune fille se tenait dans un coin et l'observait en silence. Ses longs cheveux bruns tombaient librement sur ses épaules, contrastant avec sa sarafane bleu pâle et son châle blanc croisé sur la poitrine. Son visage aux traits délicats et ses magnifiques yeux noirs évoquaient les anges et les saints des icônes byzantines. Incapable de proférer un mot, Philippos se sentait ensorcelé.
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