Oeuvres

Je n'accepte encore de vivre que parce que je pense et que je crois que ce Monde dont la Vie m'insulte et vous insulte mourra avant moi.

A André Breton, le 30 juillet 1937.

Le trésor perdu sous la Mer c'est Vous.
Et il serait idiot d'envoyer les scaphandriers.
Les trésors sous la mer sont faits pour qu'on y rêve.
Il ne faut pas y toucher
c'est-à-dire
que personne ne peut vous atteindre.
Mais sans vous atteindre on peut se faire lune,
tirer la mer et vous regarder.
Le souffle sur le bord des étangs avec un masque
c'est encore vous,
cela indique votre éternelle virtualité
sur la plan de ce qu'on appelle
ce Monde


A André Breton, pour Jacqueline Breton, le 14/7/1937.

Chère mademoiselle,

Pardonnez-moi de vous harceler de nouveau et aussi vite. Mais puisque vous voyez si bien tout ce qui est dans les tendances, et ce qui se prépare, je veux vous donner quelques faits car ma vie n'est que catastrophes de plus en plus précipitées. C'est un tonnerre perpétuel, un mascaret qui me soulève l'âme et le corps sans fin dans le soleil tout à coup, l'illusion d'une fausse paix basée toujours sur le mensonge et la nuit, la chute, la libération par le châtrage de l'être, la douleur, le renoncement, le bonheur dans la cruauté de tout et de tous, tout à coup contre moi.

Lettres et sorts de 1937

Il me parle de narcissisme, je lui rétorque qu'il s'agit de ma vie. J'ai le culte non pas du moi mais de la chair, dans le sens sensible du mot chair. toutes les choses ne me touchent qu'en tant qu'elles affectent ma chair, qu'elles coïncident avec elles, et à ce point même où elles l'ébranlent, pas au-delà. Rien ne me touche, ne m'intéresse que ce qui s'adresse directement à ma chair.

Fragments d'un journal d'enfer

Ne pas oublier
la gueule
de Lucifer
sous son maquillage
de père éternel,
ricanant à travers les barreaux.

Tout est illusion.

Suppôts et supplications

Trop de guerres ces dernières années ont fait partir trop de bras et de jambes de corps qui les retenaient.

Textes du retour à Paris écrits en 1946

Ma bien chère maman,

Je viens te demander ton témoignage dans une affaire grave et d'où mon sort et mon salut dépend. Car il ne s'agit en ce moment de rien de moins que de me sauver. (...)
Or il y a ici un traitement affreux qui s'appelle l’électrochoc qui dure chaque fois un mois et fait perdre pendant deux mois l'intelligence et la mémoire à ceux qui y sont soumis et c'est un traitement par lequel le Dr Ferdière ne cesse de me faire passer. (...) Et je ne veux plus que cela recommence. Et il ne faut plus que cela recommence parce que ma conscience s'en va à chaque traitement et cela ne me revient qu'au bout de deux ou trois mois. Et j'ai besoin de ma conscience pour vivre, être et travailler. - Ce traitement est en plus une torture affreuse parce qu'on se sent à chaque application suffoquer et tomber comme dans un gouffre d'où votre pensée ne revient plus.

Nous vivons dans un monde malpropre dont très peu, mais dont certains
un certain nombre,
ont envie de sortir et de changer.

Textes écrits en 1947.

Ce qu'ils prennent en moi n'est pas moi
ni rien,
c'est l'entrelacs biseau
de l'irruption de vivre
où se forme ce monde cha
foin, suturé de faux, entre glace, fil et carreau,

et le corps est ce qui reste de cette
douleur déroutante se sera
tiré vivant et permanent.


Suppôt et supplications