L’on s’étonne dans les
quotidiens
et il y a cent mille quotidiens
qui ne molvent que des
balivernes
et qui donnent [chaque] jour
à la conscience
humaine
sa prolifique platée
de sottises, de cancans,
de fausses nouvelles,
on s’étonne que la vie
aille aussi mal
et qu’est-ce que c’est que la vie
qu’est-ce que c’est que le mal
dans la vie
qu’est-ce que c’est que le
mal de vivre,
le mal de vivre dans la vie,
et comment vivez-vous
tous dans votre vie
et qu’est-ce que vous y faites dans la vie
et à quoi vous sert-elle la vie
à quoi vous sert-il de vivre,
et pourquoi vit-on ?
Cahiers d'Ivry - février 1947 - mars 1948
La momie attachée
Tâtonne à la porte, l’œil mort
et retourné sur ce cadavre,
ce cadavre écorché que lave
l’affreux silence de ton corps.
L’or qui monte, le véhément
silence jeté sur ton corps
et l’arbre que tu portes encore
et ce mort qui marche en avant.
– Vois comme tournent les fuseaux
dans les fibres du cœur écarlate,
ce grand cœur où le ciel éclate
pendant que l’or t’immerge les os
C’est le dur paysage de fond
qui se révèle pendant que tu marches
et l’éternité te dépasse
car tu ne peux passer le pont.
L’imbécilisation, l’infantilisation retardée ou au contraire le gâtisme précoce sont parmi les plus efficaces moyens d’action dont se servent tous les adeptes de la parturition à distance pour imposer à un homme leurs volontés. Et leurs volontés sont de me voir abdiquer moi-même et céder dans mon propre corps ma place à Monsieur tout le monde.
J'ai pour me guérir du jugement des autres toute la distance qui me sépare de moi-même.
EXTASE
Argentin brasier, braise creusée
Avec la musique de son intime force
Braise évidée, délivrée, écorce
Occupée à livrer ses mondes.
Recherche épuisante du moi
Pénétration qui se dépasse
Ah ! joindre le bûcher de glace
Avec l’esprit qui le pensa.
La vieille poursuite insondable
En jouissance s’extravase
Sensualités sensibles, extase
Aux cristaux chantants véritables.
Ô musique d’encre, musique
Musique des charbons enterrés
Douce, pensante qui nous délivre
Avec ses phosphores secrets.
Mais au fond de la mort ou du rêve, voici que l'angoisse reprend. Cette angoisse comme un élastique qui se retend et vous saute soudain à la gorge, elle n'est ni inconnue, ni nouvelle. La mort dans laquelle on a glissé sans s'en rendre compte, le retournement en boule du corps, cette tête - il a fallu qu'elle passe, elle qui portait la conscience et la vie et par conséquent la suffocation suprême, et par conséquent, le déchirement supérieur - qu'elle passe, elle aussi, par la plus petite ouverture possible. Mais cette angoisse, à la limite des pores, et cette tête qui a force de se secouer et de se retourner d'épouvante a comme l'idée, comme le sentiment qu'elle s'est boursouflée et que sa terreur a pris forme, qu'elle a bourgeonné sous la peau.
Assez avec la dualité.
Et assez avec l'existence et la vie.
Les choses n'ont pas commencé
par le mâle ou la femelle,
l'homme ou la femme,
elles n'ont pas commencé encore,
elles ne commenceront jamais
puisqu'elles durent
et ainsi à perpétuité;
Assez avec l'homme et la femme,
le mâle et la femelle.
Les choses sont une.
Suppôts et supplications.
Le sperme n'est pas une miction mais un être qui toujours vers un être avance afin de le torréfier de soi.
La vérité est qu'il y a dans le Monde de formidables mystères, que le Monde n'est pas ce que l'on croit, ni surtout tel que le voient ceux qui disent qu'ils ne croient qu'à ce qu'ils voient.