C'est étrange comme les gens de la même.. espèce se repèrent. Comme si nos instincts retrouvaient chez l'autre les mêmes sentiments qui nous habitent.
Grâce à lui, je suis parvenu à dompter la partie la plus vile de moi, à ne pas laisser la bête s'échapper et tout ravager. C'est un effort de chaque instant, de maîtriser ma soif de sang.
Si Baron a déjà eu un aperçu de mon côté aventurier et intrépide, il le vit pleinement depuis que nous avons posé le pied sur le sol américain. C'est assez amusant de voir un homme avec tant de manière que Baron s'adonner à des activités à sensations fortes, lui qui est plutôt adepte de l'Opéra et de la peinture en guise de passe- temps.
— Tu t’es déjà envoyé en l’air dans un lieu abandonné, Docteur Byrne ?
Une lueur particulière envahit ses yeux, ravivant cette étincelle entre nous.
Terrain glissant.
— Je n’ai pas eu cette opportunité, mais avec toi, je m’attends à tout. Je connais tes goûts en matière de caves dans les sous-sols.
Ma petite taquinerie l’amuse. On ne discute pas souvent du club qu’il a quitté, mais lorsque le sujet vient sur le tapis, je préfère y mettre une note d’humour pour alléger la tension qui nous envahit à l’évocation de son passé sombre.
Baron s’apprête à franchir la porte, je le retiens en attrapant son blouson.
— Attends.
Je fouille ensuite dans mon sac à dos pour en sortir un contenant familier.
— Sérieux ? se moque Baron.
— Oui. C’est pour le mauvais sort.
— Oh bon sang.
Je jette du sel sur Baron pour le faire taire, il me dévisage comme si j’étais un illuminé.
— Tu veux faire une petite prière aussi ?
— Haha très drôle.
— Pour un médecin à l’esprit scientifique, c’est assez divertissant de voir que tu crains les fantômes.
— Vous en jouez ? Ou c’est juste pour décorer ?
La voix de Baron m’incite à me tourner vers lui, et j’avise sa main montrant le violon rangé dans son étui ouvert.
— Damian, oui. Il a même fait des concerts, à l’époque.
Et dire que c’est grâce à l’une de ses performances sur scène que je suis parvenu à mettre la main sur lui. Ce vieil article de presse affichant son visage parfait, d’une beauté ténébreuse, vierge de toute cicatrice. Si je me souviens parfaitement de cet instant où mon cœur s’est arrêté dans cette cave poussiéreuse, j’ai en revanche davantage de difficultés à me souvenir de toute cette haine que j’ai ressentie. Elle m’a brûlé la peau à l’époque, m’a bouffé le cœur, a creusé un trou dans mes entrailles.
Je voulais le tuer. J’ai fini par l’aimer.
Peut-être que la puissance de ma haine a été annihilée par la force de mon amour pour cet homme.
Les sentiments ne s’expliquent pas, et si j’ai éprouvé de la culpabilité à l’époque, j’ai réussi à la faire taire. J’ai appris à découvrir l’homme derrière le monstre. La haine m’a aveuglé, l’amour m’a rendu la vue.