Enquête journalistique plutôt qu'essai, le livre de
Lionel Astruc déboulonne l'empire Gates, et plus spécifiquement son pendant philanthropique : la fondation Bill et
Melinda Gates. La démonstration est limpide : la manne philanthropique dissimule une réalité moins heureuse puisqu'elle est à la fois née du brevetage abusif des technologies de l'information dont est né Microsoft et des stratégies d'évasion fiscale employée par l'entreprise. L'utilisation de ces fonds, potentiellement mal acquis, est elle aussi loin d'être neutre : ils financent dans leur écrasante majorité des projets au centre desquels le paradigme technologique est roi, qu'il s'agisse de santé ou d'agriculture. Autrement dit, dans la perspective de la Fondation, le développement des pays du Sud n'aura lieu que grâce à l'innovation. Un postulat qui dépolitise complètement la question des inégalités mondiales et du système qui les nourrit. Bémol important de ce livre : l'utilisation insuffisante des chiffres, également trop faiblement mis en perspectives, qui ne permet pas au lecteur d'avoir une vue d'ensemble de ce que finance la Fondation. La démonstration perd un peu en rigueur, un contradicteur pouvant ainsi reprocher à l'auteur de généraliser à partir de quelques exemples. Enfin, nombre de reproches adressées à la Fondation Gates pourrait tout aussi bien être faits au système général de l'aide, y compris public, qui rechigne à répondre aux besoins des pays du Sud.