La beauté de la balade lui avait fait oublier son souci, qui revint l'assaillir quand il aperçut la trace, en plein sur le sentier. Il se figea aussitôt et fit signe à l'enfant d'approcher.
- Une bête vicieuse, il faut l'abattre, c'est tout!
Mais César répond à la gouvernante du docteur:
- Qui vous a dit qu'elle était vicieuse?
Et Sébastien sourit, rassuré parce que César se rangeait dans le parti de Belle.
- Une bête libre n'est pas vicieuse, ajoute encore César.
Le vieil homme se tourna vers son petit-fils qui s'était arrêté, bouche bée. Son visage, d'habitude si prompt au rire, parut se froisser de chagrin.
- Tu crois qu'il va souffrir ?
- Non. Il est sans doute déjà mort. C'est la loi de la nature.
- Est-ce qu'elle est méchante ?
- Jamais. Mais elle peut être dure. Et c'est une grande maîtresse. Pourquoi crois-tu que l'on chasse ?
Les vrais soldats se battent et ne pillent pas les commerces des braves gens !
- C'est pas un mâle, c'est Belle !
- Oui, je sais, mais c'est un chien en général.
- Et Lina, c'est un homme en général, alors ?
On n’apprivoise pas un ami en le forçant à vous aimer.
Les gens, ça naît pas méchants. Ça le devient. Les chiens, c’est pareil.
Il aurait donné tous ses trésors pour avoir un ami, quelqu’un à qui se confier, parler de sa mère ou de la Bête, échanger des secrets ou des nouvelles de la guerre. Il avait du mal à comprendre pourquoi les autres ne voulaient pas de lui, juste parce qu’il était différent. Il se demanda ce qui arriverait si on l’inscrivait à l’école. Peut-être que ce serait pire encore.
On est parfois obligé de se défendre en accomplissant des choses qu’on ne ferait pas habituellement.
Chien nourri, chien fidèle !