Et je me demande " Qu'ont donc tous ces gens? " N' y a t-il pas endroit plus propice à déballer ses petite affaires que sur la table de mes funérailles ? Depuis ma mort, chacun se hâte de décharger sa conscience en me rapportant comment, toute sa vie durant , il ou elle manœuvré pour dissimuler une partie de son identité. Surtout, je comprenais que dans le moindre recoin de ce pays , toute chose est autorisée tant qu'elle demeure, clandestine, calfeutrée dans le psyché de l'individu. C'est le règne de la vie souterraine, au détriment de la vie révélée.
J’ai déjà assisté à des funérailles musulmanes. Je sais que le pire moment va survenir en ce troisième jour après ma mort. Dans toutes les pièces de la maison, chambre ou salon, dans les escaliers pentus, sur la terrasse du dernier étage, les voisins, proches ou lointains, accourront dès le petit matin jusque tard dans la nuit afin de présenter leurs condoléances à la famille. Ils resteront pour déjeuner, goûter, dîner, dormir ici ou là à mes pieds en voie de décomposition. Au petit jour, on leur servira même un petit déjeuner. Le service interminable se répétera jusqu’à ce que le dernier visiteur s’en soit allé. Pendant ce temps-là, dans la cuisine, des femmes déposeront leurs fesses lourdes sur des planches installées à la va-vite à même le sol. Elles retireront leur ceinture pour être plus à l’aise dans leurs mouvements. Le buste penché au-dessus de bassines en plastique, elles éplucheront par kilos des oignons rouges. Par seaux entiers elles videront leurs larmes de mère en deuil sur le sol froid, et les bonnes racleront le carrelage...