AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lamifranz


Il y a plusieurs Marcel Aymé, tous intéressants, dont plusieurs sont même indispensables : passons sur l'essayiste et l'auteur d'articles, assez peu connu, (à tort, peut-être), et attardons-nous sur le romancier, le nouvelliste et le dramaturge. Des trois, c'est dans ses Contes et nouvelles qu'excelle Marcel Aymé : le format court et demi-long lui convient parfaitement pour saisir une atmosphère, y coller une histoire particulière, ironique la plupart du temps, teintée d'un fantastique du quotidien (qui devrait nous étonner mais que nous acceptons comme normal dans cet univers fantaisiste) et parsemée d'éclats de tendresse (citons pour mémoire « le Passe-muraille » (1943) ou « le Vin de Paris » (1947), mais tout est à lire. Rattachons à cette veine les délicieux « Contes du Chat Perché » (1934-1946), où le sarcasme s'atténue au profit de la magie de l'enfance. le dramaturge est également de première force « Clérambard » (1950) et « La Tête des autres » (1952) sont deux chefs-d'oeuvre. le romancier a semble-t-il un peu plus de mal. Question de format peut-être. Il ne s'agit pas du sujet, toujours intéressant et fascinant par son regard aigu, sarcastique, parfois destructeur sur les travers de l'âme humaine. Marcel Aymé sait dépeindre avec un réel bonheur la ville et la campagne, la bourgeoisie et les prolétaires, les pauvres et les nantis. Il sait démolir les préjugés, et replacer ses lecteurs devant un passé pas toujours exemplaire (la cruauté et la crudité de ses descriptions lui vaudront à la fois l'inimitié de la critique et l'enthousiasme du public). Mais le rythme s'essouffle au bout de quelques chapitres, il s'alourdit de considérations plus ou moins intellectuelles qui font que l'intérêt peu à peu se relâche.
« La Jument verte » en est l'exemple type : le début du roman est assez emballant : Marcel Aymé campe son histoire dans un décor à la fois onirique et ironique, tout en restant franchement (et franchouillardement, pour ne pas dire paillardement) réaliste. Puis, au fil des pages, l'humour s'étiole devant l'accumulation de scènes salaces que seules la fantaisie et la satire maintiennent à peu près à flot. Heureusement, il y a le style de Marcel Aymé : c'est un style de chroniqueur gai : un journaliste-humoriste qui ferait un papier sur les moeurs campagnardes : parfois drôle, parfois hilarant, parfois lourdingue, il laisse apparaître en filigrane une certaine vérité paysanne, terrienne et matoise, très souvent calculatrice. Souvent, on n'a retenu de la « Jument verte » que le côté paillard et salace. On peut y trouver aussi l'amour de Marcel Aymé pour sa terre natale, cette Franche-Comté où il placera plusieurs de ses romans et nouvelles. le monde rural, à l'époque décrite, est un microcosme où les passions politiques et religieuses se déchaînent. Pour un dynamiteur comme notre auteur, c'est une aubaine. Et cette idée de génie de faire de la Jument verte le témoin de ces Géorgiques orgiaques :
« Au village de Claquebue naquit un jour une jument verte, non pas de ce vert pisseux qui accompagne la décrépitude chez les carnes de poil blanc, mais d'un joli vert de jade. En voyant apparaître la bête, Jules Haudouin n'en croyait ni ses yeux ni les yeux de sa femme ».
Marcel Aymé reste un très bon écrivain : je vous rassure, on arrive quand même au bout du livre. L'écriture de l'auteur maintient l'intérêt, ou du moins un suivi souriant d'une intrigue pas piquée des hannetons.
Quand vous en aurez fini avec Marcel Aymé (c'est pas demain la veille), voyez du côté de René Fallet, c'est son héritier direct.
Commenter  J’apprécie          110



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}