On est mal, on transpire, on a froid :
on panique. On ne veut pas qu’il vienne, on
ne veut pas l’effroi : sa venue. Alors on court
jusqu’à la porte, on ferme les doubles tours,
on court vers la fenêtre pour y jeter les clefs.
Non : fausse route, ça ferait du bruit d’ouvrir
la fenêtre, et un danger de plus si l’autre
s’en doutait, s’il les récupérait, les clefs
On pense à l’autre, celui d’en
bas, celui qui crisse sur le gravier, qui :
approche. Il est déjà trop près. Une proximité écœurante. Difficile à avaler comme
sensation, difficile à admettre qu’on puisse
en arriver à penser des choses si abjectes.
On voudrait pleurer, parvenir à une larme, mais méme
en s’appliquant on reste sec comme
une souche de bois mort. On a passé le cap
des pleurs, et le moindre d’entre eux est un
caillot, un cri : raide. On se dit que ce cri,
ce hurlement sauvage qui compresse les
poumons, si jamais on le pousse, il sortira
comme une balle et que c’est : le corps
entier, le corps entier qui se déversera alors.
Voilà, on se dit tout cela et puis, et puis
jingle à la radio, on change d’émission, on
passe à quoi ? Pfff, peu importe, pfff, peu
impfff. On écoute tout de même parce que
oui, on est un peu curieux, encore un peu
curieux, se dit-on, dans un sursaut de vie
qui ramène à l’enfance, aux plus grandes
audaces.
On le voit de loin, l’autre, il agace. Il nous
agace de voir si loin. Voir jusqu’à lui, jusqu’à
cet autre, c’est une anomalie : ça nous
cloche. Voir l’autre de si loin, c’est anormal.
Oui, c’est ça le mot à dire : A-NOR-MAL.
On le répète trois fois de suite, trois fois fois
fois, trois trois, on répète. Cela ne change
rien aux choses, juste que la répétition permet une transition simultanée.