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Citations sur On sait l'autre (14)

C'est plus tard qu'il viendrait : avec sa hache, son coup de métal froid 
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Et toujours cette même question. Le rescapé, le trente-troisième petit cahier, comment faire ? On ne parvient pas à admettre que ce dernier bout de silence cartographié disparaisse. On ne veut pas refaire une seconde fois, le geste de poussières et feu : ce serait une aliénation de plus. Sans savoir pourquoi, des visions de statues nous viennent à l’esprit. On voit de longs visages, des têtes à moitié humaines, à moitié animales et sauvages, à moitié autre chose encore, mais on ne sait pas quoi. Ce sont des têtes pleines de moitié pense-t-on, à moitié pleines, vides aussi, et de moitié encore. Elles nous parlent, on ne saurait dire de quoi, et pourtant on sait bien qu’elles expriment parfaitement ce qui n’effleure jamais nos lèvres mais que l’on porte si lourdement et bien en travers : dans le corps. On réfléchit, on met à plat toute la nuit qui nous habille la poitrine. On se dit qu’il faut une vie pour admettre que quelque chose dépasse l’organisme. On se dit qu’après tout, ce n’est pas grand-chose, à notre âge on peut bien l’admettre, ne pas mentir sur le bilan. C’est tout petit la vie, tout petits : les morceaux qui brillent, et qu’ils étaient sans doute écrits dans les cahiers, à faire de la lumière encore, parfois, entre les feuilles. On n’avait pas le droit de tous les brûler ainsi. Ils n’appartenaient plus à personne, ils étaient simplement le résidu d’oubli, la trace d’une mémoire qu’il fallait recueillir. À présent que c’est impossible, c’est comme si elles hurlaient, qu’elles étaient faites pour hurler ces traces, jusqu’à jamais. On soupire. On sait, on reconnaît qu’on a eu tort de tout détruire. On touche du bout des doigts la couverture grise du cahier rescapé.
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On voudrait se trouver dans une phrase nouvelle, une de ces phrases petites qu’on écrirait serein, avec grand soin, et ce serait la bonne phrase, celle qui ferait grimper les mots, couler l’eau chaude dans l’autre sens, reconstituerait les cahiers, mais le seul qui reste, le rescapé, ne révèle pas un seul des mots qu’on a : brûlés. Un regret, alors, qui nous pince le cœur. C’est d’un tel ridicule… on écrit on écrit, on ne sait pas même si on aurait pris le temps de les relire un jour ces cahiers. À présent on donnerait cher pour que cela nous soit possible.
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On se lève, on regarde le désastre, les livres, les feuilles… Il y a de tout partout, c’est la pagaille oui, et cependant on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a, dans ce désastre, quelque chose de beau. On va s’asseoir, on regarde. On regarde le sol sur lequel se couche notre vie, pense-t-on, et d’une certaine manière, on sait pertinemment, qu’elle ne nous concerne plus. Que ce ne sont là que des traces qui appartiennent à l’histoire, et puis qu’en tant qu’individu, cela n’a pas grande importance. On reste là, longtemps, à contempler la chose belle : le désastre. On a, entre les cœurs, un clignotement soudain qui nous pince. On ne sait si c’est la douleur : on est fatigué, voilà tout. Vieux et fatigué se dit-on. Les deux cœurs se froissent, dehors les chevalos s’apprêtent : à bondir. À nouveau ce bruit de ruche qui bourdonne dans nos oreilles. Abasourdi, éreinté, on n’y prête pas garde. On reste planté, assis sur la chaise, les yeux comme des caves à moitié effondrées, un regard d’homme : d’animal triste. Devant nous s’étend toute notre vie, elle se résume à ça, se dit-on, et c’est pénible. Ces feuilles-papiers-griffon, ça ne pèse pas lourd, non.
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On n’aime pas ce lieu où elle nous fait douter. Accepter ce lieu-là nous angoisse : nous
dévore d’angoisse. Cependant on écrit, afin
de réduire le phénomène qui tient en
quelques lettres, on écrit : L’AUTRE. Voilà,
on y est. On se demande ce qu’il a fait : la
réponse est évidente. On sait. On sait
l’autre. On sait qu’il a dû se glisser à l’intérieur et déposer le miel de guêpes. On sait
qu’il a brûlé les cahiers, saccagé la bibliothèque, fait disparaître tous les écrits.
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Avec le
manque d’expérience, on met du temps
pour la rencontre. Toujours trop de questions, de doutes sur le bon geste. On oublie
trop souvent qu’il n’y a rien à comprendre.
Calculer l’itinéraire est déjà : un détour. On
s’enfonce dans un vide, on n’espère plus
rien, on reste là, planté, un peu de bave aux
commissures, la langue tirée, immobile,
qui ne sait plus très bien, n’ose plus tourner,
s’oublie et puis… Et puis finalement, les
bons gestes nous viennent : et le don, et
l’accueil. La nuit aussi, la nuit s’apprivoise,
réalise-t-on soudain lorsqu’elle nous lèche
le visage.
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Aux aguets, on
écoute ce que le corps raconte. On ne sait
plus vraiment pour quelle raison on réagit
toujours ainsi, en se fiant au corps. Dehors,
dedans. Dedans, le verrou est bloqué.
Dehors, le bruit des sabots chevalos. Ils
trottent, et ce n’est pas normal qu’ils
trottent. On dirait qu’ils veulent… nous
faire perdre les repères, on dirait : qu’ils
nous manipulent.
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On aime ça, la surprise, s’offrir la
possibilité qu’une chose, à revers, pousse.
On retourne s’installer sur le cuir, et c’est
une sensation agréable parce qu’il est chaud
encore, lorsqu’on se cale dans ses bras. On
aime ça, le confort. Non, ce n’est pas exactement cela, pas exactement le confort, pas
exactement du tout, en fait. Ce qu’on aime,
c’est la sensation que le fauteuil ne soit plus
cuir. Ce qu’on aime, c’est cette chaleur :
l’accueil, tout simplement. L’apathie nous
reprend peu à peu tout le corps, et c’est une
langueur, une indolence réconfortante.
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Ceux qu’on a lus, pas lus encore, ceux
qu’on n’ose pas lire, ceux qu’on a lus trois
fois, ceux qu’on n’aime pas lire, ceux qu’on
ne lira pas, ceux qu’on lira sans cesse de
travers : mais tous ! Tous ! Ils sont tellement
vivants, nom d’un chien : ils sont tellement
vivants… Et on a besoin de ça, nous, de
leur présence au monde !
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Après tout, ce
n’est pas très important, on n’est plus à
l’école, on peut dire ce qu’on veut et de
toute façon, on le sait bien, nous, ce que
l’on voulait dire : qu’on va finir par la trouver cette boîte tout de même, on va bien lui
mettre la main dessus, ça ne disparaît pas
comme ça, les choses. On continue, on vide
le bureau jusqu’à épuisement, on ne trouve
pas, toujours pas, on s’énerve, on dit que ce
mobilier moderne, on va en faire un feu de
joie
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