Rivière
Lorsqu'il pleut
on dirait que des clous
lui tombent dessus.
Rivière
le ciel veut :
la clouer.
Il rebrousse langage, revient dans leur territoire commun : le silence.
Lui, il a des tas de questions : moi je n'ai pas de réponses ; lui, il a des tas de questions, je n'ai : que des demandes.
Sans doute à force d'érosion parvenons-nous à quelque chose. Le temps nous aide c'est certain.
Elle, elle regarde le moulin qui borde le vallon, pense : je serais triste si tout cela devait cesser, je serais : très affaiblie. La lumière est si belle...
De l'autre côté de la rive, il marche à l'ombre des peupliers, sifflote un air méconnaissable qui a pour rythme celui de l'eau.
Dans le courant
Rivière
mettra aussi
des mots froissés
des syllabes
du tour du monde
des lettres déjà
disparues
des alphabets
indéchiffrés.
Et chacun
s'il se penche
boira de l'eau
et du langage.
Il y en aura pour tous
pour peu qu'on ait :
cette soif-là.
Lui, de son côté, retire les questions que les nuits posent sur son front, et les met dans ses poches.
Elle avance dans sa nuit avec de nouveaux mots, mais sait qu'au petit jour, il n'en restera plus un seul, parce qu'elle n'aura pu les tremper : dans la lumière.
Lorsqu'adossée au mur en pierres, le froid lui parcourt les épaules, elle vit l'expérience : d'être pierre ; puis, quand retournant sous le pont elle entend les oiseaux nocturnes, elle pense alors apprendre : l'envol.