«
Deux frères » offre à Zana la possibilité d'accueillir le lecteur juste avant qu'elle n'abandonne sa maison ; quel drame s'est produit ici et qui aboutit à ce dénouement inévitable ? Son mari (Halim) et son père décédés, elle se retrouve seule. Pourtant cette femme a vu sa maison remplie des rires de ses trois enfants. Mais aujourd'hui, tous sont partis.
Ce n'est pas elle la « pièce centrale » de ce récit… quoi que, en tant que mère, il est inévitable d'éluder de fait que c'est grâce à nos mères que tout se fait et se défait, que les personnalités se tissent et qu'un enfant peut quitter, serein, le domicile où il a grandi.
Mais alors que la lecture commencée à peine, nous découvrons Zana tiraillée par les souvenirs et affectée par les décès, inquiète des choix de ses fils Yaqub et Omar (dit « le Cadet »). Des jumeaux qui, précocement, ont été séparés durant 5 ans afin d'apaiser leur animosité réciproque qui allait en croissant. Lorsque Yaqub est parti au Liban, ils n'avaient que 13 ans. Son frère quant à lui est resté au Brésil, conformément à la décision de Zana. Au retour de Yaqub, toute la famille est transcendée à l'idée des retrouvailles, notamment celles des jumeaux. Mais les rivalités qui les opposent se sont ancrées au plus profond d'eux et le fossé qui les sépare semble impossible à combler.
Noir. Blanc.
Deux couleurs nous accompagnent pour cette lecture. Radicalement différentes. Inévitablement complémentaires. Indissociables. A l'instar de la personnalité de ces jumeaux. Loin de l'image du couple fraternel inséparable, Yaqub et Omar se haïssent. Un ressentiment viscéral. Les quelques souvenirs de leur complicité d'antan, alors qu'ils étaient de très jeunes enfants, ne suffisent pas. Cette harmonie-là n'existe plus, ses réminiscences se noient sous un flot d'amertume.
Les illustrations de
Fábio Moon et de Gabriel Bá ne cessent ne faire exister cette inimitié et même lorsque les frères sont à distance, elle subsiste et influence les rapports familiaux. La tension est latente, elle ne peut se dissoudre totalement et se voit ravivée à chaque visite de Yaqub, qui a pris son parti et décidé de prendre son indépendance très jeune, sitôt sorti de ses études.
La guerre fratricide que se vouent les jumeaux les construit, malgré eux. C'est certainement dans leurs premiers mois de vie que la rivalité entre eux s'est cristallisée ; Omar tombant gravement malade, sa mère l'a gavé d'amour maternel, laissant Yaqub aux soins de Domingas, fille adoptive du couple.
Chronique sociale, «
Deux frères » décrit également la passion amoureuse, celle qui unit Zana et Halim. Une passion vorace où l'envie de l'autre, le plaisir de goûter à sa peau, est intarissable. de cette union sont nés les jumeaux puis, quelques années plus tard, Raina, benjamine de la fratrie. Il est aussi question d'ambitions, d'érudition, de dépravation et d'immigration (Zana et Halim sont libanais), le tout sur fond de guerre (Seconde Guerre Mondiale) puis de dictature militaire. Sans interférer pour autant sur le microcosme familial et sa dynamique, ce contexte sociétal les marque de son empreinte. le narrateur en tient compte dans son témoignage. Un narrateur humble, attentif, sensible et dont nous ne connaîtrons le prénom que dans les toutes dernières pages, comme s'il souhaitait s'effacer totalement derrière le drame familial qui n'a cessé de se jouer sous ses yeux.
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