Blue cerises - Intégrale, tome 4 : Lune bleue

Je sais que les Cerises, c’est un truc que peu de personnes peuvent se vanter d’avoir connu. Une légende, presque, pour laquelle le mot amitié semble un peu fade et pas à la hauteur du lien qui nous unissait. Une relation qui pouvait tout affronter, aveuglément, qui ne réclamait aucune vigilance. Croyions-nous. Et badaboum.

Devenir immortel. Puis mourir.

Elle me dit qu'elle vient de s'éclater à dévorer Le Rivage des Syrtes et me colle d'office le bouquin dans les mains. A lire, obligé. Je promets en échange de lui passer le dernier Picsou magazine qui m'a tiré des larmes à la troisième lecture.

- Tu sais que mercredi, c'était la pleine lune... Et la seconde du mois, en plus.
- Ce qui signifie ?
- Quand il y en a deux dans un même mois, la seconde est appelée Lune Bleue.

- En tout cas, là, j'ai trouvé mieux qu'un iPod pour garder cette musique.
- Ah ? Et quoi ?
- Quelqu'un a gravé la partition sur le dos de ma main en direct. Là.
Elle se penche et scrute ma peau bleuie par le froid :
- On ne voit rien.
- Si. Quand on ferme les yeux.

J'éprouve l'agréable sensation que doit ressentir un papier gras sur un plage propre. Je gêne.

Les hot nights sont des soirées musique. Des amateurs viennent à tour de rôle se risquer devant le public. Le baromètre des applaudissements décide du sort des audacieux : un deuxième titre, voire une invitation pour la prochaine séance, ou un désespérant "TchaooooOOOO !" lancé par la salle impitoyable.

Je sais que les Cerises, c'est un truc que peu de personnes peuvent se vanter d'avoir connu. Une légende, presque, pour laquelle le mot amitié semble un peu fade et pas à la hauteur du lien qui nous unissait. Une relation qui pouvait tout affronter, aveuglément, qui ne réclamait aucune vigilance. Croyions-nous. Et badaboum.

Ce qui m'anéantit, c'est qu'il ait pu y avoir ça : l'engueulade, aux premières heures du premier jour de cet an neuf. Parce que, justement les Cerises, je les voulais au-delà de l'amitié, autre chose que l'amour. Ou peut-être que ça tenait des deux, je ne sais plus. C'était un truc à nous qui n'avait pas de nom, que nous inventions chaque jour et que les autres, les pas-cerises et les pas-bleus, ne pouvaient pas totalement comprendre. Que je croyais indestructible et qui n'a pas su l'être.

- Chacun d'entre nous entretient ses fantômes. Ça ne m'étonne pas de toi, Zik, que tu sois la première à donner un coup de pied au cul des tiens.