-Vous pensez qu'on devient vieux à quel âge?
-Quand on n'a plus de projets et qu'on ne veut plus apprendre.
La vie fait de nous des poupées russes. Aussi je me demande : Avec le temps, est-ce que la plus petite des poupées vit toujours ou est-ce que les autres finissent par l'étouffer ? (p.48)
"Chaque femme, chaque homme porte en lui tous ses âges", dit mon grand-père.
Il répète aussi que la vie fait de nous des poupées russes. Aussi, je me demande : Avec le temps, est-ce que la plus petite des poupées vit toujours ou est-ce que les autres finissent par l'étouffer ?
Étrange comme un événement peut sembler insignifiant pour les uns et sismique pour les autres. (p.29)
- Là où vous êtes née, Elisa, me lance tout à coup Morante en saisissant son casque de moto, les filles vont à l'école, les femmes ont le droit de vote et sont à peu près libres de mener la vie qu'elles souhaitent. Elles peuvent piloter une fusée, diriger un chantier. Elles peuvent décider de ne pas se marier, choisir d'avoir ou non des enfants et le moment pour le faire. Elles portent le jean, la robe ou le bikini. On pourrait croire qu'elles disposent de leur corps, mais il y a une chose que la société leur refuse : elles n'ont plus le droit de vieillir. On a ajouté un onzième commandement : "Tu ne vieilliras point." Les rides, les seins qui tombent, c'est devenu illégal.
- Dans le pays de ma mère (le Yémen), c'est illégal d'être une femme, lâche Sahar en haussant les épaules.
Avec ce bouquins là entre mes mains, j'ai l'impression d'être assis sur les genoux de mon grand-père. Quand on n'a plus de toit, avoir le souvenir de ses fondations c'est déjà ça...
Prenant mon courage à deux mains, j'ouvre la portière et m'installe sur le siège du passager. Je me sens comme un lapin pris au collet. Sans un mot ni un regard, ma grand-mère met le moteur en marche. Onze jours qu'elle se livre à la guerre du silence avec moi. La pénitence commence à être longue.
On aurait pu l'appeler "grand-père" ou "papi", mais mon grand-frère Vadim et moi l'avons toujours appelé "Jules". Il a un regard qui ouvre le monde, une force discrète. Et quand on dit "Jules", on entend la majuscule.
Elle est hanté par une ombre. Une ombre de trop. Alors qui est la plus perturbée dans cette histoire Rose ou Elisa ?
- Je vous laisse terminer votre histoire de femmes, glisse-t-il à ma mère