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Critique de audelagandre


« L'amour maternel » est un recueil de nouvelles porté par dix auteurs, qui chacun dans son genre a décidé de parler de cette émotion si particulière liée à la maternité. Ce n'est pas chose facile de décortiquer ce sentiment, encore moins de pouvoir s'autoriser à flirter avec « le politiquement incorrect », et pourtant, c'est la réalité des choses : « L'amour maternel » est aussi vaste, aussi différent, aussi singulier qu'il existe de mères. Il peut être doux et amer, tendre et cassant, bienveillant et toxique. « L'amour maternel » est puissant, ardent, dévastateur, l'une des émotions sans doute les moins contrôlables de l'espèce humaine. Il emporte tout sur son passage, le rationnel et le raisonnable pour ne laisser oeuvrer que le viscéral.

Que d'émotions dans ce recueil ! Ne vous fiez pas à la couverture toute douce et fleurie. Ce que renferme ce recueil est de l'émotion brute. Sous la direction de Caroline Vallat, dix textes, certains d'une noirceur inouïe viendront chatouiller vos croyances et couvrir tous les champs de « L'amour maternel », de la mère désespérée à la mère défaillante, de la mère surprotectrice à celle qui ne ressent rien. J'ai aimé que ce recueil parle de façon décomplexée de « L'amour maternel », car non, il n'est pas inné, il n'est pas forcément intuitif ou instinctif, il ne s'embarrasse pas de convenances, il dit la VÉRITÉ. Cette vérité est parfois difficile à entendre, même sous le prisme de la fiction. Elle est pourtant nécessaire, car, pour faire sauter les tabous et alerter nos filles et/ou leurs compagnes/compagnons, il faut parler sans interdit.

Je connaissais tous les auteurs du recueil et j'ai imaginé au préalable ce qu'ils pourraient faire d'un tel sujet, jusqu'où pourrait aller leur imagination débridée. Je n'ai pas été déçue. Ils ont balayé la thématique en dépassant mes espérances.

Solène Bakowski confronte deux femmes dont l'une doute de ses capacités maternelles. « Non, c'est faux, pas toujours. Ces histoires d'amour spontané, d'instinct, c'est des conneries. Regardez-la, elle me déteste. C'est pour ça qu'elle hurle. Elle veut me faire payer. Moi, voyez, je ne la déteste pas. Mais je ne l'aime pas non plus. En fait, je m'en fiche. Y a rien au fond de moi pour elle. C'est comme ça. C'est juste une tumeur qu'on vient de m'enlever. Personne ne s'attache à une tumeur. »

Mélissa Da Costa invente un monde singulier, pour protéger, au-delà de la raison : le monde cube, « Un monde d'amour, de paix, de douceur. Où rien ne peut arriver. »

Adeline Dieudonné développe l'instinct de protection d'une mère pour sa fille. « C'est pas si simple, la gentillesse. Surtout dans un couple. Parfois on en a marre. Parfois on est fatigué. Et c'est facile de s'en prendre à l'autre, de l'accuser de tous nos problèmes. Parfois on a besoin de mordre et l'autre est là, alors on le mord. »

Antoine Dole déballe les émotions d'une mère en pleine détresse psychologique. « Pendant toute sa grossesse, elle l'avait porté comme on porte le deuil, sans en voir la fin. »

Isabelle Duquesnoy raconte un pan de son histoire personnelle, une jeune femme adoptée qui recherche sa mère biologique. « À dire vrai, je m'étais mal préparée à sa requête ; je croyais secrètement qu'il suffisait d'être entourée de l'amour de ses parents pour grandir sans heurts. Que des bras affectueux et protecteurs suffiraient à éloigner les souffrances. Je m'étais trompée. »

Johana Gustawsson détaille les relations de deux soeurs avec leur mère. « Et j'ai soudain pris conscience que ma soeur était responsable : c'était elle qui avait effacé le rire de ma mère. »

Marin Ledun fait de la mère une combattante que rien ne peut arrêter. « Elle mesura ce qu'elle avait enduré pour eux et la joie intense qu'ils lui avaient procurée. Elle réalisa qu'elle les aimait de tout son être, qu'ils étaient certainement la plus belle chose qui lui soit jamais arrivée dans cette vie de misère, et la vérité nue s'imposa alors dans son esprit. Protéger les autres, pensa-t-elle. »

Carène Ponte explicite l'amour maternel qui pointe le bout de son nez avec un peu de retard…« L'amour est un sentiment complexe. Il n'est pas toujours inné, il se tisse parfois. Mais il n'en est pas moins fort au bout du compte. Vous n'avez rien éprouvé pourtant, depuis qu'il est né, vous vous occupez de lui. Vous avez même continué à l'allaiter alors que vous avez les pires crevasses qu'il m'ait été donné de voir dans ma carrière. »

Romain Puértolas hypothèque le statut de mère flirtant entre les statuts de sauveur et de bourreau. « Demain, disais-je tous les soirs, lorsque je voyais que les étoiles s'étaient éteintes dans les yeux de mes enfants. C'est ça le plus dur pour une mère. Voir ces étoiles-là s'évanouir. Ce rêve, c'est tout ce qu'il nous restait. »

ET

Maud Mayeras vous crève littéralement le coeur en faisant le portrait d'une mère rongée par la culpabilité. « Il s'éloigne, et je dois l'accepter. C'est le rôle d'une mère d'abandonner un beau jour, son enfant à la vie. » La fin de cette nouvelle est d'une violence et pourtant…. Je ne peux qu'être solidaire de ce geste.

« L'amour maternel » m'a profondément touchée. Il y a un peu de chaque « type de mère » dans chaque nouvelle : ce que nous sommes, ce que nous serions capables de faire, jusqu'où nous pourrions aller pour protéger nos enfants… de nous, des autres, ou d'eux-mêmes. Je vous l'ai dit « L'amour maternel » n'est pas rationnel, il est impulsif, passionné, et ces dix auteurs le démontrent admirablement bien.
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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