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Critique de glegat


« Parlons un peu De Balzac, cela fait du bien ». Cette citation de Gérard de Nerval est souvent reprise pour évoquer l'intérêt que l'on porte à Balzac. On la retrouve notamment en exergue de l'excellente biographie qu'André Maurois a consacré à l'auteur de la Comédie Humaine. Mais je n'ai pas trouvé trace d'une note de bas de page indiquant les sources de la citation. de quel texte est-elle extraite ? Ne trouvant rien avec une recherche Google j'ai eu l'envie de tester CHAT gpt, la fameuse intelligence artificielle d'OpenAI. Je lui ai demandé de différentes manières, mais toujours de façon explicite, de quel ouvrage provenait cette citation de Nerval, tantôt il me répond « Les filles du feu », tantôt « Aurélia ». Et quand je lui demande de me citer l'extrait en question, il invente un texte tout en m'affirmant qu'il s'agit bien de l'extrait d'un ouvrage de Nerval, ce qui est faux. Tout ceci pour dire qu'il ne faut pas faire confiance à Chat gpt malgré ses réponses qui ont le goût de l'authentique et du vraisemblable, mais qui sont la plupart du temps fabriquées pour rendre la réponse crédible.

Mes retours réguliers vers Balzac sont placés sous le signe de cette citation. Pour en retrouver la source, j'ai finalement posé la question à la présidente de la société des amis De Balzac et j'ai ainsi appris que cette citation était extraite d'un article de critique théâtrale paru dans « La Presse » du 7 octobre 1850. Un numéro que l'on peut consulter sur le site Gallica.

C'est aussi dans « La Presse » qu'est parue pour la première fois en feuilleton « Une princesse française, la Princesse de Cadignan » du 20 au 26 août 1839.

Voici ce qu'en dit Balzac à Mme Hanska (l'étrangère) : « C'est la plus grande comédie morale qui existe. C'est l'amas de mensonges par lequel une femme de trente-sept ans, la duchesse de Maufrigneuse, devenue princesse de Cadignan par succession, parvient à se faire prendre pour une sainte, une vertueuse, une pudique jeune fille par son quatorzième adorateur, c'est enfin le dernier degré de la dépravation dans les sentiments… le chef-d'oeuvre est d'avoir fait voir les mensonges comme justes, nécessaires et de les justifier par l'amour. C'est un des diamants de la couronne de votre serviteur ».

Il s'agit d'une nouvelle d'environ 70 pages, classée par certains critiques comme l'une des meilleures nouvellesDe Balzac. Je ne suis pas tout à fait de cet avis, mais comme d'habitude on se laisse submerger par la puissance évocatrice de l'auteur qui donne à ses personnages une vitalité qui emporte tout.

Voici comment en quelques mots, Balzac (pourtant réputé pour ses longueurs), croque le profil de la belle princesse : « La princesse de Cadignan restait une femme encore délicieusement belle, âgée de 36 ans, mais autorisée à ne s'en donner que 30, quoiqu'elle fût mère du duc Georges de Maufrigneuse, jeune homme de 19 ans beau comme Antinoüs, pauvre comme Job et que sa mère voulait avant tout marier richement ». Peu de mots, mais déjà beaucoup d'informations.

La princesse, après avoir connu une vie fastueuse et de nombreux amants, demeurait maintenant seule dans un petit hôtel, à un rez-de-chaussée d'un prix modique. Elle n'a rien perdu de son élégance de grande dame et reste entourée de belles choses qui annoncent une existence supérieure. Un jour elle fait cette confidence à sa seule amie, la marquise d'Espard :
— Je suis poursuivie dans ma retraite par un regret affreux. Je me suis amusée, mais je n'ai pas aimé !

L'intrigue est à demi posée, il reste à introduire un autre personnage, Daniel d'Arthez, écrivain génial auquel Balzac donne quelques traits de son caractère. D'Arthez est un personnage récurrent de la Comédie Humaine il est l'un des proches de Lucien de Rubempré dans Illusions perdues. Cet homme intelligent et cultivé est aussi un peu naïf en amour et mène une vie de reclus. La princesse veut tester son charme sur lui et use de tous les artifices possibles pour se faire passer pour une pauvre femme accablée de malheurs, incomprise et qui recherche l'amour sincère. D'Arthez est conquis, la princesse devant tant d'ingénuité et de sincérité tombera-t-elle aussi sous le charme ? La carrière de d'Arthez en sera-t-elle affectée ? Il faut lire cette nouvelle pour se faire une opinion.

À travers ces personnages Balzac rentre au coeur de l'intimité des princesses parisiennes et des ambitions des jeunes premiers dans la période de la monarchie de juillet (1830-1848).

Une nouvelle adaptation de la princesse de Cadignan a été tournée à l'automne dernier avec Arielle Dombasle en tant que réalisatrice et comédienne sur un scénario de Jacques Fieschi. Ce film doit sortir en 2023.

— « La Comédie Humaine, Les secrets de la princesse de Cadignan », Honoré de Balzac, tome XIV éditions France Loisirs (1986)
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