Les idéaux ne sont pas faits pour être réalisés en tant que tels, ils sont simplement une impulsion destinée à nous sortir de la passivité, une abstraction qui donne envie d'agir.
Il est vrai qu’il est plus facile d’avoir un père mort et honnête homme qu’un frère mort et assassin. La laideur de ses proches est déroutante car on attend d’eux qu’ils soient à la hauteur mais, quand ils le sont, on n’y prête pas attention car on considère que c’est naturel. Le reste ne l’est pas et marque profondément.
Qu’est-ce qui fait d’un homme un assassin ?… Depuis le temps, je n’ai pas encore trouvé la réponse. Les gens, les psychologues, les psychiatres, les psychanalystes disent communément que les personnes qui ont subi des brimades les reproduiront à l’âge adulte, elles entrent dans un schéma, un cercle vicieux. Cependant, certains échappent à la logique de ces schémas à la fois rassurants et affolants ; rassurants car on se sent mieux quand on a la certitude que l’avenir est prévisible et que donc il est possible d’éviter le pire ; affolants car cette fatalité, ce déterminisme qui collent à la peau, qui broient l’individu sans lui laisser aucun espoir d’être différent, de passer outre cet ordre destructeur, sont terribles.
Quand vous ne manquez de rien et qu’un jour vous croisez quelqu’un qui manque de tout, votre première réaction est marquée par le désarroi et un vague sentiment de culpabilité qui provoque la gêne. Que dire qui fasse oublier qu’on ne fait que passer devant lui pour retourner à nos occupations, à notre gaieté absurde ? Toutes les belles paroles de consolation, de pitié ou de compassion ne changeront rien à sa situation, pas même la dérisoire pièce tendue par une main qui se veut provisoirement fraternelle. Il s’achètera peut-être à manger et vous retrouverez votre vie quotidienne. De temps en temps, le souvenir de cet être démuni reviendra. Vous vous demanderez avec inquiétude ce qu’il est devenu puis vous tenterez de chasser cette image parce qu’elle est douloureuse et que l’instinct de survie la bannit.
Vous ne trouvez donc pas que le monde est cruel et absurde et que personne ne changera ce fait parce que les hommes aiment ça, la cruauté ? J’ai raison, n’est-ce pas, et c’est pour cela que vous fuyez mon regard. Vous êtes bien placée pour savoir que j’ai raison. Ils ne l’auraient pas tué sinon…
- Qui donc ? Vous êtes fou, lâchez-moi.
- Mais votre cher pasteur, voyons : Martin Luther King. Pourquoi tuer un homme qui revendique la fraternité entre les peuples ? Les hommes ne veulent pas de la fraternité, ils ont besoin d’exercer leur pouvoir sur quelqu’un. À votre avis, pourquoi votre peuple a-t-il été réduit en esclavage ?
L'oubli est fils de sagesse . P. 64
Je ne sais pas si Cathy était amoureuse . Je crois que ce qu'elle aimait c'était surtout qu'il représentait la normalité et c'était important . ( ...)
Son sentiment de normalité ne dura pas très longtemps .
Elle n'était pas si normale que ça puisqu'elle n'était pas heureuse dans la normalité alors que les gens normaux , eux , sont heureux dans la normalité . Ils font comme tout le monde et ça ne les dérange pas .
Ils n'aspirent pas à autre chose . P.58
Il y a souvent un fossé entre les apparences que perçoit un enfant et la réalité . P. 33
Face à cette violence et à cette haine , je me sens désemparée , voire désabusée . Puisque toutes les tentatives pour changer les choses , améliorer le quotidien des gens avortent alors à quoi bon continuer , essayer d'agir et se bercer de douces illusions ? P. 13
Les idéaux ne sont pas faits pour être réalisés en tant que tels, ils sont simplement une impulsion destinée à nous sortir de la passivité, une abstraction qui donne envie d'agir.
P. 213