Les non dits familiaux pèsent, et révèlent à la fois : la jeune Lisa, qui cherche à comprendre les circonstances de la mort de son père en Alabama, voyant sa mère blêmir et incapable de lui répondre, se doutant qu'elle veut la protéger, ne voulant pas à son tour la troubler avec ses questions, est cependant hantée par l'évocation des
« Chevaliers blancs. »
Chevaliers, comprenez non pas preux au secours des pauvres, mais assassins, blancs, comprenez non pas purs et angéliquement innocents, mais assassinant les nègres comme ils disent.
Comme la mémoire, même si on essaie de l'oublier, se rebiffe parfois et se réveille sans prévenir, les cauchemars de Lisa refont surface après la mort de sa mère et l'incitent à retourner depuis New York ( Harlem) , où elle vit, jusqu'en Alabama.
Laure Barachin analyse très finement le processus qui a consisté à faire venir gratuitement de la main d'oeuvre d'Afrique « sur laquelle ils ont pu se défouler sans scrupules puisque réduire en esclavage un être soi- disant dépourvu d'humanité était légal. Ce sont ces mêmes êtres, amenés de force, que certains accusent de nuire à la pureté ethnique ».
Ce ne sont pas de vrais Américains, sauf que les colons anglais ne l'étaient pas davantage, les vrais sont les Indiens, manque de chance, ils nuisent eux aussi à la perfection blanche.
Avoir la bonne couleur, voilà le secret. Or Lisa est noire.
Dans
le chemin des étoiles, se déroule la recherche des origines sudistes de Lisa, son arrivée dans une ville raciste et hostile, l'histoire de son père lynché, les meurtres qui se répètent tous les 7 ans, le tout ponctué par l'histoire abominable des Etats Unis, jusqu'aux évènements de 1992 à Los Angeles, suivant le meurtre de Rodney
King et l'acquittement des policiers blancs.
Laure Barachin évoque le courage de
Rosa Parks, la première femme noire qui s'est assise courageusement ( !!!) dans le côté des blancs dans un bus,
Martin Luther King dont elle cite le «
I have a dream » le rêve qu'enfants blancs et noirs puissent grandir en paix, le
King pourtant assassiné par un des blancs avec lequel il rêvait de construire la paix. Elle parle dans sa conclusion de ce réseau ferré qui fait l'objet du livre de
Colson Whitehead :
Underground railroad.
Et
le chemin des étoiles, avec son chêne qui sert aux lynchages, et la cabane où le père de Lisa a été conçu et ou il a été pendu. Ce chemin, dont parle lui aussi
Colson Whitehead a existé.
L'intérêt du livre est triple :
-celui de s'être mise dans la peau d'une noire, d'une manière si véridique.
-celui d'avoir cherché à comprendre comment deux frères jumeaux pouvaient , en ayant eu la même tragédie devant leurs yeux, se comporter l'un comme l'agent du mal, l'autre comme un gentil. La mauvaise enfance n'est pas toujours une explication ni un déterminisme, la nuisible moitié choisit le mal et le perpétue.
L'auteur cite Dostoievsky :
« On parle souvent de la cruauté bestiale de l'homme, mais c'est on ne peut plus injuste et insultant pour les bêtes : un animal ne peut jamais être aussi cruel que l'homme, si artiste, si raffiné dans sa cruauté ». Et
Sade. Et
Faulkner.
-Enfin la conclusion, Martin Luter King nous ouvre d'autres étoiles que celles sinistres de ce chemin. Voir les étoiles,
Laure Barachin insiste, et rêver, dans le sens d'agir. Il y a eu des abolitionnistes, des amours inter raciaux, des essais parfois inefficaces, des aides anonymes, le KKK ne faisait pas l'unanimité, ouf.
Et l'idée même de vengeance ne contente pas, ni le retour sur le passé, qui s'était tellement accroché à Lisa tant qu'elle n'avait pas compris. Retourner sur les lieux du crime ne l'éclaire pas, il lui faut vivre. Tout est possible, même décrocher les étoiles.
Etoiles pour toi,
Laure/ Melpomène125, bon chemin vers elles.