Citations sur Il était un piano noir... (27)
J'ai aimé la rencontre avec les hommes de ma vie, la dualité, la complicité, le rire, la quiétude, la séduction, l'impérieux besoin de reconquérir chaque matin, de rêver une vie à deux tout en sachant parfaitement que rien ni personne ne résisterait à mon piano, à mes théâtres, à la route partagée avec d'autres.
Chacun de nous devrait hériter d'un bout de jardin ou à tout le moins d'un arbre.
Il me semble que c'est le véritable héritage.
C'est à cette époque que je rencontre un jeune homme " aristocratiquement beau " ; nous allons cheminer des années sans nous voir, mais toujours attentifs l'un à l'autre.
Ce pâle adolescent au visage angélique, c'est Jacques Higelin ; c'est un fou de chansons qui connait par coeur tout Trénet.
Les sons me fascinent et je découvre le spectre de ma propre voix.
Je veillerai toujours à ce que le son ne soit pas aseptisé, qu'on respecte les modulations, les intonations de ma voix et mes respirations qui sont la vie même.
On ne sait pas d'où viennent les mots; quand tu chantes, ils mâchent, s'allongent, se distordent, se consument, déboulent de ta gorge à tes lèvres, redescendent dans ton corps, dans le pli de ta taille, dans ta hanche ;
ils t'obligent à tendre la jambe, à plier l'épaule, à courber l'échine, à redresser les reins le long desquels ils se faufilent jusqu'à redescendre jusqu'aux extrémités où ils irradient parfois comme une douleur ou un plaisir intenses.
Je m'aperçois d'ailleurs que j'ai fait dire à Lily-Passion: "C'est ma voix et ce n'est pas ma voix."
La voix est le principal témoin de nos émotions, du premier cri jusqu'au dernier souffle qui demeure un son, jusqu'au silence si particulier qui règne après la mort.
tant pis si la formule est un peu emphatique, mais je dirai volontiers: "La voix est la musique de l'âme" (p.51)
Riche d'une palette de tons infinie qui nous permet de dire, dialoguer, chanter, charmer, reproduire ou créer d'autres sons, la voix est magique.
Et les mots qui sortent de ma gorge, je ne les connais pas : des morts qu'on a plantés là, des mots que me font mal et qui m'étouffent ; alors je les crie, je les vomis pour pouvoir respirer, pour vivre ...
Face à la mer, j'éprouvais une impression de liberté ; de solitude et de petitesse aussi, mais j'étais bien.
Un jour, je suis allée écouter Edith Piaf. Elle chantait sur les boulevards, au Théâtre de l'ABC. Je me souviens d'être restée collée à mon siège. Sa voix m'avait fait pleurer et les yeux et le cœur.